Iliad VIII 245-253 in codex F205 (Milan, Biblioteca Ambrosiana), late 5th or early 6th c. AD
Giacobbe Giusti, HOMERE: ILIADE
Achilles tending Patroclus wounded by an arrow, identified by inscriptions on the upper part of the vase. Tondo of an Attic red-figure kylix, ca. 500 BC. From Vulci.
JASTROW own work, from the Iliade exhibition at the Colosseum, September 2006–February 2007
Giacobbe Giusti, HOMERE: ILIADE
Agamemnon seated on a rock and holding his sceptre, identified from an inscription. Fragment of the lid of an Attic red-figure lekanis by the circle of the Meidias Painter, 410–400 BC. From the contrada Santa Lucia in Taranto. Stored in the Museo Nazionale Archeologico in Taranto (Italy).
JASTROW own work, from the Iliade exhibition at the Colosseum, September 2006–February 2007
L’Iliade (en grec ancienἸλιάς / Iliás, en grec moderneΙλιάδα / Iliáda) est une épopée de la Grèce antiqueattribuée à l’aède légendaire Homère. Ce nom provient de la périphrase « le poème d’Ilion » (ἡ Ἰλιὰς ποίησις / hê Iliàs poíêsis), Ilion(Ἴλιον / Ílion) étant l’autre nom de la ville de Troie.
L’Iliade est composé de 15 337 hexamètres dactyliques et, depuis l’époque hellénistique, divisée en vingt-quatre chants. Le texte a probablement été composé entre -850 et -750, soit quatre siècles après la période à laquelle les historiens font correspondre la guerre mythique qu’il relate. Il n’a été fixé par écrit que sous Pisistrate, au vie siècle av. J.-C.. Dans l’Antiquité, l’Iliade faisait partie d’un cycle épique, le cycle troyen, mais seules l’Iliade et l’Odyssée en ont été conservées.
L’épopée se déroule pendant la guerre de Troie dans laquelle s’affrontent les Achéens venus de toute la Grèce et les Troyens et leurs alliés, chaque camp étant soutenu par diverses divinités comme Athéna, Poséidon ou Apollon. L’Iliade détaille les événements survenus pendant quelques semaines de la dixième et dernière année de la guerre. Après un siège de dix ans, le sort des armes hésite encore. Achille est le meilleur guerrier de l’armée achéenne. Mais une querelle avec le roi Agamemnon, chef des Achéens, met Achille en colère et il décide de se retirer du combat, ce qui menace de retourner le sort de la guerre en faveur des Troyens, galvanisés par Hector, le meilleur guerrier de Troie. Le récit culmine avec le retour d’Achille au combat et son duel contre Hector, puis les outrages infligés par Achille au corps de son ennemi vaincu. L’Iliadese termine avec les funérailles d’Hector. Le dénouement laisse entendre une victoire prochaine des Achéens.
L’Iliade forme, avec l’Odyssée, l’une des deux grandes épopées fondatrices de la littérature grecque antique. Dès l’Antiquité, elle fait l’objet de nombreux commentaires et interprétations et engendre une postérité abondante, dont la principale épopée mythologique romaine, l’Énéide de Virgile, au Ier siècle avant J.-C. Connue au Moyen âge par des réécritures latines, l’Iliade est redécouverte dans son texte grec à la Renaissance. À partir de la fin du xviiie siècle, la compréhension du texte et de ses origines est renouvelée peu à peu par la question homérique qui remet en cause l’existence d’Homère. L’épopée continue d’inspirer les artistes et de susciter l’intérêt des hellénistes et des historiens jusqu’à nos jours.
Invocation
Μῆνιν ἄειδε, θεὰ, Πηληιάδεω Ἀχιλῆος
« Chante, ô déesse, le courroux du Péléide Achille,
« Déesse chante-nous la colère d’Achille, de ce fils de Pélée,
οὐλομένην, ἣ μυpί’ Ἀχαιοῖς ἄλγε’ ἔθηκε,
Courroux fatal qui causa mille maux aux Achéens
colère détestable qui valut aux Argiens d’innombrables malheurs,
πολλὰς δ’ ἰφθίμους ψυχὰς Ἄϊδι προῒαψεν
Et fit descendre chez Hadès tant d’âmes valeureuses
De héros, dont les corps servirent de pâture aux chiens
Et aux oiseaux sans nombre : ainsi Zeus l’avait-il voulu2. »
de héros, livrant leurs corps en proie
aux oiseaux comme aux chiens :
ainsi s’accomplissait la volonté de Zeus3. »
Le premier terme, μῆνις / mễnis, qui veut dire « colère », est toujours employé pour qualifier une colère divine, funeste. Achille est le seul mortel dont la colère soit appelée μῆνις dans tout le corpushomérique. C’est bien cette colère inhumaine qui est le thème-clef de l’épopée.
La guerre de Troie dure depuis bientôt dix ans. Elle oppose les Achéens venus de toute la Grèce, aux Troyens et leurs alliés. Face à la cité fortifiée, les centaines de navires des assiégeants reposent sur la plage et leur servent de campement. L’Iliade relate, dans l’ordre chronologique, six journées et nuits de la guerre ; le chant XXIV se déroule douze jours après les événements du chant XXIII4. En aucune partie du texte n’est annoncée la prise de Troie grâce à la ruse du cheval de bois.
Agamemnon, le chef des Achéens, retient prisonnière Chryséis, la fille de Chrysès, un prêtre troyen d’Apollon. En représailles, le dieu Apollon a envoyé une pestemeurtrière sur toute l’armée achéenne. Le devin Calchasrévélant la cause du mal, Achilleadjure Agamemnon de rendre la prisonnière. Le roi finit par y consentir, mais décide de prendre en dédommagement Briséis, une belle Troyenne captive d’Achille. Furieux et se sentant spolié, ce dernier décide de cesser de combattre avec ses Myrmidons aux côtés des Achéens. Il invoque sa mère, la NéréideThétis, qui obtient de Zeus la promesse d’une victoire troyenne.
Deuxième jour : trêve et bataille
Chant II : le rêve trompeur et le catalogue des vaisseaux
Trompé dans son sommeil par un songe envoyé par Zeus, Agamemnon s’éveille certain de la victoire de ses troupes. Lors du conseil des chefs, il raconte précisément son rêve à quelques-uns de ses plus proches, puis pour mettre l’ensemble des troupes à l’épreuve feint de vouloir quitter le siège de Troie. Les guerriers préparent leur retour après neuf années de siège, mais Ulysse, roi d’Ithaque, parvient à les dissuader de partir. Les deux armées s’apprêtent à combattre et le narrateur détaille les forces en présence dans un passage traditionnellement appelé le Catalogue des vaisseaux suivi du Catalogue des Troyens : les Achéens venus de toute la Grècesur un grand nombre de vaisseaux feront face aux troupes des chefs troyens et de leurs alliés dardaniens, Lyciens, Phrygiens et Thraces.
Chant III : début de la trêve et combat singulier entre Pâris et Ménélas
Le troyen Pâris, fils du roi Priam, est saisi d’effroi à la vue de Ménélas, dont il a enlevé l’épouse, Hélène, cause du conflit. Suite aux durs reproches de son frère, le vaillant Hector, Pâris propose aux Achéens un combat singulier l’opposant à Ménélas, afin d’éviter une hécatombe à son peuple. Tandis que, du haut des remparts de Troie, Hélène énonce les chefs grecs à Priam, le pacte est conclu. Le duel s’engage, tournant rapidement à l’avantage de Ménélas, combattant expérimenté, au détriment du frêle et jeune Pâris. Mais celui-ci est sauvé d’une mort certaine par l’intervention divine d’Aphrodite, qui le soustrait au combat et le dépose dans Troie.
Sur l’Olympe, Zeus souhaite faire reconnaître la victoire de Ménélas, afin qu’une paix soit conclue, épargnant ainsi la ville. Mais Héra, qui souhaite ardemment la victoire des Achéens, demande à Athéna de pousser les Troyens à violer leurs serments de paix. Athéna convainc alors Pandare de décocher une flèche à Ménélas afin de briser la trêve, ce qui survient effectivement.
Dans la furie de la bataille, les Achéens galvanisés massacrent un grand nombre de Troyens. Diomèdes’illustre en particulier, soutenu par Athéna, au cours d’une aristie, en tuant, entre autres, Pandare, et en blessant Énée et sa mère, la déesse Aphrodite, venue le secourir. Les dieux s’impliquent alors dans les combats : Apollon sauve Énée en le soustrayant au champ de bataille et exhorte son frère Arès à s’engager aux côtés des Troyens. Ces derniers se ressaisissent et Hector, enflammé par les paroles de Sarpédon, mène ses troupes au combat avec le soutien d’Arès. Inquiètes de ce retournement de situation, Héra et Athéna s’arment et apportent leur secours aux Achéens défaits par le dieu de la guerre, qui est à son tour blessé par Diomède, seul mortel à pouvoir apercevoir les dieux. Enfin, dieux et déesses remontent à l’Olympe porter leur discorde devant Zeus.
Le combat continue de faire rage, les meilleurs guerriers des deux camps s’affrontant mortellement. Cependant, après avoir évoqué les liens d’hospitalité qui unissaient naguère leurs ancêtres, Diomède et Glaucos le Lycien cessent leur duel et échangent des présents. Hector se retire du combat et regagne la ville où il demande à Hécube, sa mère, de prier Athéna pour la victoire des Troyens. Les femmes rejoignent le temple de la déesse. Près des portes Scées, Hector fait ses adieux à son épouse, Andromaque, et à son tout jeune fils Astyanax. Il retrouve ensuite son frère Pâris et le convainc de rejoindre la bataille avec lui.
Chant VII : duel entre Hector et Ajax
Guidé par les plans d’Apollon et d’Athéna, Hector provoque les chefs grecs en duel. C’est Ajax, le fils de Télamon qui est tiré au sort pour l’affronter. À la faveur de la nuit, le duel doit cesser sans qu’un vainqueur puisse être désigné, bien qu’Hector soit blessé. Les deux hommes, en signe d’estime et de respect, s’offrent de nombreux présents. Une trêve temporaire est décidée par les deux camps. Elle est mise à profit pour honorer les nombreux morts qui jonchent le champ de bataille. Les Achéens décident et mettent en œuvre la construction d’un fossé et d’un mur devant leurs navires tirés sur la plage.
Troisième jour : l’ambassade à Achille et la Dolonie
Chant VIII : nouvelle bataille et succès troyens
Au petit jour, Zeus exige des dieux qu’ils restent neutres. Depuis les sommets du mont Ida surplombant le champ de bataille, il pèse sur sa balance d’or les destinées des deux armées. Celle-ci penche en faveur des Troyens et de fait, dès la reprise des combats, ils prennent l’avantage grâce à la fougue d’Hector, qui pousse ses troupes vers le rivage et les remparts des Achéens. Athéna et Héra ne peuvent rester sans agir face au repli des Grecs. Elles désobéissent à Zeus en secourant ces derniers, mais sont rapidement et vertement rappelées à l’ordre. Quand la nuit tombe, pour ne pas perdre leur avantage, cinquante mille Troyens campent dans la plaine.
Chant IX : l’ambassade auprès d’Achille
Dans le campement achéen, l’inquiétude est grande. Agamemnon évoque la possibilité d’abandonner le siège et de rentrer en Grèce, ce à quoi Ulysse et Nestor sont farouchement opposés. La solution serait de ramener Achille à la raison et de le convaincre de se joindre au combat. Agamemnon est prêt à s’excuser, à rendre Briséis et à couvrir Achille de présents, immédiatement et dans le futur par la promesse d’union avec l’une de ses filles et le don de plusieurs de ses cités en Argos. Il lui envoie Ulysse, Ajax et Phénix en ambassade afin de le convaincre. Achille reçoit dignement et écoute ses compagnons mais reste inflexible : il a l’intention de regagner sa patrie dès le lendemain — tout en évoquant la possibilité de demeurer sur place — et propose à Phénix de se joindre à lui. Ulysse et Ajax s’en retournent annoncer la mauvaise nouvelle à Agamemnon. Dans le Cratyle de Platon, Cratylenous apprend que l’épisode de l’ambassade auprès d’Achille était appelé Les Prières (Λιταῖ)5.
Afin de connaître les intentions des Troyens, le chef des Achéens, sur les conseils du sage Nestor, décide d’envoyer Diomède et Ulysse espionner leurs ennemis. Dans le camp adverse, Hector envoie Dolonen reconnaissance près du campement des Grecs. Mais Dolon est capturé par les deux espions achéens puis exécuté par Diomède après avoir livré des renseignements stratégiques et malgré ses suppliques. Poussant leur avantage, Ulysse et Diomède massacrent les chefs thraces, alliés des Troyens, endormis près du feu et ramènent leurs chevaux auprès des navires. Cet exploit ravive l’espoir d’une victoire prochaine parmi les Achéens. Cet épisode est appelé la « Dolonie » d’après le nom de Dolon.
Chant XI : nouveaux succès troyens
Au matin, la bataille reprend, et sous la pression des exploits d’Agamemnon, les Troyens reculent jusqu’aux remparts de leur cité. Mais Zeus envoie sa messagère Irisassurer Hector de son soutien et lui indiquer de contre-attaquer dès qu’Agamemnon sera blessé, ce qui finit par survenir. Ulysse, Diomède, Machaon et Eurypyle sont touchés à leur tour et les Grecs se replient vers leurs tentes. Achille, inquiet de voir revenir tant de braves guerriers durement blessés, s’inquiète de la tournure que prennent les évènements et demande à Patrocle de s’en enquérir. Sur les conseils de son compagnon, il court s’informer auprès du vieux sage Nestor qui lui demande d’aller convaincre Achille de reprendre le combat. Mais Patrocle va porter secours à Eurypyle dans sa tente. Le moral des Achéens est à nouveau au plus bas.
Chant XII : les Troyens assiègent le campement achéen
Ayant poursuivi les fuyards dans la plaine, ce sont désormais les Troyens et leurs alliés qui assiègent leurs ennemis avec une grande force. Sous les violents assauts d’Asios, de Sarpédon et Glaucos, les remparts vacillent, malgré la résistance héroïque des meilleurs combattants achéens. Enfin, Zeus accorde à Hector de franchir le large fossé à la tête de ses troupes et de fracasser les lourdes portes du campement. Les combattants troyens se ruent dans cette brèche. À l’intérieur des remparts, Hector fait rage, selon les desseins de Zeus.
Refusant la défaite imminente des Achéens et la mise à sac de leur camp et de leurs navires, Poséidonlui-même s’engage dans la bataille. Ainsi stimulés, Idoménée et Mérion, en furie, massacrent de nombreux Troyens, parmi lesquels Asios et son aurigeAlcathoos. Les Troyens Énée, Pâris, Hélénos et Déiphobes’illustrent également par leur bravoure et leurs ravages.
Malgré ces actes valeureux, les combattants troyens se replient temporairement sous une contre-attaque des grecs. Mais épaulés par Zeus, ils reprennent le dessus et réinvestissent rapidement le campement achéen.
Chant XIV : la ruse d’Héra
La situation est désespérée et Agamemnon propose à nouveau de sonner la retraite, mais Poséidon exhorte les Grecs, leur redonnant confiance. Héra détourne Zeus de la bataille grâce à un ruban avec lequel elle le séduit et le laisse endormi sur les cimes du Gargareaprès l’amour : cette scène fait partie de la Dios apatè (traduit par « tromperie de Zeus » ou encore « Zeus berné »). Zeus ainsi neutralisé, Poséidon peut désormais secourir efficacement les Achéens, qui mènent une contre-attaque rageuse et victorieuse, tuant de nombreux Troyens. Hector lui-même est blessé et doit être évacué par ses compagnons auprès du fleuve Scamandre. Aristophane et Aristarque de Samothracecondamnent l’épisode du « Sortilège du ruban »6, le jugeant inconvenant : Zeus y énumère ses infidélités passées, pour faire comprendre à son épouse qu’il est plus amoureux d’elle à ce moment-là que de ses amantes quand il les a aimées.
Chant XV : bataille près des navires achéens
À son réveil, Zeus, furieux d’avoir été trompé par sa femme Héra, intime à Poséidon l’ordre de se tenir à l’écart de la lutte. Préoccupé par le sort d’Hector, il envoie à son chevet Apollon, qui a tôt fait de le guérir et l’inspirer. Le valeureux Troyen peut alors à nouveau semer la mort et la panique dans les rangs des Grecs. Patrocle, effrayé, quitte son ami Eurypyle pour accourir vers Achille. Malgré une résistance héroïque d’Ajax auprès des navires, les Achéens épuisés cèdent et Hector arrive jusqu’aux premier rang de nefs pour commencer à y mettre le feu.
Chant XVI : exploits et mort de Patrocle
Devant l’urgence de la situation, Achille autorise Patrocle à mener les Myrmidons au combat à condition qu’il se contente de repousser les assaillants sans chercher à prendre la cité de Troie. Ayant revêtu les armes divines qu’Achille lui a prêtées, Patrocle exhorte les Myrmidons. Il parvient à faire reculer les combattants troyens et tue Sarpédon que Zeus se résigne, attristé, à voir périr. Apollon est envoyé pour récupérer son corps sans vie et l’envoyer en Lycie, et pour donner à Hector de l’ardeur au combat. Grisé par ses succès, Patrocle désobéit à Achille et pousse sa contre-attaque jusqu’aux remparts de Troie tuant encore le conducteur du char d’Hector. Il est alors frappé dans le dos par Apollon, puis par Euphorbe, et achevé par le prince troyen.
Chant XVII : bataille autour du corps de Patrocle
S’engage alors une âpre bataille autour du corps de Patrocle : Hector et Énée tentent de s’en emparer ainsi que des chevaux d’Achille. Mais les Achéens, Ménélas et Ajax en particulier, défendent héroïquement la dépouille de leur compagnon. Hector parvient cependant à en arracher les armes d’Achille, son casque et son armure, dont il se revêt. Inspiré par Zeus, il repousse les combattants achéens vers les nefs, qui, soutenus par Mérion et les deux Ajax, finissent par emporter le corps de Patrocle dans leur campement.
C’est à Antiloque que revient la lourde tâche d’informer Achille de la mort de son compagnon. Accablé de douleur, couvert de cendres et prostré à terre, Achille jure de le venger au plus vite. Sa mère Thétis lui demande de patienter une nuit, afin de permettre à Héphaïstos de lui forger de nouvelles armes. Le dieu boiteux se met au travail. Achille quitte sa tente et bondit hors du camp pour crier sa douleur et sa rage, et ses hurlements épouvantent les Troyens. De leur côté, ceux-ci tiennent conseil, et le sage Polydamas prodigue à Hector des conseils de prudence que ce dernier ignore. Son labeur achevé, Héphaïstos remet à Thétis un bouclier étincelant et magnifiquement orné, une cuirasse, un casque et des cnémidessplendides pour Achille.
Cinquième jour : le retour d’Achille au combat et la mort d’Hector
Chant XIX : la réconciliation
Devant l’armée achéenne, Achille se réconcilie avec Agamemnon. En échange de sa bonne volonté, il reçoit comme prévu un grand nombre de présents, dont la belle Briséis, qu’Agamemnon jure n’avoir jamais possédée. En préparation de la bataille à venir, les guerriers se restaurent, mais Achille, voulant se consacrer uniquement à la vengeance de son compagnon, refuse toute nourriture. Équipé de ses nouvelles armes, il souhaite partir au combat sur le champ, malgré les avertissements de son cheval Xanthos qui lui promet une mort prochaine.
Chant XX : retour d’Achille au combat
La discorde règne chez les dieux, que Zeus autorise à intervenir dans la bataille. Chacun choisit son camp et fourbit ses armes. Malgré l’épouvante des Troyens à la vue d’Achille, Énée s’élance vaillamment contre lui, inspiré par Apollon. Loin d’égaler Achille au combat, il est vaincu mais sauvé par Poséidon. Hector et Achille, parvenus à portée de voix, commencent à s’affronter, mais Apollon, inquiet pour la vie d’Hector, fait disparaître celui-ci du champ de bataille. Furieux, Achille fait un grand massacre parmi les Troyens affolés.
Chant XXI : exploits d’Achille et bataille des dieux
Sous les coups d’Achille, de nombreux combattants de Troie se jettent et périssent dans le fleuve Scamandre, révolté d’être ainsi souillé du sang des guerriers. Aidé du fleuve Simoïs, le Scamandre combat farouchement Achille, manquant de le noyer. Héra envoie alors Héphaïstos, qui parvient à faire reculer le fleuve par un feu divin brûlant et évaporant ses eaux. Dans la bataille, Apollon dresse Agénor contre Achille, puis finit par prendre sa place, simule la fuite afin qu’Achille lui coure après, autorisant ainsi la retraite des Troyens qui s’engouffrent tous dans les portes de la cité.
Chant XXII : duel d’Achille et d’Hector
Hector, malgré les supplications de ses parents, Priam et Hécube, s’est résolu à combattre Achille et l’attend seul, devant les remparts de Troie. Mais à la vue de son ennemi, il est épouvanté et dans un premier temps prend la fuite. Tandis qu’Achille poursuit Hector sur trois tours des murs de la cité, Zeus pèse sur sa balance d’or les destinées des deux guerriers : Hector est condamné. Athéna, déguisée, ramène Hector à la raison et le convainc d’affronter son destin et Achille. Le combat ne dure guère mais avant de mourir — frappé par la pique d’Achille au cou, au seul endroit où la cuirasse, qui fut celle du Peléide prise sur la dépouille de Patrocle, ne le protège pas —, Hector révèle à Achille qu’il périra sous le trait de son jeune frère Pâris. Le vainqueur se saisit de la dépouille de son ennemi qu’il attache à son char par les tendons des chevilles et traîne jusqu’aux vaisseaux grecs sous les yeux éplorés des Troyennes, parmi lesquelles Andromaque, l’épouse d’Hector.
Sixième jour : les funérailles de Patrocle
Chant XXIII : funérailles et jeux funèbres de Patrocle
Patrocle apparait en songe à son compagnon qui tente vainement de le saisir dans ses bras. Tous les Achéens se consacrent au deuil : de nombreux sacrifices sont consentis (bœufs, chevaux, servantes et douze jeunes Troyens sont immolés) et la dépouille du jeune homme est brûlée selon la tradition. Un tombeau est élevé, et les cendres et os de Patrocle sont recueillis en attendant d’être réunis avec ceux d’Achille. Ce dernier organise des jeux funèbres qu’il dote de nombreux prix. Ainsi les guerriers peuvent montrer leur valeur à la course de char, au pugilat, à la lutte, à la course à pied ou encore aux lancers.
Douze jours après : les funérailles d’Hector
Chant XXIV : ambassade de Priam et funérailles d’Hector
Achille ne peut trouver le sommeil. Pendant onze jours, il traîne chaque matin le corps d’Hector avec son char autour du tombeau de Patrocle. Mais les dieux, prenant en pitié la famille du Troyen, réprouvent son comportement et, par un procédé divin, conservent à la dépouille son bel aspect. Zeus exige de Thétis qu’elle aille convaincre son fils de rendre la dépouille à Priam. Priam, protégé par Hermès, traverse en secret les lignes ennemies pour être reçu dans la tente d’Achille. Là, il supplie ce dernier au nom de Pélée de lui rendre son fils en échange de présents. Achille y consent et propose à Priam le gîte et le couvert. Conciliant, Achille accepte également de retenir les troupes achéennes pendant douze jours, le temps pour les Troyens d’organiser des funérailles décentes à Hector. De retour à Troie, le corps du prince est présenté à la foule en larmes et de longues funérailles sont organisées.
« Beaucoup plus que l’Ulysse du Retour, c’est la noble et pure figure d’Achille qui incarne l’idéal moral du parfait chevalier homérique ; il se définit d’un mot : une morale héroïque de l’honneur. C’est dans Homère que chaque génération antique a trouvé ce qui est l’axe fondamental de cette éthique aristocratique : l’amour de la gloire. »
Deux types de gloires, d’honneurs (τιμή / timḗ) sont montrées dans l’Iliade :
l’honneur du chef, celui d’Agamemnon, le rang social ;
l’honneur du guerrier, la gloire personnelle, celle que recherche Achille.
L’Iliade voit le triomphe de la gloire vantée par Achille, κλέος ἄφθιτον / kléos áphthiton, la « gloire impérissable »7, qui s’acquiert par une « belle mort », jeune, sur le champ de bataille.
Plus tard, cet amour de la gloire personnelle sera transformé. Tyrtée, le poète spartiate, chante ainsi la gloire immortelle qu’il y a à défendre sa patrie : pour le guerrier mort ainsi, « jamais sa noble gloire ne périt, ni son nom, mais bien qu’il demeure sous terre, il est immortel »8. Dans l’Iliade, Achille n’est pas un guerrier patriote. Quand il reprend les armes, ce n’est pas pour les Grecs qu’il combat. Son départ pour Troie, ses combats, sa colère et sa décision de reprendre les armes sont profondément individuels, voire égoïstes. Et quand il décide d’affronter Hector, sachant qu’il mourra ensuite s’il le fait, ce n’est pas pour les Grecs mais pour venger Patrocle.[réf. nécessaire]
L’Iliade représente une lente décomposition des valeurs et des codes héroïques et chevaleresques, le cosmos (κόσμος, univers ordonné) pour basculer dans la sauvagerie, le chaos. Selon Jean-Pierre Vernant9, les héros grecs comme troyens cessent progressivement de considérer l’adversaire comme le partenaire d’un combat loyal pour le transformer en proie — témoin la mutilation sauvage par Achille du corps d’Hector. Cette sauvagerie n’est rédimée qu’à la fin de l’épopée, quand Priam vient réclamer le corps de son fils et qu’Achille, selon Jean-Pierre Vernant, comprend les limites du monde héroïque dans lequel il se meut.
Postérité
Réception de l’Iliade dans l’Antiquité
Avec l’Odyssée, l’Iliade est le texte majeur de la littérature grecque. Dans l’Antiquité, il était considéré comme la base indispensable de la bonne éducation, principalement celle des jeunes gens de bonne famille, ce qui faisait d’Homère, selon le mot de Socrate (qui déplorait son influence dans La République de Platon), l’« éducateur de la Grèce »10,11. Les enfants devaient par exemple faire des dictées tirées de ses épopées, ou en apprendre par cœur des passages, ou encore répondre à des questions à leur sujet (les restes d’un questionnaire de ce genre ont été retrouvés sur un fragment de papyrus égyptien d’époque ptolémaïque)12. De nombreux poètes et artistes prennent l’Iliadepour modèle ou s’en inspirent. Dès l’époque archaïque, la Batrachomyomachia, Combat des grenouilles et des rats, que les Anciens attribuaient aussi à Homère, compose une parodie héroïcomique des combats épiques comme ceux de l’Iliade. Au ve siècle, un dramaturge reprend dans la tragédie Rhésos l’histoire de Dolon, rapportée au chant X de l’Iliade.
À l’époque romaine, le poète latin Virgile prend Homère pour modèle dans la composition de son épopée, l’Énéide, qui relate le mythe des origines troyennes de Rome et glorifie indirectement Auguste. L’histoire prend la suite d’Homère sur plusieurs plans : sur le plan narratif, puisque le principal héros, Énée, est un prince troyen qui apparaît dans l’Iliade ; et sur le plan thématique, puisque la première moitié de l’Énéide relate un voyage en mer dans le style de l’Odyssée, tandis que la seconde moitié décrit les batailles menées par Énée pour s’établir dans le Latium, dans le style de l’Iliade13.
Postérité de l’Iliade après l’Antiquité
L’Iliade, comme l’Odyssée, acquiert le statut de classique dès l’Antiquité gréco-romaine et exerce une influence durable sur la littérature et les arts en général. L’œuvre est traduite du grec en vers latins en deux temps, d’abord par Livius Andronicus qui traduit l’Odysséedurant le iiie siècle av. J.-C.(Odussia) puis par Cnaeus Matius et Publius Baebius Italicus qui traduisent l’Iliade vers le début du ier siècle av. J.-C. (Ilias Latina). L’Iliade et son auteur étaient étudiés dans les écoles. Aujourd’hui encore, elle inspire de nombreux artistes.
Littérature
Au Moyen Âge, la guerre de Troieest connue par le biais de l’Iliade, notamment grâce aux traductions latines de l’original grec. Mais l’Iliadene raconte que quelques jours de la dixième année de la guerre. Le reste des événements avait été relaté à l’origine par les épopées du cycle troyen, mais celles-ci se sont perdues pendant l’Antiquité. En revanche, d’autres récits composés plus tard dans l’Antiquité sont encore connus au Moyen Âge (et sont parvenus jusqu’à nous), comme l’Histoire de la destruction de Troie attribuée à Darès le Phrygien et l’Éphéméride de la guerre de Troie attribuée à Dictys de Crète14. Vers 1165, Benoît de Sainte-Maure compose Le Roman de Troie qui relate l’ensemble des événements de la guerre de Troie(et ne se limite donc pas aux événements relatés par l’Iliade)14. En 1450-1452, Jacques Milletcompose une pièce intitulée Histoire de la destruction de Troie la grande, composée de 30 000 vers, qui connaît un grand succès jusqu’au xvie siècle15.
L’Iliade continue à fournir de nombreux sujets aux poètes et aux dramaturges à la Renaissance. Certaines tragédies développent des sujets liés à la guerre de Troiemais qui décrivent les suites de la guerre, dans la lignée des tragiques antiques : c’est le cas par exemple de La Troade de Robert Garnier(1579). Mais d’autres s’inspirent directement de l’Iliade, comme Hector d’Antoine de Montchrestien(1604)16.
En 1716, Marivaux publie un Homère travesti ou l’Iliade en vers burlesques qui est une parodieburlesque des événements de l’Iliade, où les guerriers sont ridicules et les combats bouffons ; Marivaux, ignorant le grec, n’a pas lu Homère dans le texte, mais a travaillé à partir d’une traduction française en douze chants par Houdar de La Motte17.
En 1990, Derek Walcott publie Omeros, une réécriture de l’Iliadequi se déroule aux Caraïbes. En 2006, Alessandro Baricco en propose une réécriture intitulée Homère, Iliade : en supprimant les apparitions divines ainsi que les répétitions, en changeant de narrateur à chaque chapitre et en utilisant l’italien moderne, l’auteur veut débarrasser le récit de «tous les archaïsmes qui l’éloignent du cœur de son sujet»18.
L’Iliade inspire aussi les auteurs des littératures de l’imaginaire. Dans Ilium (2003) et Olympos (2006), l’auteur américain Dan Simmonsréalise une libre transposition de l’épopée homérique dans un univers de science-fiction qui se réfère aussi à d’autres classiques de la littérature.
Cinéma
Dès les débuts du cinéma, l’Iliadefait l’objet de nombreuses adaptations en péplums. En 2004, Troie, réalisé par Wolfgang Petersen, relate l’ensemble de la guerre de Troie en accordant une place importante aux événements relatés par l’épopée homérique, mais en s’écartant parfois beaucoup du mythe antique.
La tradition manuscrite de l’Iliade
Folio 24r du Venetus A. Comme l’indique le titre en rouge au milieu de la page, il s’agit de la fin du premier chant et du début du second (ΙΛΙΑΔΟΣ B). Le texte du poème est accompagné d’au moins cinq types de scholies.
1- En tête de la page, en rouge, un bref résumé du Chant II qui dit : Bῆτα δ’ ὄνειρον ἔχει· ἀγορήν· καὶ νῆας ἀριθμεῖ· (Et Bêta comprend un rêve, une assemblée, et énumère les navires).
2- Une exégèse dense encadre les hexamètres homériens.
3- Le scribe utilise les marges et les interlignes pour écrire d’autres notes.
4- D’autres encore sont inscrites à droite dans le dessin d’une colonne.
5- Sous la ligne de points et les motifs végétaux qui concluent le Chant I, il inscrit les sources bibliographiques de sa glose.
Comme au début de chaque chant, l’initiale (Alpha dans ce cas) est une lettrine végétale enluminée.
Le codex Venetus A
Comme en témoignent les nombreux papyrus dont on dispose et qui reproduisent des fragments de texte, il existe plusieurs versions du poème iliadique. Celle qui fait aujourd’hui référence s’appelle la « vulgate alexandrine » parce qu’elle est établie et commentée en Égypte aux iiie et iie siècles av. J.-C., sans doute à partir d’un corpus grec datant du vie siècle av. J.-C.19.
Le plus vieux manuscrit complet que l’on en connaisse est de ce fait l’un des plus célèbres du monde. On l’appelle « Venetus A », ou « Codex Marcianus Graecus Z. 454 (=822) »20. « Codex » signifie que l’ouvrage est un manuscrit relié sous forme de livre, et « Marcianus Graecus », qu’il appartient au fonds grec de la bibliothèque Marciana de Venise. La lettre Z indique le nom (Zanetti) de la personne qui l’a enregistré sous le numéro 454 de l’inventaire. La cote supplémentaire, « 822 », a été rajoutée au début du xxe siècle pour indiquer l’emplacement du manuscrit dans la bibliothèque.
Il existe d’autres manuscrits, un peu plus récents, que l’on désigne soit par leur cote, soit par les classements établis par les chercheurs qui les ont étudiés : l’Escorialensis Ω.I.12, du monastère de l’Escurial en Espagne, est par exemple également appelé E4 par Allen21 et F par Martin L. West22.
Le Venetus A (abrégé « VA » ou « VenA ») est une copie byzantinedu xe siècle. Il parvient en Italie, entre les mains du cardinal humaniste grec Bessarion, au milieu du xve siècle, alors que la menace ottomane se précise sur Constantinople. Bessarion le lègue avec toute sa bibliothèque à la République de Venise. Sur le catalogue du legs qui est transféré à la Sérénissime en 1472, il est désigné par ces quelques mots : Homeri Ilias, in pergameno, pulchra(l’Iliade d’Homère, sur parchemin, magnifique). Le codex est plus ou moins oublié pendant des siècles avant d’être à nouveau repéré et publié à la fin du xviiie siècle par Jean-Baptiste-Gaspard d’Ansse de Villoison. Enfin, le manuscrit gagne Paris dans les malles de Bonaparte mais est finalement restitué en 1816.
Le Venetus A compte 654 pages écrites par le même scribe sur des parchemins en peau de chèvre. Comme la plupart des manuscrits byzantins de la vulgate alexandrine, il accompagne le texte de nombreux commentaires linguistiques, critiques ou didactiques qu’on appelle scholies. Les scholies expliquent par exemple l’emploi de termes déjà devenus rares ou obsolètes à l’époque hellénistique. Elles nous renseignent aussi sur l’histoire du texte et de ses différentes versions. Le nombre et la qualité des scholies de VA témoignent d’une érudition et d’une documentation impressionnantes et confèrent à l’ouvrage un caractère exceptionnel23.
La scribe introduit chaque chant par un court résumé en forme d’hexamètre dactylique et indique pour chacun les sources des scholies qu’il a sélectionnées. Il prend également soin de changer de calame et d’adopter une graphie différente pour le texte principal et chaque type de scholies. De forme végétale, la lettrine initiale des chants est enluminée de rouge carmin, d’or et de bleu cobalt. Le texte est écrit en encre brun-foncé à brun-rouille. Quelques indications sont données en rouge. Quelques illustrations sont rajoutées au xiie siècle.
Le codex a subi plusieurs opérations de reliure et de restauration : la première connue est faite par Bessarion lui-même qui remplace 19 pages manquantes en imitant remarquablement de sa main la graphie originelle. Enfin, il fait l’objet d’une reproduction photographique en 1901.
La comparaison entre le texte de d’Ansse de Villoison, ces photographies et l’état actuel du document est assez préoccupante : l’encre s’efface et certains passages ont déjà disparu. À cet égard, la numérisation en haute résolution des papyrus et des manuscrits, les prises de vues sous ultra-violet rendant à nouveau lisibles les textes effacés par le temps, et leur publication sous licence Creative Commons ouvrent des perspectives diacritiques inédites et constituent l’un des enjeux majeurs des études homériques contemporaines. À titre d’exemples, VA, VB et U4 [Codex Marcianus Graecus Z. 453 (= 821) et Marcianus Graecus Z. 458 (= 841)] sont intégralement disponibles sur le site du Center for Hellenic Studies de l’université Harvard. L’université du Kentucky a procédé à la numérisation de l’Escorialensis Υ.I.1 et de l’Escorialensis Ω.I.12. Les images sont disponibles sur le site des études classiques de l’université de Houston24. Mais l’âge et la fragilité des manuscrits rendent ces campagnes d’acquisition de données particulièrement délicates. Elles nécessitent la mise en place de partenariats scientifiques et techniques internationaux25.
↑La plupart des informations suivantes proviennent de Casey Dué (éd.), Recapturing a Homeric Legacy, Center for Hellenic Studies, Trustees for Harvard University (revue Hellenic Studies n°35), 2009. [lire en ligne [archive]]
↑Allen, T. W. Homeri Ilias. Vol. I–III. Oxford, 1931.
↑Martin L. West, éd. Homeri Ilias. Stuttgart and Leipzig, 1998–2000.
↑Amy Hackney Blackwell a relaté l’aventure de la numérisation du Venetus A dans le magazine Wired : « Robot Scans Ancient Manuscript in 3-D », article d’Amy Hackney Blackwell dans Wired, 6 mai 2007. [lire en ligne [archive]].
Suzanne Saïd, Monique Trédé et Alain Le Boulluec, Histoire de la littérature grecque, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Premier Cycle », (ISBN2130482333 et978-2130482338)
Ariane Eissen, Les Mythes grecs, Belin, 1993.
Alexandre Farnoux, Homère, le prince des poètes, Paris, Gallimard, 2010.
Études
Guy Samama, collectif, Analyses et réflexions sur L’Iliade (chants XI à XXIV), Ellipses, 2000,(ISBN2-7298-0241-X)
Although the story covers only a few weeks in the final year of the war, the Iliad mentions or alludes to many of the Greek legends about the siege; the earlier events, such as the gathering of warriors for the siege, the cause of the war, and related concerns tend to appear near the beginning. Then the epic narrative takes up events prophesied for the future, such as Achilles’ imminent death and the fall of Troy, although the narrative ends before these events take place. However, as these events are prefigured and alluded to more and more vividly, when it reaches an end the poem has told a more or less complete tale of the Trojan War.
The Iliad is paired with something of a sequel, the Odyssey, also attributed to Homer. Along with the Odyssey, the Iliad is among the oldest extant works of Western literature, and its written version is usually dated to around the 8th century BC.[2] In the modern vulgate (the standard accepted version), the Iliad contains 15,693 lines; it is written in Homeric Greek, a literary amalgam of Ionic Greek and other dialects. According to Michael N. Nagler, the Iliad is a more complicated epic poem than the Odyssey.[3]
Synopsis
The first verses of the Iliad
Note: Book numbers are in parentheses and come before the synopsis of the book.
(1) After an invocation to the Muses, the story launches in medias res towards the end of the Trojan War between the Trojans and the besieging Greeks. Chryses, a Trojan priest of Apollo, offers the Greeks wealth for the return of his daughter Chryseis, held captive of Agamemnon, the Greek leader. Although most of the Greek army is in favour of the offer, Agamemnon refuses. Chryses prays for Apollo’s help, and Apollo causes a plague to afflict the Greek army.
After nine days of plague, Achilles, the leader of the Myrmidoncontingent, calls an assembly to deal with the problem. Under pressure, Agamemnon agrees to return Chryseis to her father, but decides to take Achilles’ captive, Briseis, as compensation. Angered, Achilles declares that he and his men will no longer fight for Agamemnon and will go home. Odysseus takes a ship and returns Chryseis to her father, whereupon Apollo ends the plague.
In the meantime, Agamemnon’s messengers take Briseis away. Achilles becomes very upset, sits by the seashore, and prays to his mother, Thetis.[4] Achilles asks his mother to ask Zeus to bring the Greeks to the breaking point by the Trojans, so Agamemnon will realize how much the Greeks need Achilles. Thetis does so, and Zeus agrees.
(2) Zeus sends a dream to Agamemnon, urging him to attack Troy. Agamemnon heeds the dream but decides to first test the Greek army’s morale, by telling them to go home. The plan backfires, and only the intervention of Odysseus, inspired by Athena, stops a rout.
Odysseus confronts and beats Thersites, a common soldier who voices discontent about fighting Agamemnon’s war. After a meal, the Greeks deploy in companies upon the Trojan plain. The poet takes the opportunity to describe the provenance of each Greek contingent.
When news of the Greek deployment reaches King Priam, the Trojans too sortie upon the plain. In a list similar to that for the Greeks, the poet describes the Trojans and their allies.
(3) The armies approach each other, but before they meet, Parisoffers to end the war by fighting a duel with Menelaus, urged by his brother and head of the Trojan army, Hector. While Helen tells Priam about the Greek commanders from the walls of Troy, both sides swear a truce and promise to abide by the outcome of the duel. Paris is beaten, but Aphrodite rescues him and leads him to bed with Helen before Menelaus can kill him.
(4) Pressured by Hera‘s hatred of Troy, Zeus arranges for the Trojan Pandaros to break the truce by wounding Menelaus with an arrow. Agamemnon rouses the Greeks, and battle is joined.
(5) In the fighting, Diomedes kills many Trojans, including Pandaros, and defeats Aeneas, whom Aphrodite rescues, but Diomedes attacks and wounds the goddess. Apollo faces Diomedes and warns him against warring with gods. Many heroes and commanders join in, including Hector, and the gods supporting each side try to influence the battle. Emboldened by Athena, Diomedes wounds Ares and puts him out of action.
(6) Hector rallies the Trojans and prevents a rout; the Greek Diomedes and the Trojan Glaukos find common ground and exchange unequal gifts. Hector enters the city, urges prayers and sacrifices, incites Paris to battle, bids his wife Andromache and son Astyanaxfarewell on the city walls, and rejoins the battle.
(7) Hector duels with Ajax, but nightfall interrupts the fight, and both sides retire. The Greeks agree to burn their dead, and build a wall to protect their ships and camp, while the Trojans quarrel about returning Helen. Paris offers to return the treasure he took and give further wealth as compensation, but not Helen, and the offer is refused. A day’s truce is agreed for burning the dead, during which the Greeks also build their wall and a trench.
(8) The next morning, Zeus prohibits the gods from interfering, and fighting begins anew. The Trojans prevail and force the Greeks back to their wall, while Hera and Athena are forbidden to help. Night falls before the Trojans can assail the Greek wall. They camp in the field to attack at first light, and their watchfires light the plain like stars.
Giacobbe Giusti, HOMERE: ILIADE
Iliad, Book VIII, lines 245–53, Greek manuscript, late 5th, early 6th centuries AD.
(9) Meanwhile, the Greeks are desperate. Agamemnon admits his error, and sends an embassy composed of Odysseus, Ajax, Phoenix, and two heralds to offer Briseis and extensive gifts to Achilles, who has been camped next to his ships throughout, if only he will return to the fighting. Achilles and his companion Patroclus receive the embassy well, but Achilles angrily refuses Agamemnon’s offer and declares that he would only return to battle if the Trojans reached his ships and threatened them with fire. The embassy returns empty-handed.
(10) Later that night, Odysseus and Diomedes venture out to the Trojan lines, kill the Trojan Dolon, and wreak havoc in the camps of some Thracian allies of Troy’s.
(11) In the morning, the fighting is fierce, and Agamemnon, Diomedes, and Odysseus are all wounded. Achilles sends Patroclus from his camp to inquire about the Greek casualties, and while there Patroclus is moved to pity by a speech of Nestor‘s.
(12) The Trojans attack the Greek wall on foot. Hector, ignoring an omen, leads the terrible fighting. The Greeks are overwhelmed and routed, the wall’s gate is broken, and Hector charges in.
(13) Many fall on both sides. The Trojan seer Polydamas urges Hector to fall back and warns him about Achilles, but is ignored.
(14) Hera seduces Zeus and lures him to sleep, allowing Poseidonto help the Greeks, and the Trojans are driven back onto the plain.
(15) Zeus awakes and is enraged by Poseidon’s intervention. Against the mounting discontent of the Greek-supporting gods, Zeus sends Apollo to aid the Trojans, who once again breach the wall, and the battle reaches the ships.
(16) Patroclus cannot stand to watch any longer and begs Achilles to be allowed to defend the ships. Achilles relents and lends Patroclus his armor, but sends him off with a stern admonition not to pursue the Trojans, lest he take Achilles’ glory. Patroclus leads the Myrmidonsinto battle and arrives as the Trojans set fire to the first ships. The Trojans are routed by the sudden onslaught, and Patroclus begins his assault by killing Zeus’s son Sarpedon, a leading ally of the Trojans. Patroclus, ignoring Achilles’ command, pursues and reaches the gates of Troy, where Apollo himself stops him. Patroclus is set upon by Apollo and Euphorbos, and is finally killed by Hector.
(17) Hector takes Achilles’ armor from the fallen Patroclus, but fighting develops around Patroclus’ body.
(18) Achilles is mad with grief when he hears of Patroclus’ death and vows to take vengeance on Hector; his mother Thetis grieves, too, knowing that Achilles is fated to die young if he kills Hector. Achilles is urged to help retrieve Patroclus’ body but has no armour. Bathed in a brilliant radiance by Athena, Achilles stands next to the Greek wall and roars in rage. The Trojans are dismayed by his appearance, and the Greeks manage to bear Patroclus’ body away. Polydamas urges Hector again to withdraw into the city; again Hector refuses, and the Trojans camp on the plain at nightfall. Patroclus is mourned. Meanwhile, at Thetis’ request, Hephaestus fashions a new set of armor for Achilles, including a magnificently wrought shield.
(19) In the morning, Agamemnon gives Achilles all the promised gifts, including Briseis, but Achilles is indifferent to them. Achilles fasts while the Greeks take their meal, straps on his new armor, and heaves[clarification needed] his great spear. His horse Xanthosprophesies to Achilles his death. Achilles drives his chariot into battle.
(20) Zeus lifts the ban on the gods’ interference, and the gods freely help both sides. Achilles, burning with rage and grief, slays many.
(21) Driving the Trojans before him, Achilles cuts off half their number in the river Skamandros and proceeds to slaughter them, filling the river with the dead. The river, angry at the killing, confronts Achilles but is beaten back by Hephaestus’ firestorm. The gods fight among themselves. The great gates of the city are opened to receive the fleeing Trojans, and Apollo leads Achilles away from the city by pretending to be a Trojan.
(22) When Apollo reveals himself to Achilles, the Trojans have retreated into the city, all except for Hector, who, having twice ignored the counsels of Polydamas, feels the shame of the rout and resolves to face Achilles, despite the pleas of his parents, Priam and Hecuba. When Achilles approaches, Hector’s will fails him, and he is chased around the city by Achilles. Finally, Athena tricks him into stopping, and he turns to face his opponent. After a brief duel, Achilles stabs Hector through the neck. Before dying, Hector reminds Achilles that he, too, is fated to die in the war. Achilles takes Hector’s body and dishonours it by dragging it behind his chariot.
(23) The ghost of Patroclus comes to Achilles in a dream, urging him to carry out his burial rites and to arrange for their bones to be entombed together. The Greeks hold a day of funeral games, and Achilles gives out the prizes.
(24) Dismayed by Achilles’ continued abuse of Hector’s body, Zeus decides that it must be returned to Priam. Led by Hermes, Priam takes a wagon out of Troy, across the plains, and into the Greek camp unnoticed. He clasps Achilles by the knees and begs for his son’s body. Achilles is moved to tears, and the two lament their losses in the war. After a meal, Priam carries Hector’s body back into Troy. Hector is buried, and the city mourns.
The many characters of the Iliad are catalogued; the latter half of Book II, the « Catalogue of Ships« , lists commanders and cohorts; battle scenes feature quickly slain minor characters.
Achaeans
The Achaeans (Ἀχαιοί) – also called Hellenes (Ἑλλοί), Danaans(Δαναοί), Argives (Ἀργεĩοι), or Greeks.
Achilles Lamenting the Death of Patroclus (1855) by the Russian realistNikolai Ge
Much debate has surrounded the nature of the relationship of Achilles and Patroclus, as to whether it can be described as a homoerotic one or not. Classical and Hellenistic Athenian scholars perceived it as pederastic,[6] while others perceived it as a platonic warrior-bond.[7]
Briseis – a Trojan woman captured by Achilles from a previous siege, over whom Achilles’s quarrel with Agamemnon began.
Gods
In the literary Trojan War of the Iliad, the Olympian gods, goddesses, and minor deities fight among themselves and participate in human warfare, often by interfering with humans to counter other gods. Unlike their portrayals in Greek religion, Homer’s portrayal of gods suited his narrative purpose. The gods in traditional thought of fourth-century Athenians were not spoken of in terms familiar to us from Homer.[8]The Classical-era historian Herodotus says that Homer and Hesiod, his contemporary, were the first writers to name and describe the gods’ appearance and character.[9]
In Greek Gods, Human Lives: What We Can Learn From Myths, Mary Lefkowitz discusses the relevance of divine action in the Iliad, attempting to answer the question of whether or not divine intervention is a discrete occurrence (for its own sake), or if such godly behaviors are mere human character metaphors. The intellectual interest of Classic-era authors, such as Thucydides and Plato, was limited to their utility as « a way of talking about human life rather than a description or a truth », because, if the gods remain religious figures, rather than human metaphors, their « existence »—without the foundation of either dogma or a bible of faiths—then allowed Greek culture the intellectual breadth and freedom to conjure gods fitting any religious function they required as a people.[10][11] The religion had no founder and was not the creation of an inspired teacher which were popular origins of existing religions in the world.[12] The individuals were free to believe what they wanted, as the Greek religion was created out of a consensus of the people. These beliefs coincide to the thoughts about the gods in polytheistic Greek religion. In the article « Greek Religion » A.W.H. Adkins, agrees with this by saying, “The early Greeks personalized every aspect of their world, natural and cultural, and their experiences in it. The earth, the sea, the mountains, the rivers, custom-law (themis), and one’s share in society and its goods were all seen in personal as well as naturalistic terms.”[13] As a result of this thinking, each god or goddess in Polytheistic Greek religion is attributed to an aspect of the human world. For example, Poseidon is the god of the sea, Aphrodite is the goddess of beauty, Ares is the god of war, and so on and so forth for many other gods. This is how Greek culture was defined as many Athenians felt the presence of their gods through divine intervention in significant events in their lives. Oftentimes they found these events to be mysterious and inexplicable.[8]
In The Origin of Consciousness in the Breakdown of the Bicameral Mind, psychologist Julian Jaynes uses the Iliad as a major piece of evidence for his theory of Bicameralism, which posits that until about the time described in the Iliad, humans had a far different mentality from present day humans. He says that humans during that time were lacking what we today call consciousness. He suggests that humans heard and obeyed commands from what they identified as gods, until the change in human mentality that incorporated the motivating force into the conscious self. He points out that almost every action in the Iliad is directed, caused, or influenced by a god, and that earlier translations show an astonishing lack of words suggesting thought, planning, or introspection. Those that do appear, he argues, are misinterpretations made by translators imposing a modern mentality on the characters.[14]
Divine intervention
Some scholars believe that the gods may have intervened in the mortal world because of quarrels they may have had among each other. Homer interprets the world at this time by using the passion and emotion of the gods to be determining factors of what happens on the human level.[15] An example of one of these relationships in the Iliadoccurs between Athena, Hera, and Aphrodite. In the final book of the poem Homer writes, “He offended Athena and Hera—both goddesses.”[16] Athena and Hera are envious of Aphrodite because of a beauty pageant on Mount Olympus in which Paris chose Aphrodite to be the most beautiful goddess over both Hera and Athena. Wolfgang Kullmann further goes on to say, “Hera’s and Athena’s disappointment over the victory of Aphrodite in the Judgement of Paris determines the whole conduct of both goddesses in The Iliad and is the cause of their hatred for Paris, the Judge, and his town Troy.”[15]Hera and Athena then continue to support the Achaean forces throughout the poem because Paris is part of the Trojans, while Aphrodite aids Paris and the Trojans. The emotions between the goddesses often translate to actions they take in the mortal world. For example, in Book 3 of The Iliad, Paris challenges any of the Achaeans to a single combat and Menelaus steps forward. Menelaus was dominating the battle and was on the verge of killing Paris. “Now he’d have hauled him off and won undying glory but Aphrodite, Zeus’s daughter was quick to the mark, snapped the rawhide strap.”[16]Aphrodite intervened out of her own self-interest to save Paris from the wrath of Menelaus because Paris had helped her to win the beauty pageant. The partisanship of Aphrodite towards Paris induces constant intervention by all of the gods, especially to give motivational speeches to their respective proteges, while often appearing in the shape of a human being they are familiar with.[15] This connection of emotions to actions is just one example out of many that occur throughout the poem.[citation needed]
Fate (κήρ, kēr, « fated death ») propels most of the events of the Iliad. Once set, gods and men abide it, neither truly able nor willing to contest it. How fate is set is unknown, but it is told by the Fates and by Zeus through sending omens to seers such as Calchas. Men and their gods continually speak of heroic acceptance and cowardly avoidance of one’s slated fate.[17] Fate does not determine every action, incident, and occurrence, but it does determine the outcome of life—before killing him, Hector calls Patroclus a fool for cowardly avoidance of his fate, by attempting his defeat;[citation needed] Patroclus retorts: [18]
No, deadly destiny, with the son of Leto, has killed me,
and of men it was Euphorbos; you are only my third slayer.
And put away in your heart this other thing that I tell you.
You yourself are not one who shall live long, but now already
death and powerful destiny are standing beside you,
to go down under the hands of Aiakos’ great son, Achilleus.[19]
Here, Patroclus alludes to fated death by Hector’s hand, and Hector’s fated death by Achilles’s hand. Each accepts the outcome of his life, yet, no-one knows if the gods can alter fate. The first instance of this doubt occurs in Book XVI. Seeing Patroclus about to kill Sarpedon, his mortal son, Zeus says:
Ah me, that it is destined that the dearest of men, Sarpedon,
must go down under the hands of Menoitios’ son Patroclus.[20]
About his dilemma, Hera asks Zeus:
Majesty, son of Kronos, what sort of thing have you spoken?
Do you wish to bring back a man who is mortal, one long since
doomed by his destiny, from ill-sounding death and release him?
Do it, then; but not all the rest of us gods shall approve you.[21]
In deciding between losing a son or abiding fate, Zeus, King of the Gods, allows it. This motif recurs when he considers sparing Hector, whom he loves and respects. This time, it is Athene who challenges him:
Father of the shining bolt, dark misted, what is this you said?
Do you wish to bring back a man who is mortal, one long since
doomed by his destiny, from ill-sounding death and release him?
Do it, then; but not all the rest of us gods shall approve you.[22]
Again, Zeus appears capable of altering fate, but does not, deciding instead to abide set outcomes; similarly, fate spares Aeneas, after Apollo convinces the over-matched Trojan to fight Achilles. Poseidon cautiously speaks:
But come, let us ourselves get him away from death, for fear
the son of Kronos may be angered if now Achilleus
kills this man. It is destined that he shall be the survivor,
that the generation of Dardanos shall not die …[23]
Divinely aided, Aeneas escapes the wrath of Achilles and survives the Trojan War. Whether or not the gods can alter fate, they do abide it, despite its countering their human allegiances; thus, the mysterious origin of fate is a power beyond the gods. Fate implies the primeval, tripartite division of the world that Zeus, Poseidon, and Hades effected in deposing their father, Cronus, for its dominion. Zeus took the Air and the Sky, Poseidon the Waters, and Hades the Underworld, the land of the dead—yet they share dominion of the Earth. Despite the earthly powers of the Olympic gods, only the Three Fates set the destiny of Man.
Kleos
Kleos (κλέος, « glory, fame ») is the concept of glory earned in heroic battle.[24] Yet, Achilles must choose only one of the two rewards, either nostos or kleos.[25] In Book IX (IX.410–16), he poignantly tells Agamemnon’s envoys—Odysseus, Phoenix, Ajax—begging his reinstatement to battle about having to choose between two fates (διχθαδίας κήρας, 9.411).[26]
For my mother Thetis the goddess of silver feet tells me
I carry two sorts of destiny toward the day of my death. Either,
if I stay here and fight beside the city of the Trojans,
my return home is gone, but my glory shall be everlasting;
but if I return home to the beloved land of my fathers,
the excellence of my glory is gone, but there will be a long life
left for me, and my end in death will not come to me quickly.[28]
In forgoing his nostos, he will earn the greater reward of kleos aphthiton (κλέος ἄφθιτον, « fame imperishable »).[26] In the poem, aphthiton (ἄφθιτον, « imperishable ») occurs five other times,[29] each occurrence denotes an object: Agamemnon’s sceptre, the wheel of Hebe‘s chariot, the house of Poseidon, the throne of Zeus, the house of Hephaestus. Translator Lattimore renders kleos aphthiton as forever immortal and as forever imperishable—connoting Achilles’s mortality by underscoring his greater reward in returning to battle Troy.
Kleos is often given visible representation by the prizes won in battle. When Agamemnon takes Briseis from Achilles, he takes away a portion of the kleos he had earned.
Achilles’ shield, crafted by Hephaestus and given to him by his mother Thetis, bears an image of stars in the centre. The stars conjure profound images of the place of a single man, no matter how heroic, in the perspective of the entire cosmos.
Nostos
Nostos (νόστος, « homecoming ») occurs seven times in the poem,[30]making it a minor theme in the Iliad itself. Yet the concept of homecoming is much explored in other Ancient Greek literature, especially in the post-war homeward fortunes experienced by the Atreidae (Agamemnon and Menelaus), and Odysseus (see the Odyssey).
Pride
Pride drives the plot of the Iliad. The Greeks gather on the plain of Troy to wrest Helen from the Trojans. Though the majority of the Trojans would gladly return Helen to the Greeks, they defer to the pride of their prince, Alexandros, also known as Paris. Within this frame, Homer’s work begins. At the start of the Iliad, Agamemnon’s pride sets forth a chain of events that leads him to take from Achilles, Briseis, the girl that he had originally given Achilles in return for his martial prowess. Due to this slight, Achilles refuses to fight and asks his mother, Thetis, to make sure that Zeus causes the Greeks to suffer on the battlefield until Agamemnon comes to realize the harm he has done to Achilles. Achilles’ pride allows him to beg Thetis for the deaths of his Greek friends and countrymen. When in Book 9 his friends urge him to return, offering him loot and his girl, Briseis, he refuses, stuck in his vengeful pride. Achilles remains stuck until the very end, when his anger at himself for Patroclus’ death overcomes his pride at Agamemnon’s slight and he returns to kill Hector. He overcomes his pride again when he keeps his anger in check and returns Hector to Priam at epic’s close. From epic start to epic finish, pride drives the plot.[31]
Timê
Akin to kleos is timê (τιμή, « respect, honor »), the concept denoting the respectability an honorable man accrues with accomplishment (cultural, political, martial), per his station in life. In Book I, the Greek troubles begin with King Agamemnon’s dishonorable, unkingly behavior—first, by threatening the priest Chryses (1.11), then, by aggravating them in disrespecting Achilles, by confiscating Briseis from him (1.171). The warrior’s consequent rancor against the dishonorable king ruins the Greek military cause.
Hybris
Hybris (Ὕβρις) plays a part similar to timê. The epic takes as its thesis the anger of Achilles and the destruction it brings. Anger disturbs the distance between human beings and the gods. Uncontrolled anger destroys orderly social relationships and upsets the balance of correct actions necessary to keep the gods away from human beings. (footnote Thompson). Despite the epic’s focus on Achilles’ rage, hybris plays a prominent role also, serving as both kindling and fuel for many destructive events. Agamemnon refuses to ransom Chriseis up out of hybris and harms Achilles’ pride when he demands Briseis. Hybris forces Paris to fight against Menelaus. Agamemnon spurs the Greeks to fight, by calling into question Odysseus, Diomedes, and Nestor’s pride, asking why they were cowering and waiting for help when they should be the ones leading the charge. While the events of the Iliad focus on the Achilles’ rage and the destruction it brings on, hybris fuels and stokes them both.[32]
Menis
Giacobbe Giusti, HOMERE: ILIADE
The Wrath of Achilles (1819), by Michel Drolling.
The poem’s initial word, μῆνιν (mēnin, accusativeof μῆνις, mēnis, « wrath, rage, fury »), establishes the Iliad’s principal theme: The « Wrath of Achilles ».[33] His personal rage and wounded soldier’s vanity propel the story: the Greeks’ faltering in battle, the slayings of Patroclus and Hector, and the fall of Troy. In Book I, the Wrath of Achilles first emerges in the Achilles-convoked meeting, between the Greek kings and the seer Calchas. King Agamemnon dishonours Chryses, the Trojan priest of Apollo, by refusing with a threat the restitution of his daughter, Chryseis—despite the proffered ransom of « gifts beyond count ».[34] The insulted priest prays his god’s help, and a nine-day rain of divine plague arrows falls upon the Greeks. Moreover, in that meeting, Achilles accuses Agamemnon of being « greediest for gain of all men ».[35] To that, Agamemnon replies:
But here is my threat to you.
Even as Phoibos Apollo is taking away my Chryseis.
I shall convey her back in my own ship, with my own
followers; but I shall take the fair-cheeked Briseis,
your prize, I myself going to your shelter, that you may learn well
how much greater I am than you, and another man may shrink back
from likening himself to me and contending against me.[36]
After that, only Athena stays Achilles’s wrath. He vows to never again obey orders from Agamemnon. Furious, Achilles cries to his mother, Thetis, who persuades Zeus’s divine intervention—favouring the Trojans—until Achilles’s rights are restored. Meanwhile, Hector leads the Trojans to almost pushing the Greeks back to the sea (Book XII). Later, Agamemnon contemplates defeat and retreat to Greece (Book XIV). Again, the Wrath of Achilles turns the war’s tide in seeking vengeance when Hector kills Patroclus. Aggrieved, Achilles tears his hair and dirties his face. Thetis comforts her mourning son, who tells her:
So it was here that the lord of men Agamemnon angered me.
Still, we will let all this be a thing of the past, and for all our
sorrow beat down by force the anger deeply within us.
Now I shall go, to overtake that killer of a dear life,
Hektor; then I will accept my own death, at whatever
time Zeus wishes to bring it about, and the other immortals.[37]
Accepting the prospect of death as fair price for avenging Patroclus, he returns to battle, dooming Hector and Troy, thrice chasing him ’round the Trojan walls, before slaying him, then dragging the corpse behind his chariot, back to camp.
The poem dates to the archaic period of Classical Antiquity. Scholarly consensus mostly places it in the 8th century BC, although some favour a 7th-century date. Herodotus, having consulted the Oracle at Dodona, placed Homer and Hesiod at approximately 400 years before his own time, which would place them at c.850 BC.[38]
The historical backdrop of the poem is the time of the Late Bronze Age collapse, in the early 12th century BC. Homer is thus separated from his subject matter by about 400 years, the period known as the Greek Dark Ages. Intense scholarly debate has surrounded the question of which portions of the poem preserve genuine traditions from the Mycenaean period. The Catalogue of Ships in particular has the striking feature that its geography does not portray Greece in the Iron Age, the time of Homer, but as it was before the Dorian invasion.
The title Ἰλιάς « Ilias » (genitive Ἰλιάδος « Iliados ») is elliptic for ἡ ποίησις Ἰλιάς « he poíesis Iliás », meaning « the Trojan poem ». Ἰλιάς, « of Troy », is the specifically feminine adjective form from Ἴλιον, « Troy »; the masculine adjective form would be Ἰλιακός or Ἴλιος.[39] It is used by Herodotus.[40]
Venetus A, copied in the 10th century AD, is the oldest fully extant manuscript of the Iliad.[41] The first edition of the « Iliad », editio princeps, edited by Demetrius Chalcondyles and published by Bernardus Nerlius, and Demetrius Damilas in Florence in 1488/89.[42]
The Iliad as oral tradition
In antiquity, the Greeks applied the Iliad and the Odyssey as the bases of pedagogy. Literature was central to the educational-cultural function of the itinerant rhapsode, who composed consistent epic poems from memory and improvisation, and disseminated them, via song and chant, in his travels and at the Panathenaic Festival of athletics, music, poetics, and sacrifice, celebrating Athena‘s birthday.[43]
Originally, Classical scholars treated the Iliad and the Odyssey as written poetry, and Homer as a writer. Yet, by the 1920s, Milman Parry(1902–1935) had launched a movement claiming otherwise. His investigation of the oral Homeric style— »stock epithets » and « reiteration » (words, phrases, stanzas)—established that these formulae were artifacts of oral tradition easily applied to a hexametricline. A two-word stock epithet (e.g. « resourceful Odysseus ») reiteration may complement a character name by filling a half-line, thus, freeing the poet to compose a half-line of « original » formulaic text to complete his meaning.[44] In Yugoslavia, Parry and his assistant, Albert Lord(1912–1991), studied the oral-formulaic composition of Serbian oral poetry, yielding the Parry/Lord thesis that established oral traditionstudies, later developed by Eric Havelock, Marshall McLuhan, Walter Ong, and Gregory Nagy.
In The Singer of Tales (1960), Lord presents likenesses between the tragedies of the Greek Patroclus, in the Iliad, and of the SumerianEnkidu, in the Epic of Gilgamesh, and claims to refute, with « careful analysis of the repetition of thematic patterns », that the Patroclus storyline upsets Homer’s established compositional formulae of « wrath, bride-stealing, and rescue »; thus, stock-phrase reiteration does not restrict his originality in fitting story to rhyme.[45][46] Likewise, in The Arming Motif, Prof. James Armstrong reports that the poem’s formulaeyield richer meaning because the « arming motif » diction—describing Achilles, Agamemnon, Paris, and Patroclus—serves to « heighten the importance of … an impressive moment », thus, « [reiteration] creates an atmosphere of smoothness », wherein, Homer distinguishes Patroclus from Achilles, and foreshadows the former’s death with positive and negative turns of phrase.[47][48]
In the Iliad, occasional syntactic inconsistency may be an oral tradition effect—for example, Aphrodite is « laughter-loving », despite being painfully wounded by Diomedes (Book V, 375); and the divine representations may mix Mycenaean and Greek Dark Age (c. 1150–800 BC) mythologies, parallelling the hereditary basileis nobles (lower social rank rulers) with minor deities, such as Scamander, et al.[49]
Depiction of infantry combat
Despite Mycenae and Troy being maritime powers, the Iliad features no sea battles.[50] So, the Trojan shipwright (of the ship that transported Helen to Troy), Phereclus, fights afoot, as an infantryman.[51] The battle dress and armour of hero and soldier are well-described. They enter battle in chariots, launching javelins into the enemy formations, then dismount—for hand-to-hand combat with yet more javelin throwing, rock throwing, and if necessary hand to hand sword and a shoulder-borne hoplon (shield) fighting.[52] Ajax the Greater, son of Telamon, sports a large, rectangular shield (σάκος, sakos) with which he protects himself and Teucer, his brother:
Ninth came Teucer, stretching his curved bow.
He stood beneath the shield of Ajax, son of Telamon.
As Ajax cautiously pulled his shield aside,
Teucer would peer out quickly, shoot off an arrow,
hit someone in the crowd, dropping that soldier
right where he stood, ending his life—then he’d duck back,
crouching down by Ajax, like a child beside its mother.
Ajax would then conceal him with his shining shield.
(Iliad 8.267–72, Ian Johnston, translator)
Ajax’s cumbersome shield is more suitable for defence than for offence, while his cousin, Achilles, sports a large, rounded, octagonal shield that he successfully deploys along with his spear against the Trojans:
Just as a man constructs a wall for some high house,
using well-fitted stones to keep out forceful winds,
that’s how close their helmets and bossed shields lined up,
shield pressing against shield, helmet against helmet
man against man. On the bright ridges of the helmets,
horsehair plumes touched when warriors moved their heads.
That’s how close they were to one another.
(Iliad 16.213–17, Ian Johnston, translator)
In describing infantry combat, Homer names the phalanx formation,[53]but most scholars do not believe the historical Trojan War was so fought.[54] In the Bronze Age, the chariot was the main battle transport-weapon (e.g. the Battle of Kadesh). The available evidence, from the Dendra armour and the Pylos Palace paintings, indicate the Mycenaeans used two-man chariots, with a long-spear-armed principal rider, unlike the three-man Hittite chariots with short-spear-armed riders, and unlike the arrow-armed Egyptian and Assyrian two-man chariots. Nestor spearheads his troops with chariots; he advises them:
In your eagerness to engage the Trojans,
don’t any of you charge ahead of others,
trusting in your strength and horsemanship.
And don’t lag behind. That will hurt our charge.
Any man whose chariot confronts an enemy’s
should thrust with his spear at him from there.
That’s the most effective tactic, the way
men wiped out city strongholds long ago —
their chests full of that style and spirit.
(Iliad 4.301–09, Ian Johnston, translator)
Although Homer’s depictions are graphic, it can be seen in the very end that victory in war is a far more somber occasion, where all that is lost becomes apparent. On the other hand, the funeral games are lively, for the dead man’s life is celebrated. This overall depiction of war runs contrary to many other[citation needed] ancient Greek depictions, where war is an aspiration for greater glory.
Influence on classical Greek warfare
While the Homeric poems (the Iliad in particular) were not necessarily revered scripture of the ancient Greeks, they were most certainly seen as guides that were important to the intellectual understanding of any educated Greek citizen. This is evidenced by the fact that in the late fifth century BC, « it was the sign of a man of standing to be able to recite the Iliad and Odyssey by heart. »[55] Moreover, it can be argued that the warfare shown in the Iliad, and the way in which it was depicted, had a profound and very traceable effect on Greek warfare in general. In particular, the effect of epic literature can be broken down into three categories: tactics, ideology, and the mindset of commanders. In order to discern these effects, it is necessary to take a look at a few examples from each of these categories.
Much of the detailed fighting in the Iliad is done by the heroes in an orderly, one-on-one fashion. Much like the Odyssey, there is even a set ritual which must be observed in each of these conflicts. For example, a major hero may encounter a lesser hero from the opposing side, in which case the minor hero is introduced, threats may be exchanged, and then the minor hero is slain. The victor often strips the body of its armor and military accoutrements.[56] Here is an example of this ritual and this type of one-on-one combat in the Iliad:
There Telamonian Ajax struck down the son of Anthemion, Simoeisios in his stripling’s beauty, whom once his mother descending from Ida bore beside the banks of Simoeis when she had followed her father and mother to tend the sheepflocks. Therefore they called him Simoeisios; but he could not render again the care of his dear parents; he was short-lived, beaten down beneath the spear of high-hearted Ajax, who struck him as he first came forward beside the nipple of the right breast, and the bronze spearhead drove clean through the shoulder.[57]
The biggest issue in reconciling the connection between the epic fighting of the Iliad and later Greek warfare is the phalanx, or hoplite, warfare seen in Greek history well after Homer’s Iliad. While there are discussions of soldiers arrayed in semblances of the phalanx throughout the Iliad, the focus of the poem on the heroic fighting, as mentioned above, would seem to contradict the tactics of the phalanx. However, the phalanx did have its heroic aspects. The masculine one-on-one fighting of epic is manifested in phalanx fighting on the emphasis of holding one’s position in formation. This replaces the singular heroic competition found in the Iliad.[58]
One example of this is the Spartan tale of 300 picked men fighting against 300 picked Argives. In this battle of champions, only two men are left standing for the Argives and one for the Spartans. Othryades, the remaining Spartan, goes back to stand in his formation with mortal wounds while the remaining two Argives go back to Argos to report their victory. Thus, the Spartans claimed this as a victory, as their last man displayed the ultimate feat of bravery by maintaining his position in the phalanx.[59]
In terms of the ideology of commanders in later Greek history, the Iliadhas an interesting effect. The Iliad expresses a definite disdain for tactical trickery, when Hector says, before he challenges the great Ajax:
I know how to storm my way into the struggle of flying horses; I know how to tread the measures on the grim floor of the war god. Yet great as you are I would not strike you by stealth, watching for my chance, but openly, so, if perhaps I might hit you.[60]
However, despite examples of disdain for this tactical trickery, there is reason to believe that the Iliad, as well as later Greek warfare, endorsed tactical genius on the part of their commanders. For example, there are multiple passages in the Iliad with commanders such as Agamemnon or Nestor discussing the arraying of troops so as to gain an advantage. Indeed, the Trojan War is won by a notorious example of Greek guile in the Trojan Horse. This is even later referred to by Homer in the Odyssey. The connection, in this case, between guileful tactics of the Greeks in the Iliad and those of the later Greeks is not a difficult one to find. Spartan commanders, often seen as the pinnacle of Greek military prowess, were known for their tactical trickery, and, for them, this was a feat to be desired in a commander. Indeed, this type of leadership was the standard advice of Greek tactical writers.[61]
Ultimately, while Homeric (or epic) fighting is certainly not completely replicated in later Greek warfare, many of its ideals, tactics, and instruction are.[62]
Hans van Wees argues that the period that the descriptions of warfare relate can be pinned down fairly specifically—to the first half of the 7th century BC.[63]
The Iliad was a standard work of great importance already in Classical Greece and remained so throughout the Hellenistic and Byzantineperiods. Subjects from the Trojan War were a favourite among ancient Greek dramatists. Aeschylus‘ trilogy, the Oresteia, comprising Agamemnon, The Libation Bearers and The Eumenides, follows the story of Agamemnon after his return from the war. Homer also came to be of great influence in European culture with the resurgence of interest in Greek antiquity during the Renaissance, and it remains the first and most influential work of the Western canon. In its full form the text made its return to Italy and Western Europe beginning in the 15th century, primarily through translations into Latin and the vernacular languages.
Prior to this reintroduction, however, a shortened Latin version of the poem, known as the Ilias Latina, was very widely studied and read as a basic school text. The West tended to view Homer as unreliable as they believed they possessed much more down to earth and realistic eyewitness accounts of the Trojan War written by Dares and Dictys Cretensis, who were supposedly present at the events. These late antique forged accounts formed the basis of several eminently popular medievalchivalric romances, most notably those of Benoît de Sainte-Maure and Guido delle Colonne. These in turn spawned many others in various European languages, such as the first printed English book, the 1473 Recuyell of the Historyes of Troye. Other accounts read in the Middle Ages were antique Latin retellings such as the Excidium Troiae and works in the vernaculars such as the Icelandic Troy Saga. Even without Homer, the Trojan War story had remained central to Western European medieval literary culture and its sense of identity. Most nations and several royal houses traced their origins to heroes at the Trojan War. Britain was supposedly settled by the Trojan Brutus, for instance.[citation needed]
William Shakespeare used the plot of the Iliad as source material for his play Troilus and Cressida, but focused on a medieval legend, the love story of Troilus, son of King Priam of Troy, and Cressida, daughter of the Trojan soothsayer Calchas. The play, often considered to be a comedy, reverses traditional views on events of the Trojan War and depicts Achilles as a coward, Ajax as a dull, unthinking mercenary, etc.
William Theed the elder made an impressive bronze statue of Thetis as she brought Achilles his new armor forged by Hephaesthus. It has been on display in the Metropolitan Museum of Art in New York City since 2013.
Robert Browning‘s poem Development discusses his childhood introduction to the matter of the Iliad and his delight in the epic, as well as contemporary debates about its authorship.
20th century
Simone Weil wrote the essay « The Iliad or the Poem of Force » in 1939, shortly after the commencement of World War II. The essay describes how the Iliad demonstrates the way force, exercised to the extreme in war, reduces both victim and aggressor to the level of the slave and the unthinking automaton.[64]
Christopher Logue‘s poem War Music, an « account », not a translation, of the Iliad, was begun in 1959 as a commission for radio. He continued working on it until his death in 2011. Described by Tom Holland as « one of the most remarkable works of post-war literature », it has been an influence on Kate Tempest and Alice Oswald, who says that it « unleashes a forgotten kind of theatrical energy into the world ».[65]
Christa Wolf‘s novel Cassandra (1983) is a critical engagement with the Iliad. Wolf’s narrator is Cassandra, whose thoughts we hear at the moment just before her murder by Clytemnestra in Sparta. Wolf’s narrator presents a feminist’s view of the war, and of war in general. Cassandra’s story is accompanied by four essays which Wolf delivered as the Frankfurter Poetik-Vorlesungen. The essays present Wolf’s concerns as a writer and rewriter of this canonical story and show the genesis of the novel through Wolf’s own readings and in a trip she took to Greece.
Troy (2004), a loose film adaptation of the Iliad, received mixed reviews but was a commercial success, particularly in international sales. It grossed $133 million in the United States and $497 million worldwide, making it the 188th top-grossing movie of all time.[66]
Alice Oswald‘s sixth collection, Memorial (2011),[70] is based on but departs from the narrative form of the Iliad to focus on, and so commemorate, the individually-named characters whose deaths are mentioned in that poem.[71][72][73] Later in October 2011, Memorial was shortlisted for the T. S. Eliot Prize,[74] but in December 2011, Oswald withdrew the book from the shortlist,[75][76] citing concerns about the ethics of the prize’s sponsors.[77]
The Rage of Achilles, by American author and Yale Writers’ Conference founder Terence Hawkins, recounts the Iliad as a novel in modern, sometimes graphic language. Informed by Julian Jaynes‘ theory of the bicameral mind and the historicity of the Trojan War, it depicts its characters as real men to whom the gods appear only as hallucinations or command voices during the sudden and painful transition to truly modern consciousness.[citation needed]
The Righteous Dark, by American author Jake Enholm, features a main character named Oddy based on Odysseus who is an artificial intelligence fighting other artificially intelligent beings in a war between two star systems in the future. The war lasts for ten years, and ends with Oddy defeating the Trojan-like enemy by embedding his own mind inside a disguised upgrade to the enemy’s operating system.[78]
Old Babylonian cylinder seal, c.1800 BCE, hematite. The robed king makes an animal offering to Shamash. This seal was probably made in a workshop at Sippar.[1]
Giacobbe Giusti, Cylinder seal
Old Babylonian cylinder seal, c.1800 BCE, hematite. Linescan camera image of seal above (reversed to resemble an impression).
Giacobbe Giusti, Cylinder seal
Mesopotamian limestone cylinder seal and impression—worship of Shamash, (Louvre)
A cylinder seal is a small round cylinder, typically about one inch (2 to 3 cm) in length, engraved with written characters or figurative scenes or both, used in ancient times to roll an impression onto a two-dimensional surface, generally wet clay. Cylinder seals were invented around 3500 BC in the Near East, at the contemporary sites of Susa in south-western Iran and Uruk in southern Mesopotamia. They are linked to the invention of the latter’s cuneiform writing on clay tablets.[2][3][4] They were used as an administrative tool, a form of signature, as well as jewelry and as magical amulets; later versions would employ notations with Mesopotamian cuneiform. In later periods, they were used to notarize or attest to multiple impressions of clay documents. Graves and other sites housing precious items such as gold, silver, beads, and gemstones often included one or two cylinder seals, as honorific grave goods.
The cylinder seals themselves are typically made from hardstones, and some are a form of engraved gem. They may instead use glass or ceramics, like Egyptian faience. Many varieties of material such as hematite, obsidian, steatite, amethyst, lapis lazuli and carnelian were used to make cylinder seals. As the alluvial country of Mesopotamia lacks good stone for carving, the large stones of early cylinders were imported probably from Iran.[5] Most seals have a hole running through the centre of the body, and they are thought to have typically been worn on a necklace so that they were always available when needed.
Giacobbe Giusti, Cylinder seal
Size comparison of seals, with their impression strips
(modern/current impressions)
While most Mesopotamian cylinder seals form an image through the use of depressions in the cylinder surface (see lead photo above), some cylinder seals print images using raised areas on the cylinder (see San Andrés image, below, which is not related to Mesopotamian cylinder seals). The former are used primarily on wet clays; the latter, sometimes referred to as roller stamps, are used to print images on cloth and other similar two dimensional surfaces.
Cylinder seals are a form of impression seal, a category which includes the stamp seal and finger ring seal. They survive in fairly large numbers and are often important as art, especially in the Babylonian and earlier Assyrian periods. Impressions into a soft material can be taken without risk of damage to the seal, and they are often displayed in museums together with a modern impression on a small strip.
Uses
Cylinder seal impressions were made on a variety of surfaces:
The images depicted on cylinder seals were mostly theme-driven, often sociological or religious. Instead of addressing the authority of the seal, a better study may be of the thematic nature of the seals, since they presented the ideas of the society in pictographic and text form. In a famous cylinder depicting Darius I of Persia: he is aiming his drawn bow at an upright enraged lion impaled by two arrows, while his chariot horse is trampling a deceased lion. The scene is framed between two slim palm trees, a block of cuneiform text, and above the scene, the Faravahar symbol of Ahura Mazda, the god representation of Zoroastrianism.
Assyria. Seals showing method of mounting; Brooklyn Museum Brooklyn Museum Archives, Goodyear Archival Collection
The reference below, Garbini, covers many of the following categories of cylinder seal. Dominique Collon’s book First Impressions, which is dedicated to the topic, has over 1000 illustrations.
Akkadian seal, ca. 2300 BC, stone seal w/ modern impression. See National Geographic Ref. The glyptic (the Scenes) shows « God in barge« , people, and offerings.
see Ref (Garbini), « Seated God, and Worshippers », Cylinder seal, and a modern Impressin, p. 40, (British Museum, London).
Syrian cylinder seals.
Giacobbe Giusti, Cylinder seal
A roll-out of the San Andresceramic cylinder seal containing what has been proposed as evidence of the earliest writing system in Mesoamerica. This cylinder seal is dated to approximately 650 BC and is unrelated to the Mesopotamian cylinder seals.
Bahn, Paul. Lost Treasures, Great Discoveries in World Archaeology, Ed. by Paul G. Bahn, (Barnes and Noble Books, New York), c 1999. Examples of, or discussions of Stamp seals, cylinder seals and a metal stamp seal.
Collon, Dominique. First Impressions, Cylinder Seals in the Ancient Near East, (British Museum Press, London), 1987, 2005. Very comprehensive and up to date account, with many illustrations. The author has compiled several of the volumes cataloging the collection of cylinder seals in the British Museum.
Collon, Dominique. Near Eastern Seals, (British Museum, London), 1990. Shorter account which also includes stamp seals . Part of the BM’s Interpreting the Past series
Frankfort, H. Cylinder Seals, 1939, London. A classic, though obviously doesn’t reflect later research.
Garbini, Giovanni. Landmarks of the World’s Art, The Ancient World, by Giovanni Garbini, (McGraw-Hill Book Company, New York, Toronto), General Eds, Bernard S. Myers, New York, Trewin Copplestone, London, c 1966. « Discussion, or pictures of about 25 cylinder seals »; also lists the « Scaraboid seal », an impression seal (needs to be a mirror/reverse to be an impression seal).
Metropolitan Museum of Art. Cuneiform Texts in the Metropolitan Museum of Art: Tablets, Cones, and Bricks of the Third and Second Millennia B.C., vol. 1 (New York, 1988). The final section (Bricks) of the book concerns cylinder Seals, with a foreword describing the purpose of the section as to instigate Research into cylinder Seals. The ‘cylinder sealing’ on the bricks, was done multiple times per brick. Some are of high quality, and some are not. (Also contains the only 2 el Amarna letters, in the USA, with Analysis.)
Metropolitan Museum of Art. Ancient Near Eastern Art, (Reprint), Metr. Mus. of Art Photograph Studio, Designed, Alvin Grossman, Photography, Lynton Gardiner, (Metropolitan Museum of Art Bulletin (Spring 1984)), c 1984. 56pgs.
Metropolitan Museum of Art. Beyond Babylon, Art, Trade and Diplomacy in the Second Millennium BC, ed. Joan Aruz. 2008. Many cylinder seals of the period illustrated in color with impressions and descriptions.
National Geogr. Soc. Wonders of the Ancient World; National Geographic Atlas of Archeology, Norman Hammond, Consultant, Nat’l Geogr. Soc., (Multiple Staff authors), (Nat’l Geogr., R.H.Donnelley & Sons, Willard, OH), 1994, 1999, Reg. or Deluxe Ed. Origins of Writing, section, pp 68–75. Akkadian Cylinder seal, with its modern seal impression. p. 71.
Robinson, Andrew. The Story of Writing, Andrew Robinson, (Thames and Hudson), c 1995, paperback ed., c 1999. (Page 70, Chapter 4: Cuneiform) Ur-Nammu cylinder seal (and impression), with 2095 BCE hieroglyphs, 2X-3X; Darius I, impression only, of chariot hunting scene, 2X, ca 500 BCE
The Babylonian threat to the Kingdom of Judah began as the Babylonian Empire conquered Assyria and rose to power from 612-609 BCE. Jerusalem surrendered without major bloodshed to Babylon in 597. An Israelite uprising brought the destruction of Nebuchadnezzar’s army upon Jerusalem in 586 BCE. The entire city, including the First Temple, was burned. Israelite aristocrats were taken captive to Babylon.
The Book of Ezekiel contains the first record of the New Jerusalem. Within Ezekiel 40-48, there is an extended and detailed description of the measurements of the Temple, its chambers, porticos, and walls. Ezekiel 48:30-35 contains a list of twelve Temple gates named for Israel’s tribes.
The Book of Zechariah[6] expands upon Ezekiel’s New Jerusalem. After the Second Temple was built after the exile, Jerusalem’s population was only a few hundred. There were no defensive city walls until 445 BCE.[7] In the passage, the author writes about a city wall of fire to protect the enormous population. This text demonstrates the beginning of a progression of New Jerusalem thought. In Ezekiel, the focus is primarily on the human act of Temple construction. In Zechariah, the focus shifts to God’s intercession in the founding of New Jerusalem.
New Jerusalem is further extrapolated in Isaiah,[8] where New Jerusalem is adorned with precious sapphires, jewels, and rubies. The city is described as a place free from terror and full of righteousness. Here, Isaiah provides an example of Jewish apocalypticism, where a hope for a perfected Jerusalem and freedom from oppression is revealed.
As the original New Jerusalem composition, Ezekiel functioned as a source for later works such as 4 Ezra, 2 Baruch, Qumran documents, and the Book of Revelation. These texts used similar measurement language and expanded on the limited eschatological perspective in Ezekiel.
Interpretation
Judaism sees the Messiah as a humanmale descendant of King David who will be anointed as the king of Israel and sit on the throne of David in Jerusalem. He will gather in the lost tribes of Israel, clarify unresolved issues of halakha, and rebuild the Holy Temple in Jerusalem according to the pattern shown to the prophet Ezekiel. During this time Jews believe an era of global peace and prosperity will be initiated, the nations will love Israel and will abandon their gods, turn toward Jerusalem, and come to the Holy Temple to worship the one God of Israel. Zechariah prophesied that any family among the nations who does not appear in the Temple in Jerusalem for the festival of Sukkoth will have no rain that year. Isaiah prophesied that the rebuilt Temple will be a house of prayer for all nations. The city of YHWH Shamma, the new Jerusalem, will be the gathering point of the world’s nations, and will serve as the capital of the renewed Kingdom of Israel. Ezekiel prophesied that this city will have 12 gates, one gate for each of the tribes of Israel. The book of Isaiah closes with the prophecy « And it will come to pass, that from one new moon to another, and from one sabbath to another, all flesh will come to worship before Me, says YHWH« .
Antiochene Persecutions, Hasmonean High Priesthood
The Animal Apocalypse within 1 Enoch (chapters 85-90), is another example where conflict sparks hopes for the New Jerusalem. First Enoch is an apocalyptic response to the persecutions under Seleucid Emperor Antiochus IV. In 167 BCE, Emperor Antiochus returned from fighting in Egypt to quell a revolt in Jerusalem led by Jason, the former High Priest. An agitated Antiochus imposed harsh restrictions on Jewish religion. Circumcision, feast celebration, Sabbath observance were all banned. Antiochus ordered the burning of Torah copies. Jews were required to eat pork. The worst oppression came in the desecration of the Temple. A polytheistic cult was formed, and worship of YHWH abolished. A statue to a Seleucid deity was constructed on the Jewish altar.
First Enoch was written in the wake of this calamity between 166 BCE-163 BCE. For the author of 1 Enoch, history is a steep descent into evil from the utopia in Eden. The author’s vision of the eschaton centers on the restoration of Jerusalem: “I saw until the owner of the sheep brought a house, new and larger and loftier than the former” (1 Enoch 90:29). In this New Jerusalem passage, the sheep are the Jewish people, the builder is the Lord, and the House is the Temple. During the same time period, the Dead Sea scrolls contain a New Jerusalem tradition formed out of strife. As a tiny Jewish sect living in the caves of Qumran, the Essenes opposed Temple leadership and the High Priesthood in Jerusalem. Their condemnation of the Temple focused on criticizing High Priests. They were also frustrated that Judean Kings were also given the role of High Priest.[dubious– discuss]The Essenes were not against the institution of the Temple and its cult per se. The Essenes at Qumran predicted the reunified twelve tribes to rise together against Roman occupation and incompetent Temple leadership and re-establish true Temple worship.
The surviving New Jerusalem texts in Qumran literature focus specifically on the twelve city gates, and on the dimensions of the entire new city. In 4Q554, the gates of Simeon, Joseph, and Reuben are mentioned in this partial fragment. For the author of this fragment, the New Jerusalem’s twelve gates signify the reunification of the twelve tribes of Israel. In 5Q15, the author accompanies an angel who measures the blocks, houses, gates, avenues, streets, dining halls, and stairs of the New Jerusalem. There are two important points to consider regarding the Qumran Essenes. First, we do not have enough scroll fragments to completely analyze their New Jerusalem ideologies. Second, based on the evidence available, the Essenes rebelled against Temple leadership, not the Temple itself. Their vision of the New Jerusalem looked for the reunification of the twelve tribes around an eschatological Temple.
4 Ezra, 2 Baruch, 3 Baruch
As evidenced above, the historical progression of New Jerusalem language is specifically tied to conflict. The Babylonian Exile, Antiochene persecutions, and corrupt leadership in Jerusalem incited apocalyptic responses with a vision for a New Jerusalem. In the 1st century CE, an even greater conflict exploded in Iudaea province; the Roman destruction of Jerusalem, as well as the other Roman-Jewish Wars. Subsequent apocalyptic responses fundamentally altered the New Jerusalem eschatology for Jews and Early Christians.
At the core, apocalypses are a form of theodicy. They respond to overwhelming suffering with the hope of divine intercession and a perfected World to Come. The destruction of the Second Temple in 70 meant an end to Second Temple Judaism. Naturally, apocalyptic responses to the disaster followed. This section will first cover 4 Ezraand 2 Baruch. Fourth Ezra and 2 Baruch are important for two reasons. First, they look for a Temple in Heaven, not the eschaton. Second, these texts exhibit the final new Temple texts in Judaism. Jewish texts like 3 Baruch began to reject a restored Temple completely. However, these texts were deemed to be apocryphal by the Rabbis who maintained the belief in a Third Temple as central to Rabbinic Judaism.
The Jewish apocalypse of 4 Ezra is a text contained in the apocryphal book 2 Esdras. The genre of 4 Ezra is historical fiction, set thirteen years after the Babylonian destruction of Jerusalem. Fourth Ezra is dated approximately in 83 CE, thirteen years after the Roman destruction of Jerusalem. The story follows Ezra’s period of mourning following Jerusalem’s fall. Ezra is Job-like in his criticism of God’s allowance of Jerusalem’s downfall.
In Ezra’s deep state of grief, he meets a woman lamenting over Jerusalem. Ezra consoles the woman, and tells her to, “shake off your great sadness, and lay aside your many sorrows… the Most High may give you rest.” (4 Ezra 10:24). Suddenly, the woman is transfigured in an array of bright lights. She transforms into the New Jerusalem being rebuilt. As a bereaved widow she convinced Ezra to apply solace to himself through the image of a New Jerusalem.
Fourth Ezra has two clear messages. First, do not grieve excessively over Jerusalem. Second, Jerusalem will be restored as a heavenly kingdom. Fourth Ezra also uses the title “Most High,” throughout the apocalypse to emphasis that the Lord will once again reign and reside in Jerusalem.
The apocalypse of 2 Baruch is a contemporary narrative of 4 Ezra. The text also follows the same basic structure 4 Ezra: Job-like grief, animosity towards the Lord, and the rectification of Jerusalem that leads to the comfort of the Job-figure. Second Baruch is historical fiction, written after the Roman destruction but set before the fall of Jerusalem to the Babylonians.
Baruch is distressed when the Lord informs him of Jerusalem’s impending doom. Baruch responds with several theological questions for God. For this study, Baruch’s inquiry about the future of Israel and the honor of the Lord are most pertinent (2 Baruch 3:4-6). Baruch learns that the Lord will destroy the city, not the enemy. Baruch also learns of a pre-immanent heavenly Temple: “[The Temple] was already prepared from the moment I decided to create paradise.” And I showed it to Adam before he sinned.” (2 Baruch 4:3). This Temple was created before Adam, and shown to him before Adam’s fall.
Two important conclusions come from 2 Baruch. First, the author dismisses hopes for an earthly re-built Temple. The focus is entirely on the heavenly Temple that pre-dated the Garden of Eden. This may be a device to express the supremacy of the heavenly Temple as a sanctuary built before Eden (the traditional location of the earthly Temple). Second, Baruch believes that restoration for the people of Israel exists in heaven, not on earth.
The apocalypse of 3 Baruch is the anomaly among post-revolt New Jerusalem texts. Unlike 2 Baruch and 4 Ezra, the text exemplifies an alternative tradition that lacks a restored Temple. Like other apocalypses, 3 Baruch still mourns over the Temple, and re-focuses Jews to the heavens. Yet 3 Baruch finds that the Temple is ultimately unnecessary. This move could be polemical against works which afforded the Temple with excessive veneration. In the passage, an angel comes to Baruch and consoles him over Jerusalem: “Where is their God? And behold as I was weeping and saying such things, I saw an angel of the Lord coming and saying to me: Understand, O man, greatly beloved, and trouble not thyself so greatly concerning the salvation of Jerusalem.” (3 Baruch 1:3)
Third Baruch certainly mourns over the Temple. Yet 3 Baruch is not ultimately concerned with the lack of a Temple. This text goes along with Jeremiah and Sibylline Oracles 4 to express a minority tradition within Jewish literature. In the first Christian apocalypse, the Book of Revelation coincides with this perspective on Jerusalem. The study will now move to early Christian perspectives on the Temple and the apocalyptic response in Revelation.[9][10][11][12][13][14][15][16]
Since Christianity originated from Judaism, the history of Jewish places of worship and the currents of thought in ancient Judaism described above served in part as the basis for the development of the Christian conception of the New Jerusalem. Christians have always placed religious significance on Jerusalem as the site of The Crucifixion and other events central to the Christian faith.
Based on the Book of Revelation, premillennialism holds that, following the end times and the second creation of heaven and earth (see The New Earth), the New Jerusalem will be the earthly location where all true believers will spend eternity with God. The New Jerusalem is not limited to eschatology, however. Many Christians view the New Jerusalem as a current reality, that the New Jerusalem is the consummation of the Body of Christ, the Church and that Christians already take part in membership of both the heavenly Jerusalem and the earthly Church in a kind of dual citizenship.[17] In this way, the New Jerusalem represents to Christians the final and everlasting reconciliation of God and His chosen people, « the end of the Christian pilgrimage. »[17] As such, the New Jerusalem is a conception of Heaven, see also Heaven (Christianity).
Interpretation
Christianity interprets the city as a physical and/or spiritual restoration or divine recreation of the city of Jerusalem. It is also interpreted by many Christian groups as referring to the Church to be the dwelling place of the saints.
Many traditions based on biblical scripture and other writings in the Jewish and Christian religions, such as Protestantism, and Orthodox Judaism, expect the literal renewal of Jerusalem to some day take place at the Temple Mount in accordance with various prophecies. Dispensationalists believe in a literal New Jerusalem that will come down out of Heaven, which will be an entirely new city of incredible dimensions. Other sects, such as various Protestant denominations, modernist branches of Christianity, Mormonism and Reform Judaism, view the New Jerusalem as figurative, or believe that such a renewal may have already taken place, or that it will take place at some other location besides the Temple Mount.
It is important to distinguish between « the camp of the saints, and the beloved city » spoken of in Revelation 20:9, and the New Jerusalem of chapter 21. Rev. 20:9 refers to an earthly City, description and purpose of which is found in book of Ezekiel, starting with chapter 36 and ending with chapter 48. One of the most obvious differences is, the dimensions of the New Jerusalem of Rev. 21 are 1000 times bigger than dimensions of the city in Ezekiel 48 (and in Rev. 20:9) New Jerusalem of Revelation 21 is 2225 km. in length, width, and height, a city of these gigantic proportions can not be located on this earth, but as stated in ch. 21 comes down from heaven on to the new earth.
The Book of Revelation
Giacobbe Giusti, New Jerusalem
Folio 55r of the Bamberg Apocalypse depicts the angel showing John the New Jerusalem, with the Lamb of God at its center.
Introduction to the City
The term New Jerusalemoccurs twice in the New Testament, in verses Rev 3:12 and Rev 21:2 of the Book of Revelation. A large portion of the final two chapters of Revelation deals with John of Patmos’ vision of the New Jerusalem. He describes the New Jerusalem as « ‘the bride, the wife of the Lamb' », where the river of the Water of Life flows (22:1).
After John witnesses the new heaven and a new earth « that no longer has any sea », an angel takes him « in the Spirit » to a vantage point on « a great and high mountain » to see New Jerusalem’s descendants. The enormous city comes out of heaven down to the New Earth. John’s elaborate description of the New Jerusalem retains many features of the Garden of Eden and the paradise garden, such as rivers, a square shape, a wall, and the Tree of Life.
Description of the City
According to John, the New Jerusalem is « pure gold, like clear glass » and its « brilliance [is] like a very costly stone, as a stone of crystal-clear jasper. » The street of the city is also made of « pure gold, like transparent glass ». The base of the city is laid out in a square and surrounded by a wall made of jasper. It says in Revelation 21:16 that the height, length, and width are of equal dimensions – as it was with the Holy of Holies in the Tabernacle and First Temple – and they measure 12,000 furlongs (which is approximately 1500.3 miles, or 1 furlong = approx 220 yards). John writes that the wall is 144 cubits, which is assumed to be the thickness since the length is mentioned previously. 144 cubits are about equal to 65 meters, or 72 yards. It is important to note that 12 is the square root of 144. The number 12 was very important to early Jews and Christians, and represented the 12 tribes of Israel and 12 Apostles of Jesus Christ. The four sides of the New City represent the four cardinal directions (North, South, East, and West.) In this way, New Jerusalem is thought of as an inclusive place, with the 12 gates accepting all of the 12 tribes of Israel from all corners of the earth.
There is no temple building in the New Jerusalem. God and the Lamb are the city’s temple, since they are worshiped everywhere. Revelation 22 goes on to describe a river of the water of life that flows down the middle of the great street of the city from the Throne of God. The tree of life grows in the middle of the street and to both sides of the river. The tree bears twelve (kinds of) fruit and yields its fruit every month. According to John, « The leaves of the tree were for healing (those of all) nations. » This inclusion of the tree of life in the New Jerusalem harkens back to the Garden of Eden. The fruit the tree bears may be the fruit of life.
John states that the New Jerusalem will be free of sin. The servants of God will have theosis (i.e. the power or likeness of God, that is « in his image » of holiness) and « His name will be on their foreheads. » Night will no longer fall, and the inhabitants of the city will « have need (of) no lamp nor light of the sun, for the Lord God gives them light. » John ends his account of the New Jerusalem by stressing its eternal nature: « And they shall reign forever and ever. »
There are twelve (12) gates hanging from the wall of the New City of Jerusalem. These 12 gates are oriented in groups of three and face the four cardinal directions of the compass needle: the north, south, east and west. There is an angel at each gate, residing in a gatehouse. The 12 gates are each made of a ‘single’ pearl, giving these the name « pearly gates« . The names of the twelve tribes of Israel are written on the 12 gates.
The New Jerusalem gates may bear some relation to the gates mentioned in Enoch, Chapters 33 – 35, where the prophet, Enoch reports that from each of the four « heavenly gates – opening in heaven – three (new gates) were seen distinctly separating (off, as if) the extremities of the whole earth » [were pulling apart each of the four gates into three new ones]. Thus, the four gates were each replaced by three new ones, totaling twelve [i.e. 3 x 4 = 12] gates in all. [33, 3.][ref. Laurence translation, Book of Enoch.]
Geometry
Giacobbe Giusti, New Jerusalem
The angel measures the New Jerusalem with the rod or reed. Note the Lamb of God and the twelve sets of figures, gates, and stones.
In 21:16, the angel measures the city with a golden rod or reed, and records it as 12,000 stadia by 12,000 stadia at the base, and 12,000 stadia high. A stadion is usually stated as 185 meters, or 607 feet, so the base has dimensions of about 2220 km by 2220 km, or 1380 miles by 1380 miles. In the ancient Greek system of measurement, the base of the New Jerusalem would have been equal to 144 million square stadia, 4.9 million square kilometers or 1.9 million square miles (roughly midway between the sizes of Australia and India). If rested on the Earth, its ceiling would be inside the upper boundary of the exosphere but outside the lower boundary.[18] By way of comparison, the International Space Station maintains an orbit with an altitude of about 386 km (240 mi) above the earth.[19]
Revelation 21:22
The Book of Revelation was composed during the end of the 1st century AD, sometime during the later end of the reign of Emperor Nero Domitius (54 to 68 CE). The work is addressed to the “seven churches that are in Asia” (1:4). Revelation is normally broken into three sections: the prologue (1:1-3:22), the visions (4:1-22:5), and the epilogue (22:6-20). This study is principally concerned with chapter 21.
The author of Revelation was both a Jew by birth and a believing Christian. For the author and the addressees of Revelation, they are searching for the Lord to vindicate them and judge the “inhabitants of the earth,” for their suffering (6:10). The fall of Jerusalem coupled with the Neronian persecutions form the tension within the subtext of Revelation.
Throughout Revelation, several references to the Temple are made REV 3:12,7:15,11:19,14:15,16:1. This Temple appears to be of heavenly origin. When the eschaton arrives in REV 21:1, the reader expects the temple to come down from heaven with the New Jerusalem. Revelation 21 even contains typical New Jerusalem terminology that accompanies a restored Temple. Specific measurements are given for the new city (Ezekiel 40-48, 4Q554), and the city is built with gold, sapphires, and emeralds (Isaiah, Tobit). In addition, 21:21 references the “twelve gates.” Revelation maintains another typical aspect of New Jerusalem tradition – the reunification of the twelve tribes of Israel (Ezekiel 48:33-34, 4Q554).
Verse 22 marks a sudden and remarkable shift in New Jerusalem apocalyptic rhetoric: “I saw no temple in the city, for its temple is the Lord God Almighty and the Lamb.” Following with the tradition of 3 Baruch and 4 Sibylline Oracles, Revelation foresees an eschaton without the Temple. Why has the Revelation suddenly denied an eschatological Temple? Verse 23 sheds light on this disparity.
Verse 23 proclaims, “And the city has no need of sun or moon to shine on it, for the glory of God is the light, and its lamp is the lamb.” For the author of Revelation, there is no need for a Temple because the Lord will be the New Jerusalem’s eternal light and Jesus (the lamb) will be its lamp. This re-interpretation utilizes Isaiah to make its case: “The LORD will be your everlasting light, and your God will be your glory. Your sun shall no more go down, or your moon withdraw itself; for the LORD will be your everlasting light, and your days of mourning shall be ended.” (Isaiah 60:19)
The Temple is discarded in the eschaton because the Lord will provide illumination for the New Jerusalem, and Christ will be the glory for its residents. Henceforth, Christians believed that the New Jerusalem no longer required a Temple. For Christians, their Lord sufficiently replaced the Temple.
New Jerusalem – Dead Sea Scrolls
Discovered among the Dead Sea Scrolls near Qumran, Israel, were fragments of a scroll which describes New Jerusalem in minute detail. The New Jerusalem Scroll (as it is called) appears to contain apocalyptic vision, although, being fragmented, it is hard to categorize. Written in Aramaic, the text describes a vast city, rectangular in shape, with twelve gates and encircled by a long wall. Similar descriptions appear in Ezekiel 40-48 and Revelation 21-22 and comparison to the Temple Scroll (also found near Qumran) shows many similarities despite no direct literary links between the two.
Montanism
From the middle of the 2nd century CE to the middle of the 6th century CE, the ancient Christian sect of Montanism, which spread all over the Roman Empire, expected the New Jerusalem to descend to earth at the neighboring Phrygian towns of Pepuza and Tymion. In late antiquity, both places attracted crowds of pilgrims from all over the Roman Empire. Pepuza was the headquarters of the Montanist church. The Montanist patriarch resided at Pepuza. Women played an emancipated role in Montanism, serving as priests and also bishops. In the 6th century CE, this church became extinct.
Since 2001, Peter Lampe of the University of Heidelberg has directed annual archaeological campaigns in Phrygia, Turkey. During these interdisciplinary campaigns, together with William Tabbernee of Tulsa, numerous unknown ancient settlements were discovered and archaeologically documented. Two of them are the best candidates so far in the search for the identification of the two holy centers of ancient Montanism, Pepuza and Tymion, the sites of the expected descent of the New Jerusalem. Scholars had searched for these lost sites since the 19th century.
The ancient settlement discovered and identified as Pepuza by William Tabbernee and Peter Lampe was settled continuously from Hellenistic times to Byzantine times. In Byzantine times, an important rock-cut monastery belonged to the town. The town is in the Phrygian Karahallıarea, near the village of Karayakuplu (Uşak Province, Aegean Region, Turkey). The ancient site of Tymion identified by Peter Lampe is located not far away at the Turkish village of Şükranje. For the Montanists, the high plane between Pepuza and Tymion was an ideal landing place for the heavenly New Jerusalem.
theologians deem more appropriate that there should be a special and glorious abode, in which the blessed have their peculiar home and where they usually abide, even though they be free to go about in this world. For the surroundings in the midst of which the blessed have their dwelling must be in accordance with their happy state; and the internal union of charity which joins them in affection must find its outward expression in community of habitation. At the end of the world, the earth together with the celestial bodies will be gloriously transformed into a part of the dwelling-place of the blessed (Revelation 21). Hence there seems to be no sufficient reason for attributing a metaphorical sense to those numerous utterances of the Bible which suggest a definite dwelling-place of the blessed. Theologians, therefore, generally hold that the heaven of the blessed is a special place with definite limits. Naturally, this place is held to exist, not within the earth, but, in accordance with the expressions of Scripture, without and beyond its limits. All further details regarding its locality are quite uncertain. The Church has decided nothing on this subject.
Eastern Christianity
Emperor Lalibela of Ethiopia built the city of Lalibela as a new reconstructed Jerusalem in response to the Muslim capture of Jerusalem by Saladin‘s forces in 1187. The Eastern Orthodox Churchteaches that the New Jerusalem is the City of God that will come down from heaven in the manner described in the Book of the Apocalypse (Revelation). The Church is an icon of the heavenly Jerusalem.[20] The New Jerusalem Monastery in Russia takes its name from the heavenly Jerusalem.
Puritans
The New Jerusalem was an important theme in the Puritancolonization of New England in the 17th century. The Puritans were inspired by the passages in Revelation about the New Jerusalem, which they interpreted as being a symbol for the New World. The Puritans saw themselves as the builders of the New Jerusalem on earth. This idea was foundational to American nationalism.[21]
Swedenborgian
Ecclesiastic Swedenborgians often refer to their organizations as part of or contributing to the New Jerusalem as explained by Emanuel Swedenborg in such books as New Jerusalem and Its Heavenly Doctrine, Apocalypse Revealed, and Apocalypse Explained. According to Swedenborg, the New Jerusalem described in the Bible is a symbol for a new dispensation that was to replace/restore Christianity. Also according to these books, this New Jerusalem began to be established around 1757. This stems from their belief that Jerusalem itself is a symbol of the Church, and so the New Jerusalem in the Bible is a prophetic description of a New Church.
In the Latter Day Saint movement, the New Jerusalem is viewed as a physical kingdom that will be built in North America,[22] centered on Independence, Missouri.[23] The movement refers to the New Jerusalem as Zion. The movement’s founder, Joseph Smith, attempted to establish this Zion in the early 1830s, and drafted a detailed plat of Zion based on his view of the biblical description of the New Jerusalem, including plans for a temple. However, due to political and military rivalry with other Missouri settlers, members of the religion were expelled from Missouri in 1838. Subsequently, several Latter Day Saint denominations have established residence there, believing that it will be the center of God’s Millennial kingdom.
Jehovah’s Witnesses believe that New Jerusalem is made up of anointed Christians serving in heaven as Kings and Priests over the earth. The number of these King-Priests will eventually number 144,000. This belief is based on New Jerusalem being described as « a bride adorned for her husband » REV 21:2, and this same « bride » then being described as « the Lamb’s wife » REV 21:9-10. REV 14:1is seen as depicting a wife-like relationship between the Lamb and the 144,000, therefore linking the identity of the 144,000 with the Lamb’s wife and in-turn also that of New Jerusalem.[24]
Universal Friends
The religious community known collectively as the Publick Universal Friends that gathered around the QuakerevangelistJemima Wilkinsonin the late 18th century was one of religious righteousness and devotion to Christian ideals. In 1790, Jemima founded a community she called New Jerusalem, planned as a communal society where righteousness would prevail. It was situated in the wilderness of New York’sFinger Lakes region, in what is today the town of Jerusalem, New York. The society faded away after the death of their leader, and so died the prospect of a community based on the will of God.
British Israelism
Richard Brothers, the originator of British Israelism, developed a viewpoint that the British are descended from the Lost Tribes of Israel, and that the capital city of Britain should therefore be re-modeled as a New Jerusalem for the coming Age of Enlightenment. Supposedly this idea was already present in 6th Century England, and that it reached its height of influence during and just after the First World War; certain buildings, such as St Paul’s Cathedral, supposedly contain elements of the plan in their design.
Bedwardism
Bedwardism, a Jamaican religious movement active between 1889 and 1921, asserted that August Town (a suburb of Kingston) was the New Jerusalem for the western hemisphere, and that Union Camp, where Alexander Bedward‘s Free Baptist Church was located, was Zion. This movement fell apart when Bedward was arrested in 1921.
Kimbanguism
Kimbanguism, a Congolese sectarian church founded in 1921 by Simon Kimbangu, refers to Kimbangu’s birthplace in Nkamba, Congo (a village near Mbanza-Ngungu), as New Jerusalem, where he reputedly performed miracles. Like Bedward, Kimbangu was imprisoned for life in the year 1921, however his movement continues with many followers to the present.
The Kimbanguist believe that people of the Nkamba village saw the New Jerusalem descending from heaven (a building) physically in 1935, by which time Father Simon Kimbangu was in prison. The Kimbanguist has constructed this same design of the building, calling it Nkamba New Jerusalem, in reference to Revelation 21; it has a river with supposed healing power.
The Bahá’í Faith views the New Jerusalem as the renewal of religion that takes place about every thousand years and which secures the prosperity of the human world.[26][27]Bahá’u’lláh, the founder of the Bahá’í Faith, identified the New Jerusalem with his claimed revelation (the word of God), and more specifically with the Law of God.[28][29]
`Abdu’l-Bahá, Bahá’u’lláh’s son, further explains that the New Jerusalem which descends from heaven is not an actual city which is renewed, but the law of God since it descends from heaven through a new revelation and it is renewed.[30]Shoghi Effendi, head of the religion after the death of `Abdu’l-Bahá, stated that specifically Bahá’u’lláh’s book of laws, the Kitáb-i-Aqdas, is the new Jerusalem.[31][32] Bahá’u’lláh, in the Tablet of Carmel, also states that the new Jerusalem had appeared upon the new Mount Zion, Mount Carmel.[28]
Carly Simon references « the New Jerusalem, » in her Oscar-winning song from « Working Girl, » « Let the River Run. »
In popular culture
Science fiction writer Robert Heinlein wrote the story « If This Goes On—« , depicting a charismatic preacher managing to be elected President of the United States and setting up a theocratic dictatorship. Among other things, the capital is moved from Washington, D.C. to « New Jerusalem ».
^Averky (Taushev), Archbishop; Fr. Seraphim (Rose) (1998). The Apocalypse in the Teachings of Ancient Christianity. Platina CA: St. Herman of Alaska Brotherhood. p. 26. ISBN0-938635-67-0.
Bernet, Claus: « The Heavenly Jerusalem as a Central Belief in Radical Pietism in the Eighteenth Century », in: The Covenant Quarterly, 63, 4, 2005, pp. 3–19.
La Cité de Dieu, ed. by Martin Hengel, Tübingen 2000.
La Gerusalemme celeste, ed. by Maria Luisa Gatti Perer, Milano 1983.
Kühnel, Bianca: From the Earthly to the Heavenly Jerusalem. Representations of the Holy City in Christian Art of the First Millennium, Rom, 1987.
W. Tabbernee/Peter Lampe, Pepouza and Tymion: The Discovery and Archaeological Exploration of a Lost Ancient City and an Imperial Estate (deGruyter: Berlin/New York, 2008) ISBN978-3-11-019455-5 und ISBN978-3-11-020859-7
Daniel C. Harlow, The Greek Apocalypse of Baruch (3 Baruch) in Hellenistic Judaism and Early Christianity (New York: E.J. Brill, 1996)
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David Flusser, Judaism and the Origins of Christianity (Jerusalem: Magnes Press, 1988)
Aune, Word Biblical Commentary: Revelation 17–22
Stephen Pattemore, The People of God in the Apocalypse: discourse, structure, and exegesis (New York: Cambridge University Press, 2004)
Petrarch’s Virgil (title page) (c. 1336) Illuminated manuscript by Simone Martini, 29 x 20 cm Biblioteca Ambrosiana, Milan.
Giacobbe Giusti, Petrarch
The Triumph of Death, or The 3 Fates. Flemish tapestry (probably Brussels, ca. 1510–1520). Victoria and Albert Museum, London. The three Fates, Clotho, Lachesis and Atropos, who spin, draw out and cut the thread of life, represent Death in this tapestry, as they triumph over the fallen body of Chastity. This is the third subject in Petrarch’s poem « The Great Triumphs ». First, Love triumphs; then Love is overcome by Chastity, Chastity by Death, Death by Fame, Fame by Time and Time by Eternity
Petrarch’s sonnets were admired and imitated throughout Europe during the Renaissance and became a model for lyrical poetry. He is also known for being the first to develop the concept of the « Dark Ages. »[3]
Biography
Youth and early career
Petrarch was born in the Tuscan city of Arezzo in 1304. He was the son of Ser Petracco and his wife Eletta Canigiani. His given name was Francesco Petracco. The name was Latinized to Petrarca. Petrarch’s younger brother was born in Incisa in Val d’Arno in 1307. Dante was a friend of his father.[4]
Petrarch spent his early childhood in the village of Incisa, near Florence. He spent much of his early life at Avignon and nearby Carpentras, where his family moved to follow Pope Clement V who moved there in 1309 to begin the Avignon Papacy. He studied law at the University of Montpellier (1316–20) and Bologna (1320–23) with a lifelong friend and schoolmate called Guido Sette. Because his father was in the profession of law, he insisted that Petrarch and his brother study law also. Petrarch however, was primarily interested in writing and Latin literature and considered these seven years wasted. Additionally, he proclaimed that through legal manipulation his guardians robbed him of his small property inheritance in Florence, which only reinforced his dislike for the legal system. He protested, « I couldn’t face making a merchandise of my mind, » as he viewed the legal system as the art of selling justice.[4]
Petrarch was a prolific letter writer and counted Boccaccio among his notable friends to whom he wrote often. After the death of their parents, Petrarch and his brother Gherardo went back to Avignon in 1326, where he worked in numerous clerical offices. This work gave him much time to devote to his writing. With his first large-scale work, Africa, an epic in Latin about the great Roman general Scipio Africanus, Petrarch emerged as a European celebrity. On April 8, 1341, he became the second [5]poet laureate since antiquity and was crowned by Roman SenatoriGiordano Orsini and Orso dell’Anguillara on the holy grounds of Rome’s Capitol.[6][7][8]
He traveled widely in Europe, served as an ambassador, and has been called « the first tourist« [9] because he traveled just for pleasure,[10] and the reason he climbed Mont Ventoux.[11] During his travels, he collected crumbling Latin manuscripts and was a prime mover in the recovery of knowledge from writers of Rome and Greece. He encouraged and advised Leontius Pilatus‘s translation of Homerfrom a manuscript purchased by Boccaccio, although he was severely critical of the result. Petrarch had acquired a copy, which he did not entrust to Leontius,[12] but he knew no Greek; Homer, Petrarch said, « was dumb to him, while he was deaf to Homer ».[13] In 1345 he personally discovered a collection of Cicero‘s letters not previously known to have existed, the collection Epistulae ad Atticum, in the Chapter Library (Biblioteca Capitolare) of Verona Cathedral.[14]
Disdaining what he believed to be the ignorance of the centuries preceding the era in which he lived, Petrarch is credited or charged with creating the concept of a historical « Dark Ages« .[3]
Petrarch recounts that on April 26, 1336, with his brother and two servants, he climbed to the top of Mont Ventoux (1,912 meters (6,273 ft), a feat which he undertook for recreation rather than necessity.[15] The exploit is described in a celebrated letter addressed to his friend and confessor, the monk Dionigi di Borgo San Sepolcro, composed some time after the fact. In it, Petrarch claimed to have been inspired by Philip V of Macedon‘s ascent of Mount Haemo and that an aged peasant had told him that nobody had ascended Ventoux before or after himself, 50 years before, and warned him against attempting to do so. The nineteenth-century Swiss historian Jacob Burckhardt noted that Jean Buridan had climbed the same mountain a few years before, and ascents accomplished during the Middle Ages have been recorded, including that of Anno II, Archbishop of Cologne.[16][17]
Scholars[18] note that Petrarch’s letter[19][20] to Dionigi displays a strikingly « modern » attitude of aesthetic gratification in the grandeur of the scenery and is still often cited in books and journals devoted to the sport of mountaineering. In Petrarch, this attitude is coupled with an aspiration for a virtuous Christian life, and on reaching the summit, he took from his pocket a volume by his beloved mentor, Saint Augustine, that he always carried with him.[21]
For pleasure alone he climbed Mont Ventoux, which rises to more than six thousand feet, beyond Vaucluse. It was no great feat, of course; but he was the first recorded Alpinist of modern times, the first to climb a mountain merely for the delight of looking from its top. (Or almost the first; for in a high pasture he met an old shepherd, who said that fifty years before he had attained the summit, and had got nothing from it save toil and repentance and torn clothing.) Petrarch was dazed and stirred by the view of the Alps, the mountains around Lyons, the Rhone, the Bay of Marseilles. He took Augustine‘s Confessions from his pocket and reflected that his climb was merely an allegory of aspiration toward a better life.[22]
As the book fell open, Petrarch’s eyes were immediately drawn to the following words:
And men go about to wonder at the heights of the mountains, and the mighty waves of the sea, and the wide sweep of rivers, and the circuit of the ocean, and the revolution of the stars, but themselves they consider not.[19]
Petrarch’s response was to turn from the outer world of nature to the inner world of « soul »:
I closed the book, angry with myself that I should still be admiring earthly things who might long ago have learned from even the pagan philosophers that nothing is wonderful but the soul, which, when great itself, finds nothing great outside itself. Then, in truth, I was satisfied that I had seen enough of the mountain; I turned my inward eye upon myself, and from that time not a syllable fell from my lips until we reached the bottom again. […] [W]e look about us for what is to be found only within. […] How many times, think you, did I turn back that day, to glance at the summit of the mountain which seemed scarcely a cubit high compared with the range of human contemplation […][19]
James Hillman argues that this rediscovery of the inner world is the real significance of the Ventoux event.[23] The Renaissance begins not with the ascent of Mont Ventoux but with the subsequent descent—the « return […] to the valley of soul », as Hillman puts it. Arguing against such a singular and hyperbolic periodization, Paul James suggests a different reading:
In the alternative argument that I want to make, these emotional responses, marked by the changing senses of space and time in Petrarch’s writing, suggest a person caught in unsettled tension between two different but contemporaneous ontological formations: the traditional and the modern.[24]
Later years
Petrarch spent the later part of his life journeying through northern Italy as an international scholar and poet-diplomat. His career in the Churchdid not allow him to marry, but he is believed to have fathered two children by a woman or women unknown to posterity. A son, Giovanni, was born in 1337, and a daughter, Francesca, was born in 1343. Both he later legitimized.[25]
Petrarch’s Arquà house near Padua where he retired to spend his last years
Giovanni died of the plague in 1361. In the same year Petrarch was named canon in Monselice near Padua. Francesca married Francescuolo da Brossano (who was later named executor of Petrarch’s will) that same year. In 1362, shortly after the birth of a daughter, Eletta (the same name as Petrarch’s mother), they joined Petrarch in Venice to flee the plague then ravaging parts of Europe. A second grandchild, Francesco, was born in 1366, but died before his second birthday. Francesca and her family lived with Petrarch in Venice for five years from 1362 to 1367 at Palazzo Molina; although Petrarch continued to travel in those years. Between 1361 and 1369 the younger Boccaccio paid the older Petrarch two visits. The first was in Venice, the second was in Padua.
About 1368 Petrarch and his daughter Francesca (with her family) moved to the small town of Arquà in the Euganean Hills near Padua, where he passed his remaining years in religious contemplation. He died in his house in Arquà early on July 20, 1374 – his seventieth birthday. The house hosts now a permanent exhibition of Petrarchian works and curiosities; among others you find the famous tomb of Petrarch’s beloved cat who was embalmed. On the marble slab there is a Latin inscription written by Antonio Quarenghi:
Etruscus gemino vates ardebat amore:
Maximus ignis ego; Laura secundus erat.
Quid rides? divinæ illam si gratia formæ,
Me dignam eximio fecit amante fides.
Si numeros geniumque sacris dedit illa libellis
Causa ego ne sævis muribus esca forent.
Arcebam sacro vivens a limine mures,
Ne domini exitio scripta diserta forent;
Incutio trepidis eadem defuncta pavorem,
Et viget exanimi in corpore prisca fides.[26]
Petrarch’s will (dated April 4, 1370) leaves 50 florins to Boccaccio « to buy a warm winter dressing gown »; various legacies (a horse, a silver cup, a lute, a Madonna) to his brother and his friends; his house in Vaucluse to its caretaker; for his soul, and for the poor; and the bulk of his estate to his son-in-law, Francescuolo da Brossano, who is to give half of it to « the person to whom, as he knows, I wish it to go »; presumably his daughter, Francesca, Brossano’s wife. The will mentions neither the property in Arquà nor his library; Petrarch’s libraryof notable manuscripts was already promised to Venice, in exchange for the Palazzo Molina. This arrangement was probably cancelled when he moved to Padua, the enemy of Venice, in 1368. The library was seized by the lords of Padua, and his books and manuscripts are now widely scattered over Europe.[27] Nevertheless, the Biblioteca Marciana traditionally claimed this bequest as its founding, although it was in fact founded by Cardinal Bessarion in 1468.[28]
Works
Original lyrics by Petrarch, found in 1985 in Erfurt
Petrarch’s Virgil (title page)(c. 1336)
Illuminated manuscript by Simone Martini, 29 x 20 cm Biblioteca Ambrosiana, Milan.
The Triumph of Death, or The 3 Fates. Flemish tapestry (probably Brussels, ca. 1510–1520). Victoria and Albert Museum, London. The three Fates, Clotho, Lachesis and Atropos, who spin, draw out and cut the thread of life, represent Death in this tapestry, as they triumph over the fallen body of Chastity. This is the third subject in Petrarch’s poem « The Great Triumphs ». First, Love triumphs; then Love is overcome by Chastity, Chastity by Death, Death by Fame, Fame by Time and Time by Eternity
Petrarch is best known for his Italian poetry, notably the Canzoniere(« Songbook ») and the Trionfi(« Triumphs »). However, Petrarch was an enthusiastic Latin scholar and did most of his writing in this language. His Latin writings include scholarly works, introspective essays, letters, and more poetry. Among them are Secretum Meum (« My Secret Book »), an intensely personal, guilt-ridden imaginary dialogue with Augustine of Hippo; De Viris Illustribus (« On Famous Men »), a series of moral biographies; Rerum Memorandarum Libri, an incomplete treatise on the cardinal virtues; De Otio Religiosorum(« On Religious Leisure »)[29] and De Vita Solitaria (« On the Solitary Life »), which praise the contemplative life; De Remediis Utriusque Fortunae(« Remedies for Fortune Fair and Foul »), a self-help book which remained popular for hundreds of years; Itinerarium (« Petrarch’s Guide to the Holy Land »); invectives against opponents such as doctors, scholastics, and the French; the Carmen Bucolicum, a collection of 12 pastoral poems; and the unfinished epic Africa. He translated seven psalms, a collection known as the Penitential Psalms.[30]
Petrarch also published many volumes of his letters, including a few written to his long-dead friends from history such as Cicero and Virgil. Cicero, Virgil, and Seneca were his literary models. Most of his Latin writings are difficult to find today, but several of his works are available in English translations. Several of his Latin works are scheduled to appear in the Harvard University Press series I Tatti.[31] It is difficult to assign any precise dates to his writings because he tended to revise them throughout his life.
While Petrarch’s poetry was set to music frequently after his death, especially by Italian madrigal composers of the Renaissance in the 16th century, only one musical setting composed during Petrarch’s lifetime survives. This is Non al suo amante by Jacopo da Bologna, written around 1350.
Laura and poetry
On April 6, 1327,[36] after Petrarch gave up his vocation as a priest, the sight of a woman called « Laura » in the church of Sainte-Claire d’Avignon awoke in him a lasting passion, celebrated in the Rime sparse (« Scattered rhymes »). Later, Renaissance poets who copied Petrarch’s style named this collection of 366 poems Il Canzoniere(« Song Book »).[37] Laura may have been Laura de Noves, the wife of Count Hugues de Sade (an ancestor of the Marquis de Sade). There is little definite information in Petrarch’s work concerning Laura, except that she is lovely to look at, fair-haired, with a modest, dignified bearing. Laura and Petrarch had little or no personal contact. According to his « Secretum », she refused him because she was already married. He channeled his feelings into love poems that were exclamatory rather than persuasive, and wrote prose that showed his contempt for men who pursue women. Upon her death in 1348, the poet found that his grief was as difficult to live with as was his former despair. Later in his « Letter to Posterity », Petrarch wrote: « In my younger days I struggled constantly with an overwhelming but pure love affair – my only one, and I would have struggled with it longer had not premature death, bitter but salutary for me, extinguished the cooling flames. I certainly wish I could say that I have always been entirely free from desires of the flesh, but I would be lying if I did ».
While it is possible she was an idealized or pseudonymous character – particularly since the name « Laura » has a linguistic connection to the poetic « laurels » Petrarch coveted – Petrarch himself always denied it. His frequent use of l’aura is also remarkable: for example, the line « Erano i capei d’oro a l’aura sparsi » may both mean « her hair was all over Laura’s body », and « the wind (« l’aura ») blew through her hair ». There is psychological realism in the description of Laura, although Petrarch draws heavily on conventionalised descriptions of love and lovers from troubadoursongs and other literature of courtly love. Her presence causes him unspeakable joy, but his unrequited love creates unendurable desires, inner conflicts between the ardent lover and the mystic Christian, making it impossible to reconcile the two. Petrarch’s quest for love leads to hopelessness and irreconcilable anguish, as he expresses in the series of paradoxes in Rima 134 « Pace non trovo, et non ò da far guerra;/e temo, et spero; et ardo, et son un ghiaccio »: « I find no peace, and yet I make no war:/and fear, and hope: and burn, and I am ice ».[38]
Laura is unreachable – the few physical descriptions of her are vague, almost impalpable as the love he pines for, and such is perhaps the power of his verse, which lives off the melodies it evokes against the fading, diaphanous image that is no more consistent than a ghost. Francesco De Sanctis remarks much the same thing in his Storia della letteratura italiana, and contemporary critics agree on the powerful music of his verse. Perhaps the poet was inspired by a famous singer he met in Veneto around the 1350s.[39] Gianfranco Contini, in a famous essay on Petrarch’s language (« Preliminari sulla lingua del Petrarca ». Petrarca, Canzoniere. Turin, Einaudi, 1964) has spoken of linguistic indeterminacy – Petrarch never rises above the « bel pié » (her lovely foot): Laura is too holy to be painted; she is an awe-inspiring goddess. Sensuality and passion are suggested rather by the rhythm and music that shape the vague contours of the lady. In addition, some today consider Laura to be a representation of an « ideal Renaissance woman », based on her nature and definitive characteristics.
Aura che quelle chiome bionde et crespe
cercondi et movi, et se’ mossa da loro,
soavemente, et spargi quel dolce oro,
et poi ’l raccogli, e ’n bei nodi il rincrespe,
tu stai nelli occhi ond’amorose vespe
mi pungon sí, che ’nfin qua il sento et ploro,
et vacillando cerco il mio tesoro,
come animal che spesso adombre e ’ncespe:
ch’or me ’l par ritrovar, et or m’accorgo
ch’i’ ne son lunge, or mi sollievo or caggio,
ch’or quel ch’i’ bramo, or quel ch’è vero scorgo.
Aër felice, col bel vivo raggio
rimanti; et tu corrente et chiaro gorgo,
ché non poss’io cangiar teco vïaggio?
Breeze, blowing that blonde curling hair,
stirring it, and being softly stirred in turn,
scattering that sweet gold about, then
gathering it, in a lovely knot of curls again,
you linger around bright eyes whose loving sting
pierces me so, till I feel it and weep,
and I wander searching for my treasure,
like a creature that often shies and kicks:
now I seem to find her, now I realise
she’s far away, now I’m comforted, now despair,
now longing for her, now truly seeing her.
Happy air, remain here with your
living rays: and you, clear running stream,
why can’t I exchange my path for yours?
Petrarch is a world apart from Dante and his Divina Commedia. In spite of the metaphysical subject, the Commedia is deeply rooted in the cultural and social milieu of turn-of-the-century Florence: Dante’s rise to power (1300) and exile (1302), his political passions call for a « violent » use of language, where he uses all the registers, from low and trivial to sublime and philosophical. Petrarch confessed to Boccaccio that he had never read the Commedia, remarks Contini, wondering whether this was true or Petrarch wanted to distance himself from Dante. Dante’s language evolves as he grows old, from the courtly love of his early stilnovisticRime and Vita nuova to the Convivio and Divina Commedia, where Beatrice is sanctified as the goddess of philosophy – the philosophy announced by the Donna Gentile at the death of Beatrice.[42]
In contrast, Petrarch’s thought and style are relatively uniform throughout his life – he spent much of it revising the songs and sonnets of the Canzoniere rather than moving to new subjects or poetry. Here, poetry alone provides a consolation for personal grief, much less philosophy or politics (as in Dante), for Petrarch fights within himself (sensuality versus mysticism, profane versus Christianliterature), not against anything outside of himself. The strong moral and political convictions which had inspired Dante belong to the Middle Ages and the libertarian spirit of the commune; Petrarch’s moral dilemmas, his refusal to take a stand in politics, his reclusive life point to a different direction, or time. The free commune, the place that had made Dante an eminent politician and scholar, was being dismantled: the signoria was taking its place. Humanism and its spirit of empirical inquiry, however, were making progress – but the papacy (especially after Avignon) and the empire (Henry VII, the last hope of the white Guelphs, died near Siena in 1313) had lost much of their original prestige.[43]
Petrarch polished and perfected the sonnet form inherited from Giacomo da Lentini and which Dante widely used in his Vita nuova to popularise the new courtly love of the Dolce Stil Novo. The tercet benefits from Dante’s terza rima (compare the Divina Commedia), the quatrains prefer the ABBA-ABBA to the ABAB-ABAB scheme of the Sicilians. The imperfect rhymes of u with closed o and i with closed e(inherited from Guittone’s mistaken rendering of Sicilian verse) are excluded, but the rhyme of open and closed o is kept. Finally, Petrarch’s enjambment creates longer semantic units by connecting one line to the following. The vast majority (317) of Petrarch’s 366 poems collected in the Canzoniere (dedicated to Laura) were sonnets, and the Petrarchan sonnet still bears his name.[44]
Philosophy
Petrarch
Statue of Petrarch on the Uffizi Palace, in Florence
Petrarch is traditionally called the father of Humanism and considered by many to be the « father of the Renaissance. »[45] In his work Secretum meum he points out that secular achievements did not necessarily preclude an authentic relationship with God. Petrarch argued instead that God had given humans their vast intellectual and creative potential to be used to their fullest.[46] He inspired humanist philosophy which led to the intellectual flowering of the Renaissance. He believed in the immense moral and practical value of the study of ancient history and literature – that is, the study of human thought and action. Petrarch was a devout Catholic and did not see a conflict between realizing humanity’s potential and having religious faith.
A highly introspective man, he shaped the nascent humanist movement a great deal because many of the internal conflicts and musings expressed in his writings were seized upon by Renaissance humanist philosophers and argued continually for the next 200 years. For example, Petrarch struggled with the proper relation between the active and contemplative life, and tended to emphasize the importance of solitude and study. In a clear disagreement with Dante, in 1346 Petrarch argued in his De vita solitaria that Pope Celestine V‘s refusal of the papacy in 1294 was as a virtuous example of solitary life.[47] Later the politician and thinker Leonardo Bruni (1370-1444) argued for the active life, or « civic humanism« . As a result, a number of political, military, and religious leaders during the Renaissance were inculcated with the notion that their pursuit of personal fulfillment should be grounded in classicalexample and philosophical contemplation.[48]
The Romantic composer Franz Liszt set three of Petrarch’s Sonnets (47, 104, and 123) to music for voice, Tre sonetti del Petrarca, which he later would transcribe for solo piano for inclusion in the suite Années de Pèlerinage. Liszt also set a poem by Victor Hugo, » O quand je dors » in which Petrarch and Laura are invoked as the epitome of erotic love.
While in Avignon in 1991, Modernist composer Elliott Carter completed his solo flute piece Scrivo in Vento which is in part inspired by and structured by Petrarch’s Sonnet 212, Beato in sogno.[50] It was premiered on Petrarch’s 687th birthday.[51]
In November 2003, it was announced that pathologicalanatomistswould be exhuming Petrarch’s body from his casket in Arquà Petrarca, in order to verify 19th-century reports that he had stood 1.83 meters (about six feet), which would have been tall for his period. The team from the University of Padua also hoped to reconstruct his cranium in order to generate a computerized image of his features to coincide with his 700th birthday. The tomb had been opened previously in 1873 by Professor Giovanni Canestrini, also of Padua University. When the tomb was opened, the skull was discovered in fragments and a DNAtest revealed that the skull was not Petrarch’s,[52] prompting calls for the return of Petrarch’s skull.
The researchers are fairly certain that the body in the tomb is Petrarch’s due to the fact that the skeleton bears evidence of injuries mentioned by Petrarch in his writings, including a kick from a donkeywhen he was 42.[53]
Francesco Petrarch, Letters of Old Age (Rerum senilium libri), translated by Aldo S. Bernardo, Saul Levin & Reta A. Bernardo (New York: Italica Press, 2005). Volume 1, Books 1-9; Volume 2, Books 10-18.
Francesco Petrarch, My Secret Book, (Secretum), translated by Nicholas Mann. Harvard University Press.
Francesco Petrarch, On Religious Leisure (De otio religioso), edited & translated by Susan S. Schearer, introduction by Ronald G. Witt (New York: Italica Press, 2002).
Francesco Petrarch, The Revolution of Cola di Rienzo, translated from Latin and edited by Mario E. Cosenza; 3rd, revised, edition by Ronald G. Musto (New York; Italica Press, 1996).
Francesco Petrarch, Selected Letters, vol. 1 and 2, translated by Elaine Fantham. Harvard University Press.
^This designation appears, for instance, in a recent review of Carol Quillen’s Rereading the Renaissance.
^In the Prose della volgar lingua, Bembo proposes Petrarch and Boccaccio as models of Italian style, while expressing reservations about emulating Dante’s usage.
^ Jump up to:abRenaissance or Prenaissance, Journal of the History of Ideas, Vol. 4, No. 1. (Jan. 1943), pp. 69–74; Theodore E. Mommsen, « Petrarch’s Conception of the ‘Dark Ages' » Speculum17.2 (April 1942: 226–242); JSTOR link to a collection of several letters in the same issue.
^after « Albertino Mussato » who was the first to be so crowned according to Robert Weiss, The Renaissance Discovery of Classical Antiquity (Oxford, 1973)
^The last lay of Petrarch’s cat, Notes and Queries, Vol. V, Number 121, February 21, 1852, Author: Various, Editor: George Bell
^Bishop, pp. 360, 366. Francesca and the quotes from there;[clarification needed] Bishop adds that the dressing-gown was a piece of tact: « fifty florins would have bought twenty dressing-gowns ».
^ Tedder, Henry Richard; Brown, James Duff (1911). « Libraries § Italy.« . In Chisholm, Hugh. Encyclopædia Britannica. 16 (11th ed.). Cambridge University Press. p. 573.
^Letters on Familiar Matters (Rerum familiarium libri), translated by Aldo S. Bernardo, 3 vols.’ and Letters of Old Age (Rerum senilium libri), translated by Aldo S. Bernardo, Saul Levin & Reta A. Bernardo, 2 vols.
^April 6, 1327 is often thought to be Good Friday based on poems 3 and 211 of Petrarch’s Il Canzoniere, but in fact that date fell on Monday in 1327. The apparent explanation is that Petrarch was not referring to the variable date of Good Friday but to the date fixed by the death of Christ in absolute time, which at the time was thought to be April 6 (Mark Musa, Petrarch’s Canzoniere, Indiana University Press, 1996, p. 522).
^Anna Chiappinelli, « La Dolce Musica Nova di Francesco Landini » Sidereus Nuncius, 2007, pp. 55-91 [1]Archived February 2, 2011, at the Wayback Machine.
^See for example Rudolf Pfeiffer, History of Classical Scholarship 1300-1850, Oxford University Press, 1976, p. 1; Gilbert Highet, The Classical Tradition, Oxford University Press, 1949, p. 81-88.
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Paul Geyer und Kerstin Thorwarth (hg), Petrarca und die Herausbildung des modernen Subjekts (Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2009) (Gründungsmythen Europas in Literatur, Musik und Kunst, 2).
The Bull-LeapingFresco, as it has come to be called, is the most completely restored of several stucco panels originally sited on the upper-story portion of the east wall of the palace at Knossos in Crete. Although they were frescos, they were painted on stucco relief scenes and therefore are classified as plastic art. They were difficult to produce. The artist had to manage not only the altitude of the panel but also the simultaneous molding and painting of fresh stucco. The panels, therefore, do not represent the formative stages of the technique. In Minoan chronology, their polychrome hues – white, pale red, dark red, blue, black – exclude them from the Early Minoan (EM) and early Middle Minoan (MM) Periods. They are, in other words, instances of the « mature art » created no earlier than MM III. The flakes of the destroyed panels fell to the ground from the upper story during the destruction of the palace, probably by earthquake, in Late Minoan (LM) II. By that time the east stairwell, near which they fell, was disused, being partly ruinous.
The theme is a stock scene, one of a few depicting the handling of bulls. Arthur Evans, Keeper of the Ashmolean Museum, owner of the palace and director of excavation, presents the topic in Chapter III of his monumental work on Knossos and Minoan Civilization, Palace of Minos. There he calls the several frescos « The Taureador Frescos. »[1]And It was discovered in about 1917
Theme
Possible reconstruction of the act of bull leaping.
Concepts of bull-leaping
Close-up of central figure of the Taureador Fresco.[2]
Arthur Evans recognized that depictions of bulls and bull-handling had a long tradition represented by copious instances in multi-media art, not only at Knossos, and other sites on Crete, but also in the Aegean and on mainland Greece, with a tradition even more ancient in Egypt and the Middle East. At Knossos he distinguished between « bull-grappling scenes » or « ‘cow-boy’ feats in the open » and « Circus Sports. » The cowboy scenes depict the catching and handling of wild cattle, represented by animal icons very like the aurochs from which kine were domesticated. This type of cattle motif is shown on the stucco fresco in the North Entrance of the palace. Additionally, Jordan Wolfe, of Furman University, explains how the act of bull-leaping is especially significant to Minoan culture because it highlights man’s dubious mastery of nature.[3]
The Circus Sports are to be contrasted to Bull-Catching. They are « a more structurally organized and ceremonial form of the sport confined, of its very nature, to a specially devised structure. »[4] He goes on to conjecture, « the Palace Bull-Ring itself lay on the river flat immediately below. » The Taureador Frescoes, then, are not depictions of real events in real time, but are decorative motifs on the wall above a ceremonial bull-ring. They depict a stock scene, of a conventional nature, which has come to be termed « bull-leaping. » It still has no viable definition. Although it vaguely brings to mind the act of jumping over bulls, the technique and the reasons for doing that remain obscure, a century after the discovery of the frescos. The frescos are no help.
Close-up of right figure of the Taureador Fresco.
Modern attempts to recreate the leaping on modern cattle have resulted only in a number of deaths. In short, the bull is too fast, too powerful and too aggressive to allow seizure of the horns, much less the use of the energy of the neck toss for acrobatics. Moreover, that toss is a hook to the side, not a neat backward boost. The bull attempts to skewer the human with one horn, without a view toward the style of the frescos. It is possible to leap over small bulls without touching them, even as they charge, and such spectacles still practiced in France may be the ultimate source of the icon. A stationary bull might be touched or pushed on the way over, but pressing on a bull in motion would have the same effect as being sideswiped by a speeding vehicle; that is, tumbling out of control.[2]
The Taureador Frescoes are not frauds or incorrect reconstructions. The same bull-leaping scene appears in miniature in sealings and sealstones of the MM and LM periods.[5] Explanations and classifications of the figures depicted are strictly theoretical, never illustrated by real-life examples. The only certain perception is that the leaper goes over the bull in an upside-down position, whether diving from above, leaping up from below, or with or without the assistance of another human or a device such as a pole. Why he should choose to do so also is strictly theoretical, although motives may probably presumed to be similar to those of modern adolescents in France: adventure and peer status. It would have to be, certainly, a volunteer activity of some social reward.
Taurokathapsia and other classical words
Close-up of left figure of the Taureador Fresco
Evans noted the survival of bull sports into classical times; for example, the taurokathapsia of Thessaly. The word means « laying hold of the bull, » which in modern times is sometimes used for dabing of the Taureador Fresco. Evans did not use it in that way. The Thessalian taurokathapsia was performed from horseback. The Tiryns Fresco depicts a youth on the back of a bull holding its horns, an activity similar to bull-dogging. First the bull in the ring is baited by riders to exhaust him. Then a rider comes up beside him, leaps on his back, seizes the horns, and falling to one side twists the head, bringing down the tired bull. Macedonian coins depict Artemis Tauropolos, « Artemis Bullrider, » mounted on a charging bull. Miletus held the Boegia, « Bull Driving, » involving a bull-grappling contest.[6]
This close-up depicts a possible reconstruction of the fresco depicting the grip used by bull-leapers.
The problem with the Taureador Fresco as a taurokathapsia is its logical sequence. Depicted are three individuals, two men, one at the front, one at the back, and a boy shown balancing on the bull. The status of the participants is identified by their clothes and jewelry. The bull evidences the Mycenaean Flying Leap, which means he is intended to be at full gallop. His horns, however, are being firmly held by the man in front. To make matters worse, the boy is in a balancing, not a tumbling, position. He holds the flanks of the bull with both hands. If he were tumbling, and if he had used the horns to get a purchase, the man would not be now holding them. It cannot be a compressed chronological sequence, as the individuals are all different. If the man is holding the bull, it cannot be galloping. The fresco simply has no explanation whatever as a real event, which, however, is true of most Minoan/Mycenaean decorative panel scenes. No realist tradition is in play in any way for this period in these localities. Apparently icons that are disconnected in real time and space have been superimposed to give an overall impression of a scene familiar to the artists and their viewers, but not to today’s public.
Size of ancient Minoan bull leaping bulls
Archaeological evidence has now uncovered that the type of bull used by ancient Minoan bull leapers was a cross breed giant aurochs bull, now extinct in Europe. It had a shoulder height of over 6 ft (180 cm) and a hoof size similar to the size of a human head.[7]
Evans, Arthur John (1930). PM. Volume III: The great transitional age in the northern and eastern sections of the Palace: the most brilliant record of Minoan art and the evidences of an advanced religion.
—— (1935A). PM. Volume IV Part I: Emergence of outer western enceinte, with new illustrations, artistic and religious, of the Middle Minoan Phase; Chryselephantine « Lady of Sports », « Snake Room » and full story of the cult Late Minoan ceramic evolution and « Palace Style ».
—— (1935B). PM. Volume IV Part II: Camp-stool Fresco, long-robed priests and beneficent genii ; Chryselephantine Boy-God and ritual hair-offering ; Intaglio Types, M.M. III – L. M. II, late hoards of sealings, deposits of inscribed tablets and the palace stores ; Linear Script B and its mainland extension, Closing Palatial Phase ; Room of Throne and final catastrophe.
MacGillivray, 2000, MINOTAUR. Sir Arthur Evans and the Archaeology of the Minoan Myth, Farrar, Straus and Giroux: New York.
(in Greek) C. Christopoulos (ed.), Ελληνική Τέχνη, Η Αυγή της Ελληνικής Τέχνης, Εκδοτική Αθηνών (Greek Art, The Dawn of Greek Art), (Athens 1994).
(in Greek) Sinclair Hood, 1993, Η Τέχνη στην Προϊστορική Ελλάδα(Art in Pre-historic Greece), Καρδαμίτσας: Athens.
Le temple d’Antonin et Faustine (en latin : Templum Antonini et Faustinæ) est un temple romainsitué sur le côté nord de la Via Sacra à l’entrée du Forum Romain. Il a été construit par Antonin le Pieux en l’honneur de son épouse déifiée, l’impératrice Faustine, décédée en 141. Le temple est dédié une deuxième fois après la mort et la déification d’Antonin le Pieux en 161.
Le temple est construit en 141 apr. J.-C. sur décret du Sénat1. Antonin le Pieux le dédie au culte de sa défunte épouse Faustine qui a été déifiée comme le montre l’inscription dédicatoire sur l’architrave(DIVAE • FAUSTINAE • EX • S • C). À la mort de l’empereur, en 161, le temple est de nouveau dédié, cette fois en l’honneur d’Antonin le Pieux et de Faustine, à l’instigation de Marc Aurèle. La première ligne de l’inscription dédicatoire mentionnant le nom de l’empereur défunt est ajoutée à cette occasion sur la frise de l’entablement2,3,1.
Le temple doit sa relative bonne conservation à sa transformation en église durant le haut Moyen Âge. En effet, l’église San Lorenzo in Miranda est installée dans la cella du temple au cours des viie et viiiesiècles1, mais son existence n’est attestée que depuis le xie siècle, mentionnée dans le Mirabilia Urbis Romaem 1. Les traces obliques encore visibles aujourd’hui sur les fûts des colonnes auraient été laissées lors d’une tentative d’abattre le portique pour récupérer les matériaux ou pour détruire ce qui restait d’un temple païen. Au moment de la construction de l’église, le terrain est plus haut d’environ douze mètres par rapport à son niveau antique et les colonnes, constituées d’un seul bloc, sont en partie enterrées.
Par décret (bulle apostolique) du 8 mars 1429 ou 1430, le pape Martin V concède l’église à l’Universitas Aromatorium (le Nobile Collegio des chimistes et herboristes de la Ville de Rome)m 2, à qui, par le même décret, il confère le titre de « Noble Collège », que cette université privée a porté depuis et jusqu’à nos jours. Des chapelles latérales sont ajoutées. En 1536, l’église est en partie restructurée afin de valoriser l’aspect de l’ancien temple, et ce avant la visite de l’empereur Charles Quint à Rome. L’église visible aujourd’hui est encore remodelée en 1602 par l’architecteOrazio Torriani, avec une seule nef centrale et de nouvelles chapelles latérales, à un niveau surélevé de plusieurs mètres du fait de l’ensablement progressif de la zone du Forum1.
Époque moderne
Des fouilles archéologiques sont entreprises en 1546, en 1810 puis à intervalles de temps régulier depuis 18764. Elles ont permis de dégager le temple qui était partiellement enterré, rendant l’accès impossible à l’église par la porte en bronze qui donne du côté de la Via Sacra, étant donné qu’il y a une différence de niveau de six mètres environ par rapport au sol du pronaos, et de douze mètres par rapport à la Via Sacra, et l’entrée actuelle se trouve située sur son latéral gauche.
Aujourd’hui, il reste toutes les colonnes du pronaos. En plus des traces laissées par les cordes sur les fûts, on peut voir des graffitis chrétiens datés pour les plus anciens du ive siècle3 et une représentation d’Hercule et du Lion de Némée, sujet inspiré de statues qui devaient se trouver aux alentours5. L’escalier antique a été remplacé par une construction plus récente en brique. On peut voir des vestiges des murs de la cella en pépérin, à l’intérieur de l’église. La frise et l’architrave de l’entablement ont en partie survécu mais il reste très peu de vestiges de la corniche.
Description
Giacobbe Giusti, Temple d’Antonin et Faustine, Rome
Détail de l’entablement avec l’inscription dédicatoire.
Architecture extérieure
Le temple s’élève sur un grand podium constitué de blocs de tuf. Un autel en brique recouvert de marbre est construit au milieu des marches de l’escalier qui relie le pronaos à la Via Sacra1.
Le temple est prostylehexastyle avec deux colonnes latérales et des piliers engagés dans le mur extérieur de la cella qui sont recouverts de plaques de marbre blanc6. Les colonnes corinthiennes sont en marbre cipolin et font 17 mètres de haut pour 1,5 mètre de diamètre à la base. Les chapiteaux de marbre blanc supportent un entablement en marbre blanc également. La frise est ornée de motifs végétaux, de griffons et d’instruments de sacrifice7. Le faîte du fronton est orné d’un quadrigetandis que des Victoires se dressent à chaque angle1.
Inscription
L’inscription dédicatoire est divisée en deux parties. La première ligne, ajoutée après, est taillée sur la frise du temple. La deuxième ligne, mais la première à avoir été inscrite, est taillée sur l’architrave. On peut lire :
DIVO • ANTONINO • ET
DIVAE • FAVSTINAE • EX • S • C
« [Ce temple a été construit en l’honneur du] divin Antonin et
la divine Faustine sur décret du Sénat (S•C pour senatus-consultum). »
Intérieur
La cella, construite avec des blocs de pépérin disposés en opus quadratum, abrite les statues colossales de l’empereur et de son épouse dont des fragments seulement ont été retrouvés7,6.
(it) A. Cassatella, « Antonini divi et Faustinae divae templum », dans Eva Margareta Steinby (dir.), Lexicon Topographicum Urbis Romae : Volume Primo A – C, Edizioni Quasar, , 480 p.(ISBN88-7097-019-1), p. 47
(it) Patrizio Pensabene, « Programmi decorativi e architettura del tempio di Antonino e Faustina al Foro Romano », dans Lidiano Bacchielli et Margherita Bonanno Aravantinos, Scritti di antichità in memoria di Sandro Stucchi : la Cirenaica, la Grecia e l’Oriente mediterraneo, « L’Erma » di Bretschneider, , 360 p., p. 239-270
安托尼努斯和法烏斯提那神廟(拉丁語:Templum Antonini et Faustinae,意大利語:Tempio di Antonino e Faustina)是位於羅馬古羅馬廣場的神廟。神廟修建於141年,是羅馬皇帝安敦寧·畢尤為了紀念他的皇后法烏提斯所修建。這座神廟現在相當大的一部分被改建為教堂[1][2]。
Храм Антонина и Фаустины(итал.Tempio di Antonino e Faustina) — храм на Римском форуме, построенный в 141году н. э. по приказу императора Антонина Пия в честь его умершей жены Фаустины. После смерти Антонина в 161 году храм перепосвятили памяти обоих супругов.
Расположение храма на плане Римского форума
Поздняя история
Не позднее XI века (возможно, уже в VII веке) храм был обращён в церковь св. Лаврентия (San Lorenzo in Miranda), который, согласно легенде, был осуждён здесь в 258 году при императоре Валериане. Благодаря христианизации постройка хорошо сохранилась до наших дней.
В 1429–30 годах папа Мартин V передал церковь Коллегии аптекарей (Collegio degli Speziali). В музее церкви можно увидеть рецепт, который был выписан здесь Рафаэлю.
В 1536 году к визиту императора Священной Римской империиКарла V три капеллы церкви были демонтированы с целью обнажения оригинального античного храма.
Здание стоит на высокой платформе из пепериновых блоков. Пронаос состоит из десяти коринфских колонн (шесть по фасаду и по две с торцов) высотой 17 м. Надпись на архитраве гласит: Divo Antonino et / Divae Faustinae ex S(enatus) c(onsulto) — «Божественному Антонину и / Божественной Фаустине по решению Сената». На опоясывающем антаблемент мраморном фризе сохранились изображения грифонов, перемежаемые растительными мотивами и изображением жертвенных инструментов. Боковые стены целлы, ранее облицованные мрамором, сложены, как и платформа, из вулканического туфа.[2]
Литература
Stierlin, Henri. Imperium Romanum. — Köln: Benedikt Taschen Verlag GmbH, 1996. — ISBN 3-8228-8729-3.
Le thème central en est la Genèse. Ces représentations impressionnantes, qui démontrent une parfaite maîtrise de l’anatomie humaine et du mouvement des corps, ont radicalement transformé la peinture occidentale. La scène de La Création d’Adam a acquis une renommée universelle.
Commande
La décoration du plafond de la chapelle Sixtine est commandée par le pape Jules II, au début de son pontificat, pour remédier aux dégâts engendrés par la construction de la basilique Saint-Pierre et de la tour Borgia. En 1504, l’équilibre de la chapelle est menacé par les travaux voisins. Une longue fissure cause des dégâts si importants que le pape charge Michel-Ange de refaire la décoration. La voûte alors en place aurait été ornée, par Maestro dell’Annunciazione Gardner, d’un ciel bleu constellé où de petites boules de cire dorée, collées sur la peinture, représentaient les étoiles. Un tel décor, plus simple à réaliser que des fresques à personnages, était fréquent dans les chapelles contemporaines, comme à l’église de l’Arena de Padoue, décorée de fresques par Giotto. Toutefois, les examens effectués lors des dernières restaurations n’ont mis à jour aucune trace de bleu1.
Le nouveau programme, établi par le pape en 1506, est retardé par les campagnes militaires qu’il entreprend alors pour prendre Pérouse aux Baglioni et Bologne à Bentivoglio, mais aussi par les tergiversations de Michel-Ange, qui se prétend sculpteur et non peintre2.
Le 8 mai 1508, grâce à l’intervention de son ami florentin Giuliano da Sangallo3, Michel-Ange signe le contrat prévoyant la représentation des douze apôtres dans les pendentifs, agrémentée de motifs ornementaux dans les parties restantes. Mais il juge ce sujet trop pauvre. Sur sa requête, et grâce à l’aide des théologiens de la cour papale, il conçoit neuf scènes centrales inspirées du néoplatonisme. Représentant les épisodes de la Genèse, elles commencent par la Séparation de la lumière d’avec les ténèbres et se poursuivent par la célèbre Création d’Adam, (où Dieu effleure la main tendue d’Adam pour lui donner la vie), suivies de la Tentation et d’autres épisodes. Michel-Ange travaille tout d’abord avec six aides. Mais perfectionniste et irascible, il est rapidement déçu par leurs essais. Il s’en sépare pour ne garder avec lui qu’un apprenti, qui confectionne ses couleurs, et un maçon, qui prépare les enduits de fresque sur lesquels il appliquera des tonalités acides (violine, jaune citron, vert menthe…)2.
Dans son roman historique Le ciel de la chapelle Sixtine, Leon Morell4décrit dans le détail, avec vraisemblance, les différentes étapes de la réalisation de la fresque par Michel-Ange.
Réalisation
Giacobbe Giusti, Michel-Ange: plafond de la chapelle Sixtine, Rome
Le plafond de la chapelle Sixtine, une « réalisation artistique sans précédent5 ».
Pour atteindre le plafond, Michel-Ange fait retirer l’échafaudagecourbé (suivant les courbes de la voûte), suspendu par des cordes, installé par Bramante. Il en conçoit un autre qui, plutôt que de monter du sol (ce qui exigerait une énorme base vu la hauteur de l’édifice), s’appuie sur des tenons fixés en partie haute des murs, en dessous des lunettes. Ces installations retrouveront leur utilité lors de la campagne de restauration menée de 1981 à 1989. De plus, ce système permet, selon Mancini, de réduire les coûts d’un échafaudage en bois6. La structure, occupant un tiers de la surface totale du plafond, est démontée puis remontée en trois phases successives. Michel-Ange commence les travaux le 10 mai 15087.
Michel-Ange se représentant en train
de peindre le plafond de la Sixtine.
Ascanio Condivi, son élève et biographe, rapporte qu’un filet de toile était tendu sous l’échafaudage, afin que les gouttes de plâtre et de peinture ne tombent pas au sol. Un mythe très répandu veut que Michel-Ange ait peint allongé sur le dos8, comme le figure Charlton Hestondans le film L’Extase et l’Agonie, de Carol Reed en 1965. En réalité, il travaillait debout, peignant au-dessus de sa tête les bras en l’air et la tête basculée vers l’arrière, ce qui explique qu’il souffraitt de crampes, de spasmes musculaires et de maux de tête9. Il le décrivit dans un sonnet assez humoristique écrit en 1510, accompagné d’un croquis :
« À travailler tordu j’ai attrapé un goitre […]
Et j’ai le ventre, à force, collé au menton.
Ma barbe pointe vers le ciel, je sens ma nuque
Sur mon dos, j’ai une poitrine de harpie,
Et la peinture qui dégouline sans cesse
Sur mon visage en fait un riche pavement.
Mes lombes sont allés se fourrer dans ma panse,
Faisant par contrepoids de mon cul une croupe
Chevaline et je déambule à l’aveuglette10. »
Durant la première campagne, il transfère la plupart de ses cartons à l’aide du procédé du poncif, en soufflant de la poussière de charbon de bois à travers les trous qui marquent le tracé. Pendant la seconde étape, pressé par le pape vieillissant qui veut voit l’œuvre achevée avant sa mort, il trace directement les contours dans le plâtre humide avec un style. Dans les années 1980, la lumière rasante utilisée par les restaurateurs mettra en évidence les petits points charbonneux et les incisions laissés par ces méthodes de travail11.
Il rencontre de constantes difficultés : visites intempestives du pape ; apparition de chancis(l’architecte du pape, Giuliano da Sangallo, comprend vite – heureusement – que les moisissures proviennent de la chaux utilisée pour l’enduit, qui est trop liquide) ; paiements partiels dus à la lenteur du chantier12…
En août 1510, la première moitié de la voûte, du mur d’entrée jusqu’à la Création d’Ève, est achevée. Le 19 septembre 1510, Michel-Ange se résout à enlever son échafaudage pour que le pape, impatient, puisse contempler les grandes compositions occupant le milieu de la voûte13. Les travaux sont probablement achevés avant le , où Jules II préside les vêpres solennelles de la Toussaint avant de célébrer la messe dès le lendemain14.
Architecture et trompe-l’œil
La chapelle Sixtine mesure 40,5 mde long sur 14 mètres de large ; sa voûte s’élève à 20 mètres et déploie une surface de 1 000 m22. Son jeu complexe de voussures n’était pas censé recevoir une composition aussi élaborée.
La voûte se structure en six lunettes(ou demi-lunes) verticales, situées au-dessus des fenêtres latérales. Des pendentifs les séparent et définissent des intrados triangulaires et concaves au-dessus des lunettes. Au-dessus des pendentifs, la voûte se fait presque plate.
Sur cette base, Michel-Ange conçoit une architecture en trompe-l’œil qui servira de structure aux arcs de travertin rejoignant les pendentifs. En faisant courir deux corniches, l’une en haut des lunettes et l’autre à la pointe des intrados, il accentue la division de l’espace. Ce procédé traduit l’influence de Melozzo da Forlì.
Plan des éléments architecturaux.
Iconographie
Le thème iconographique de la chapelle Sixtine résume le salut de l’humanité, offert par Dieu en la personne de son fils Jésus. L’ancienne alliance, passée entre Dieu et le peuple d’Israël par l’entremise de Moïse, et la nouvelle alliance, passée entre Dieu et l’humanité tout entière à travers le Christ, sont représentées sur les murs latéraux de la chapelle. La partie centrale du plafond représente la Création, le Paradis terrestre puis la chute de l’humanité, Adam et Ève et le péché originel, qui rompt l’alliance entre Dieu et l’humanité. Entourant ce thème central, les prophètes et les sybillesrappellent constamment que Dieu n’a jamais abandonné les hommes, mais qu’il leur offre le salut. Tout autour est illustrée la lignée qui, d’Adam au roi David, mène à Jésus-Christ, sauveur de l’humanité : rappel du plan divin qui, dès l’expulsion du Paradis terrestre, inclut la possibilité du salut. Tel est, dans ses grandes lignes, le programme iconographique du plafond15.
Schéma des éléments iconographiques.
Mais il y a plus. Le Cinquecento se passionna pour l’humanisme, et pas plus Jules II que Michel-Ange ne sont étrangers à cette passion pour l’Homme. On peut voir, dans le David de Michel-Ange, le symbole de la république florentine, frondeuse, fragile, mais invaincue ; toutefois c’est aussi – et surtout – la représentation de l’avènement de l’Homme, faillible certes, mais indomptable face à la puissance spirituelle de l’Église et au pouvoir temporel d’une féodalité dont le déclin s’amorce alors. Cette vision humaniste n’est pas incompatible avec la doctrine de l’Église, qui considère l’Homme comme un être faillible et pécheur devant rechercher son salut. Les deux visions divergent quant à la voie de ce salut : pour la doctrine catholique, il n’est point de salut hors de l’Église, intermédiaire indispensable, alors que pour l’humanisme un contact direct avec Dieu s’avère possible.
Giacobbe Giusti, Michel-Ange: plafond de la chapelle Sixtine, Rome
Avec la Création d’Adam – scène centrale du plafond – Michel-Ange résume cet idéal humaniste d’un lien direct entre l’Homme et Dieu.
Neuf scènes de la Genèse
Le long de la partie centrale du plafond, Michel-Ange représente neuf scènes du livre de la Genèse, le premier livre de la bible. Les neuf compositions centrales se divisent en trois sections :
la première montre la création du monde (Dieu créant les cieux et la terre),
la seconde dépeint la création du premier homme et de la première femme, Adam et Ève ainsi que leur désobéissance à Dieu et l’expulsion consécutive du jardin d’Éden,
la troisième montre le sort de l’humanité et narre l’histoire de Noé.
Les tableaux ne sont pas dans un ordre strictement chronologique. S’ils sont perçus comme formant trois groupes, les tableaux, dans chacune des trois unités, renvoient vers un autre, comme c’était l’habitude dans les peintures médiévales et les vitraux . Les trois sections de la création, la chute et le destin de l’humanité apparaissent dans l’ordre inverse, lorsqu’il est regardé à partir de l’entrée de la chapelle. Cependant, chaque scène est à considérer en regardant vers l’autel. Cela n’est pas évident, lorsqu’on regarde une reproduction du plafond, mais ça devient clair lorsque l’observateur regarde vers le haut en direction de la voûte. Paoletti et Radke suggèrent que cette progression inversée symbolise un retour à un état de grâce. Cependant, les trois sections sont généralement décrites dans l’ordre de la chronologie biblique.
La création du monde représente successivement la séparation de la lumière et des ténèbres, la création des planètes (dont le Soleil, la Lune et la Terre), et la séparation des eaux d’avec la terre. Ces trois scènes, les premières dans l’ordre chronologique du récit biblique, ont été réalisées en dernier et s’avèrent les plus dynamiques. Vasari souligne, dans Le Vite, que « Michel-Ange dépeint Dieu séparant la lumière des ténèbres, le montrant dans toute Sa majesté, flottant avec ses bras ouverts en une révélation de Son amour et de Son pouvoir créateur. »
La section centrale montre, en trois images fortes, l’histoire d’Adam et Ève : la création d’Adam, celle d’Ève qui sort de la côte d’Adam endormi, et l’expulsion du paradis terrestre. Les contemporains de Michel-Ange ont immédiatement reconnu dans ces fresques un chef-d’œuvre ; Vasari écrit « c’est une figure [Adam] dont la beauté, la pose et les contours sont tels qu’ils semblent être issu de cet instant même où Dieu créa Adam et de la main du Créateur suprême lui-même plutôt que du dessin et de la brosse d’un mortel. »
Détail du visage de Dieu.
Les scènes, de l’autel vers la porte principale, sont ordonnées comme suit :
Les trois peintures de la création montrent des scènes du premier chapitre de la Genèse, qui relate que Dieu créé la terre et tout ce qui s’y trouve en six jours et se repose le septième jour. Dans la première scène, le premier jour de la création, Dieu crée la lumière et sépare la lumière des ténèbres16. Chronologiquement, la scène suivante se déroule dans le troisième panneau, qui traite du deuxième jour : Dieu sépare les eaux des cieux17. Dans le panneau central, le plus grand des trois, il y a deux représentations de Dieu. Le troisième jour, Dieu crée la terre et fait pousser les plantes. Le quatrième jour, Dieu met le soleil et la lune en place pour régir la nuit et le jour, l’heure et les saisons de l’année18. Selon la Genèse, le cinquième jour, Dieu créé les oiseaux, les poissons et les créatures des profondeurs, sans que cela ne soit présenté. La création des créatures terrestres, le sixième jour, n’y est pas présentée.
Adam et Eve
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L’histoire de Noé
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Les boucliers
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Douze voyants : sept prophètes et cinq sibylles
Giacobbe Giusti, Michel-Ange: plafond de la chapelle Sixtine, Rome
La sibylle lybique.
Les personnages les plus grands – donc les mieux mis en évidence – sont douze voyants : des prophèteset des sibylles choisis à dessein, car ils annoncèrent la venue du Christ. Sept prophètes d’Israël et cinq prophétesses du monde antique, assis sur des sièges dans des poses plus ou moins contorsionnées, sont identifiés par des cartouches portant leur nom latin, que soutiennent des putti.
Jonas (IONAS) est placé au-dessus de l’autel (et sur sa droite pour le spectateur). Puis sont successivement représentés Jérémie (HIEREMIAS), la sibylle persique (PERSICHA), Ézéchiel(EZECHIEL), la sibylle d’Érythrées (ERITHRAEA) et Joël (IOEL). Au-dessus de la porte d’entrée (et face à Jonas) se trouve Zacharie, qui a annoncé la venue du Messie et la conversion de nombreux peuples. À gauche se succèdent la sibylle delphique (DELPHICA), Isaïe(ESAIAS), la sibylle de Cumes(CVMAEA), Daniel (DANIEL) et, enfin, la sibylle lybique (LIBICA).
Ignudi
L’un des 20 ignudi.
Vingt ignudi19, personnifiés par de jeunes hommes athlétiques, sont placés aux coins des scènes centrales. Ils portent divers objets ou s’en entourent, tels un ruban rose, une guirlande de glands20, un coussin vert…
Si l’on considère le déroulement chronologique de la composition (Michel-Ange commence, au-dessus de l’autel, par l’histoire de Noé et continue vers la porte d’entrée), on ne peut qu’être frappé par la liberté progressive dans la pose des ignudi : tout d’abord sagement et symétriquement assis de part et d’autre de la scène qu’ils encadrent, ils s’animent de plus en plus pour devenir presque dansants… Ils démontrent, de manière éclatante, la puissance créatrice de l’artiste.
Dans un cadre aussi religieux, à l’iconographie soigneusement choisie, le moins qu’on peut dire est qu’ils détonnent. Ils suscitèrent jadis la réprobation. Le pape Adrien VIsouhaitait même leur destruction, n’y voyant qu’« un pot-au-feu de corps nus » au plafond…
Selon la Bible, les séraphins et les chérubins sont des créatures ailées, mais les anges, dépourvus d’ailes, ont une apparence humaine. Le Jugement dernier, au-dessus de l’autel, comporte quarante personnages nus qui, portant la croix, sonnant de la trompette ou appelant les morts à la résurrection, ne peuvent qu’être des anges. Certains21 en ont conclu que les ignudi sont, eux aussi, bel et bien des anges. Ils seraient donc des messagers divins, omniprésents, mais impavides face au destin de l’humanité, et participeraient pleinement au programme iconographique.
Lunettes et pendentifs
Dans les lunettes, les ancêtres de Jésus-Christ sont représentés de part et d’autre des fenêtres, surmontées d’un panonceau qui porte leur nom. L’ensemble est un peu désordonné : certaines lunettes comportent un ancêtre, d’autre deux, certaines trois – voire quatre ; de plus, leur succession est loin de suivre un ordre chronologique.
En raison du contre-jour et de leur emplacement ingrat autour des fenêtres, qui les exposait à la pollution urbaine, ces fresques étaient les plus sales, mais aussi les plus méconnues et les moins appréciées. La restauration des années 1980 a révélé leur beauté.
Références anatomiques
Plusieurs auteurs ont suggéré que Michel-Ange a représenté, dans la Création d’Adam ou la Séparation de la lumière et des ténèbres, des détails anatomiques relatifs au cerveau, voire à l’utérus humain (voir l’article La Création d’Adam).
Chute et expulsion d’Adam et Ève
du paradis terrestre.
États avant (à gauche) et après (à droite) restauration.
Une restauration générale de la chapelle Sixtine a lieu de 1981 à 1989. Elle est financée par la Nippon Television, en échange de droits sur les images. Les tonalités, assombries (voire dénaturées) par les fumées d’encens, le suif des chandelles, la pollution atmosphérique (en particulier au-dessus des fenêtres, souvent ouvertes pour aérer) et le passage du temps, avaient valu à Michel-Ange le surnom – manifestement non justifié – de « terrible souverain de l’ombre ». À leur place sont apparues d’étonnantes couleurs, tour à tour pastel ou acides, critiquées par certains mais pourtant typiques du maniérisme. Jadis dissimulée par l’encrassement, la technique du cangiante, utilisée par Michel-Ange pour traduire la diaprure de certains vêtements, se trouve aujourd’hui pleinement mise en évidence.
L’instabilité du bâtiment ayant provoqué des crevasses dans les fresques, une opération de comblement s’est avérée nécessaire pour rétablir leur visibilité. Il a aussi fallu remédier aux effets des restaurations antérieures. Pour supprimer le blanchiment dû à la salinisation, on avait jadis appliqué une couche de graisse animale et végétale. Celle-ci avait certes rendu les sels transparents mais elle constituait un dépôt collant, qui avait attiré poussière et saleté.
Le bien-fondé de cette restauration a donné lieu à polémique. En effet, si le nettoyage a permis d’enlever les dépôts carboniques (de suif notamment) accumulés au cours des siècles, il a aussi supprimé les ombres ajoutées au noir de charbon par Michel-Ange lui-même, en surface de la fresque.
↑Pluriel de l’italien ignudo(« nus »). Le vocabulaire artistique parle d’« académie » pour une représentation dessinée d’un homme nu et de kouros pour une sculpture d’un jeune homme nu. Un « nu » décrit pour sa part, le plus souvent, la représentation d’une femme dénudée.
↑Les glands rappellent le blason des Della Rovere et de Jules II, le commanditaire du plafond.
↑George L. Hersey, High Renaissance Art in St. Peter’s and the Vatican, University of Chicago Press, (1993) (ISBN0226327825)
La citation du philosophe grec Protagoras, « L’homme est la mesure de toutes choses », et l’Homme de Vitruve, dessin de Léonard de Vinci (fin XVe), sont les symboles les plus connus de la pensée humaniste.
Giacobbe Giusti, Humanisme
Penseurs les plus traduits et étudiés par les humanistes de la Renaissance, Platon et Aristotesont représentés par Raphael en 1510 au Vatican : respectivement sous les traits de Léonard de Vinci et ceux de Michel-Ange.
Durant l’Antiquité, Grecs et Romains représentent leurs dieux sous des apparences humaines réalistes. Ici, une statue romaine représentant le dieu Apollon (IIe s av. J.-C.).
Giacobbe Giusti, Humanisme
Marcus Tullius Cicero, by Bertel Thorvaldsen as copy from roman original, in Thorvaldsens Museum, Copenhagen
Durant l’Antiquité, Grecs et Romains représentent leurs dieux sous des apparences humaines réalistes.
Ici, une statue romaine représentant le dieu Apollon (IIe s av. J.-C.).
La citation du philosophe grec Protagoras, « L’homme est la mesure de toutes choses », et l’Homme de Vitruve, dessin de Léonard de Vinci (fin XVe), sont les symboles les plus connus de la pensée humaniste.
Giacobbe Giusti, Humanisme
Allégorie de l’humanisme des Lumières, au xviiie siècle, le frontispice de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. La Philosophie et la Raison arrachent le voile de la Vérité. À leurs pieds : l’Histoire, l’Astronomie, l’Optique, la Géométrie et différentes sciences.
Gravure de Benoît-Louis Prévostd’après Charles-Nicolas Cochin, 175
Créé à la fin du xviiie siècle et popularisé au début du xixe siècle1, le terme « humanisme » a d’abord et pendant longtemps désigné exclusivement un mouvement culturel prenant naissance au xive siècle en Italie puis se développant dans le reste de l’Europe. Moment de transition du Moyen Âge aux Temps modernes, ce mouvement est tout entier porté par l’esprit de laïcité qui se manifeste alors, point de départ d’une crise de confiance profonde qui affecte l’Église catholique, donc toute la chrétienté.
Les penseurs de la Renaissance se réclamant d’une part des philosophes antiques, n’abjurant pas d’autre part leur foi chrétienne, le mot « humanisme » a fini par désigner un ensemble de valeursconsidérées comme plus ou moins communes à l’ensemble de l’Occident depuis le judéo-christianisme2 et l’Antiquité gréco-romaine et indissociablement liées à l’idéologie du progrès3.
Dans la neuvième édition de leur Dictionnaire (2011), les académiciens définissent ainsi le mot : « doctrine, attitude philosophique, mouvement de pensée qui prend l’Homme pour fin et valeur suprême, qui vise à l’épanouissement de la personne humaine et au respect de sa dignité ».
Le Larousse donne quant à lui cette double définition : « 1) philosophie qui place l’homme et les valeurs humaines au-dessus de toutes les autres valeurs. 2) Mouvement intellectuel qui s’épanouit surtout dans l’Europe du xvie siècle et qui tire ses méthodes et sa philosophie de l’étude des textes antiques ».
Le mot « humanisme » découle des mots homme, humain et humanité qui ont eux-mêmes des origines latines : homo, humanus, humanitas.
À la fin du Moyen Âge, les esprits érudits utilisent la formule studia humanitatis pour désigner l’étude de « ce qui caractérise l’être humain », puis l’expression litterae humaniores(que l’on peut traduire par « enseignements profanes ») pour distinguer ceux-ci des litterae divinae et sacrae (« enseignements divins et sacrés », relatifs aux Saintes Écritures, donc de caractère théologique, tels que répandus par la scolastique).
Lorsque le français supplante le latin en tant que langue usuelle apparaît le terme humanités, pour désigner les collèges dispensant l’enseignement des arts libéraux.
Selon certaines sources, l’adjectif « humaniste » est attesté en 15394mais selon d’autres, il ne l’est qu’à la fin du xvie siècle, pour désigner tout homme « érudit et lettré », attaché aux humanités5.
En 1580, dans ses Essais, Montaigne utilise à trois reprises le mot « inhumain », notamment pour stigmatiser les jeux du cirque dans la Rome impériale et pour dénoncer la barbarie de la déportation des Juifs du Portugal6.
Le mot « humanisme » n’apparaît qu’en 1765, dans le journal Éphémérides du citoyen7 et signifie « amour de l’humanité ». Il reste toutefois inusité pendant plusieurs décennies car il est concurrencé par le mot « philanthropie », lui-même attesté à partir de 1551 et explicitement défini dans L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Le Dictionnaire de l’Académie française (4e édition en 1762 ; 5e en 1798) définit d’ailleurs l’humanisme comme le « caractère du philanthrope »5.
En 1846, P.-J. Proudhonconfère au mot « humanisme » un sens philosophique.
En 1808, le théologien allemand Niethammer généralise le terme « humanisme » dans un ouvrage intitulé Der Streit des Philanthropinismus und des Humanismus in der Theorie des Erziehungs-Unterrichts unsrer Zeit(« Le débat entre le philanthropisme et l’humanisme dans la théorie éducative actuelle »), en réaction précisément au concept de philanthropie. Aussitôt, Hegel félicite Niethammer d’avoir opéré la distinction d’avec le terme « philanthropie »8.
Le mot « humanitaire » apparaît dans les années 1830 : il est alors principalement utilisé dans un sens ironique, voire péjoratif9. « Humanitaire veut dire homme croyant à la perfectibilité du genre humain et travaillant de son mieux, pour sa quote-part, au perfectionnement dudit genre humain », ironise le poète Alfred de Musset en 183610 ; Gustave Flaubert se moque de l’« humanitarisme nuageux » de Lamartine en 18419.
En 1846, dans Philosophie de la misère [archive], Proudhon donne pour la première fois au mot « humanisme » un sens philosophique (« doctrine qui prend pour fin la personne humaine ») mais pour critiquer la valeur du terme : « je regrette de le dire, car je sens qu’une telle déclaration me sépare de la partie la plus intelligente du socialisme. Il m’est impossible (…) de souscrire à cette déification de notre espèce, qui n’est au fond, chez les nouveaux athées, qu’un dernier écho des terreurs religieuses ; qui, sous le nom d’humanisme réhabilitant et consacrant le mysticisme, ramène dans la science le préjugé »11. À la même époque, Marx rejoint les positions de Proudhon mais sans utiliser le terme. Comme lui, il conteste l’intérêt de se focaliser sur la nature humaine (ou « essence de l’homme ») et pointe en revanche la nécessité de s’interroger sur sa condition, consécutivement au processus d’industrialisation qui se développe alors. Sous son influence, le terme « humanisme » va donc changer progressivement de sens (lire infra).
A la fin du xixe siècle, les théories de Darwin (ici caricaturé par un journal malveillant) bouleversent le sens du mot « humanisme ».
En 1874, la Revue critique définit le mot ainsi : « théorie philosophique qui rattache les développements historiques de l’humanité à l’humanité elle-même »12 mais, la plupart du temps, l’approche philosophique n’est guère relayée ensuite et le terme est de plus en plus être réduit à l’humanisme de la Renaissance. Ainsi en 1877, le Littréle définit comme « la culture des belles-lettres, des humanités » tandis que, la même année, la Revue des deux mondes lui donne le sens de « mouvement intellectuel européen des xve et xvie siècles qui préconisait un retour aux sources antiques par opposition à la scolastique [la tradition universitaire médiévale, méprisée pour son dogmatisme] ». La plupart des ouvrages de vulgarisation ne retiennent aujourd’hui que cette approche du terme.
À la fin du xixe siècle, le développement de la pressecontribue à ce que le concept d’humanité n’interpelle plus seulement les intellectuels mais un nombre croissant d’individus. Les journaux rendant compte aussi bien des théories darwiniennes que d’événements survenant dans le monde entier, le sens du mot « humanisme » se trouve progressivement mais profondément infléchi dans une visée historiciste et matérialiste. En 1882, le supplément du Littré donne au mot une double acception : « 1) la culture des humanités ; 2) une théorie philosophique qui rattache les développements historiques de l’humanité à l’humanité elle-même ».
Au début du xxe siècle, le mot « humanité » entre dans le langage courant (en 1904, Jean Jaurèsfonde le journal L’Humanité), le mot « humanisme » se répand également, associé non plus à une théorie débattue par quelques philosophes mais à un sentiment diffus.
En 1939, dans la lignée du saint-simonisme, l’ingénieur français Jean Coutrot invente le terme « transhumanisme » pour promouvoir une économie rationnelle de l’économie14. Ce mot sera brièvement repris à la fin des années 1950 et son usage ne se généralisera qu’à la fin du xxe siècle.
Le terme « antihumanisme » apparaît en 1936 dans un ouvrage du philosophe Jacques Maritainpour désigner les penseurs qui, durant la seconde moitié du xixe siècle et au début du xxe, ont radicalement remis en question la validité du concept d’humanisme (principalement Marx, Nietzsche et Freud)15. Et quand, peu après, les philosophes Sartre et Heideggerdébattent eux aussi de la pertinence du concept, un grand nombre d’intellectuels – aussi bien chrétiensqu’athées – se réclament de l’humanisme (lire infra), ce qui contribue à rendre le concept assez flou.
En 1957, Julian Huxley, biologiste et théoricien de l’eugénismeanglais, forge l’expression « humanisme évolutionnaire » et reprend le mot « transhumanisme ». Il définit le « transhumain » comme un « homme qui reste un homme, mais qui se transcende lui-même en déployant de nouvelles possibilités pour sa nature humaine »16. Le concept du « transhumanisme » sera repris dans les années 1980 par plusieurs techniciens de la Silicon Valley pour prôner un nouveau type d’humanité, où la technique serait utilisée non seulement pour remédier aux maladies (médecine) mais pour doter l’homme de capacités dont la nature ne l’a pas pourvues (concept d’ homme augmenté). Par son caractère technophile, le transhumanisme est une philosophie ouvertement optimiste.
En 1980, l’écrivain suisse Freddy Klopfenstein invente le mot « humanitude »17. En 1987, le généticien Albert Jacquard le reprend et le définit comme étant « les cadeaux que les hommes se sont faits les uns aux autres depuis qu’ils ont conscience d’être, et qu’ils peuvent se faire encore en un enrichissement sans limites »18.
En 1999, Francis Fukuyama et Peter Sloterdijk développent les concepts « post-humanité » et « post-humanisme » (qui, comme « transhumanisme », renvoie à l’idée que, du fait de la prolifération des « technologies », les concepts d’humanisme et d’homme ne sont plus pertinents), mais cette fois pour s’en inquiéter19,20,21.
Au xxie siècle, les néologismes« transhumanisme » et « post-humanisme » restent peu usités dans le langage courant. En revanche, bien que peu d’intellectuels s’en réclament, le concept d’humanisme donne lieu à de nombreuses publications (lire infra), le succès du mot croît en proportion avec celui des actions d’aide humanitaire. Il inonde la sphère politique, au point d’être revendiqué dans des milieux idéologiquement opposés, aussi bien par des grands chefs d’entreprises s’affichant chrétiens22que par des opposants au système capitaliste se réclamant de l’athéisme23.
À tel point que le terme est aujourd’hui un mot fourre-tout : on trouve ainsi des auteurs pour avancer que Sylvester Stallone(acteur hollywoodien et adepte du body building) est un humaniste24. Le philosophe Philippe Lacoue-Labarthe va même jusqu’à argumenter que « le nazisme est un humanisme »25. Dans ce contexte de dilution de sens du mot, et dans le but de réactualiser celui-ci, quelques intellectuels tentent d’imposer des néologismes. En 2001, Michel Serres utilise le mot « hominescence »26, « pour désigner ce que vit l’humanité depuis la seconde moitié du xxe siècle : un changement majeur dans notre rapport au temps et à la mort »27. Et en 2016, le prospectiviste français Joël de Rosnay prédit l’émergence d’un hyperhumanisme, « bien préférable selon lui au cauchemar transhumaniste »28.
Les origines de l’humanisme
Considérés comme les premiers propagateurs de la pensée humaniste, les philosophes de la Renaissance (Dante, Pétrarque… puis Marsile Ficin, Pic de la Mirandole et plus tard Montaigne) n’en sont pas pour autant les initiateurs car ils se sont systématiquement référé aux penseurs grecs et romains et n’ont eu de cesse d’en faire l’éloge. Et bien qu’ayant ostensiblement tourné le dos à la pensée scolastiqueérigée par l’Église, ils n’ont jamais renié leur foi chrétienne. C’est pourquoi l’on peut considérer que « la matrice de l’humanisme occidental est double, comme s'(il) avait été enfanté simultanément dans deux ventres » : il y a d’une part l’Antiquité classique, d’autre part le judéo-christianisme29.
Symbole du judaïsme, l’étoile de David, est composée de deux triangles superposés, l’un pointé vers le haut, l’autre vers le bas, évoquant respectivement l’aspiration de l’homme vers Dieu et l’amour de Dieu pour l’homme.
La religion juive trouve son origine au viiie siècle av. J.-C. avec le début de la rédaction du Livre de la Genèse (qui se poursuit jusqu’au iiesiècle av. J.-C.), qui est un récit des originesmythique commençant par celui de la création du monde par Dieu, et par un autre, qui relate la création du premier couple humain, Adam et Ève. Ce récit confère à l’être humain un rôle explicitement supérieur par rapport aux autres espèces, principalement du fait des capacités de sa conscience et du degré de complexité de son langage. L’épisode de l’arbre de la connaissance du bien et du malattribue aux humains une prérogative, la réflexion éthique, et confère à celle-ci une explication précise : l’homme et la femme vivaient dans le jardin d’Éden et Dieu leur avait formellement défendu de manger les fruits de cet arbre ; c’est parce qu’ils lui ont désobéi qu’est née l’humanité et que celle-ci s’est retrouvée de facto empêtrée dans un ensemble de contradictions, qu’elle a ressentie alors comme une imperfection fondamentale : le péché. Selon le judaïsme, donc, la conscience (d’être humain) résulte fondamentalement d’une transgression de la loi divine : la Chute.
Abdennour Bidar fait remarquer qu’il est « apparemment contradictoire » de présenter le monothéismecomme matrice de l’humanisme : « A priori, le principe même du monothéisme semble incompatible avec l’exaltation de l’homme qui fonde tout humanisme ; s’il y a un seul Dieu, il concentre nécessairement en lui-même toutes les qualités, toutes les perfections… et il ne reste pour l’homme que les miettes d’être, des résidus de capacités sans commune mesure avec leur concentration et leur intensité dans le Dieu. Trop de grandeur accordée à Dieu, toute la puissance et la sagesse concentrées en (lui), n’écrasent-ils pas radicalement et définitivement l’être humain ? »30.
Le philosophe Shmuel Triganosouligne à son tour la contradiction : « Comment une croyance focalisée sur un être suprême et unique pourrait-elle s’ouvrir à la reconnaissance d’un autre être, en l’occurrence l’homme ? C’est en posant cette question, en apparence insoluble (…) que l’on a dénié, le plus souvent, toute capacité au monothéisme d’être aussi un humanisme, d’engendrer un monde fait pour l’homme ». Trigano répond alors lui-même à cette question, en se livrant à une analyse du mythebiblique de la création, tel que formulé dans le Livre de la Genèse : « Ce que l’on comprend dans le récit de la création en six jours, (c’est que) le Dieu créateur s’arrête de créer le sixième jour, le jour précisément où il crée l’homme, comme si s’ouvraient alors le temps et l’espace de l’homme, d’où la divinité se serait retirée. (…) Que peut alors signifier cette création qui s’arrête au moment où l’homme est créé ? Que l’homme est l’apothéose de cette création, certes (…) mais aussi que le monde reste inachevé dès le moment où l’homme y apparaît (…). Il y a (donc) l’idée que la création est désormais autant dans les mains de l’homme que (dans celles) du dieu créateur »31.
S’appuyant sur les travaux de C. G. Jung (Réponse à Job(en), 195232), Bidar estime que le texte qui lui paraît le plus significatif de l’orientation humaniste du monothéisme juif est le Livre de Job, au cours duquel un humain (Job) tient tête à Dieu lors d’un long dialogue avec lui et parvient, ce faisant, à ce que Dieu lui-même se métamorphose en devenant plus aimant à l’égard de l’homme »33.
Le christianisme
Bidar avance l’idée qu’avec le christianisme, Dieu lui-même devient « humaniste » : « le Dieu s’humanise en un double sens : il devient homme en s’incarnant, humain en se sacrifiant, comme une mère le fera avec son enfant (…). Dans quelle autre religion le dieu se sacrifie-t-il pour l’homme ? »34.
Mais que disent les sources elles-mêmes ? À ses disciples qui lui demandent de formuler clairement son message, Jésus de Nazarethrépond : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : tu aimeras ton prochain comme toi-même »35. Mais quand, peu avant, il leur recommande de « rendre à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César »36, il les invite au contraire à séparer le registre divin et le registre des humains. De même, quand Paul de Tarse, fondateur historique du christianisme, exhorte : « ne vous conformez pas au siècle présent »37, il entend que le chrétien doit s’immerger dans le monde sans jamais en partager les valeurs. Dès les premiers siècles, les Pères de l’Église combattront ceux qui remettront en cause, par delà « le mystère de l’incarnation », ce que celui-ci recouvre, le caractère indissociable des commandements : aimer Dieu, aimer son prochain, s’aimer soi-même.
Les rapports entre christianisme et humanisme sont complexes du fait de la diversité des interprétations de la formule « aimer son prochain ». De la Renaissance au xxe siècle, bon nombre de penseurs ont été classés « humanistes » et « chrétiens »38, ce qui pose la question : « le christianisme est-il un humanisme ? »39. À cette question, ceux qui – peu ou prou – assimilent « le prochain » (personne concrète) et « les humains » (entité abstraite) ont tendance à répondre par l’affirmative40 ; ceux qui, au contraire, tiennent à établir une différence répondent négativement41, allant jusqu’à reprocher à leurs adversaires de transformer le christianisme « en un lénifiant humanisme philanthropique », « de la soupe compassionnelle », du « bon sentiment dégoulinant d’empathie »42. En 1919, le philosophe Max Scheler qualifiait quant à lui l’« humanisme chrétien » d’humanitarisme : « L’humanitarisme remplace, « le prochain » et « l’individu » (qui seuls expriment vraiment la personnalité profonde de l’homme) par « l’humanité » (…). Il est significatif que la langue chrétienne ignore l’amour de l’humanité. Sa notion fondamentale est l’amour du prochain. L’humanitarisme moderne ne vise directement ni la personne ni certains actes spirituels déterminés (…), ni même cet être visible qu’est « le prochain » ; il ne vise que la somme des individus humains »43.
Le théologien protestant Jacques Ellul interprète ce clivage entre pro- et anti-humanistes en milieu chrétien comme la conséquence d’un événement survenu au début du ive siècle. Jusqu’alors, l’Empire romain faisait preuve de tolérance à l’égard de toutes les positions religieuses, sauf précisément envers les chrétiens, qu’il persécutait (du fait que, fidèles à l’enseignement du Christ, ceux-ci ne voulaient pas prêter allégeance à l’empereur). Mais en 313, l’empereur Constantins’est converti au christianisme (édit de Milan) pour affirmer son autorité dans le domaine religieux (césaropapisme) : dès lors qu’il a demandé aux évêques de devenir ses fonctionnaires et que ceux-ci y ont consenti, le christianisme est devenu une religion d’État et s’est retrouvé subverti par lui44,45. L’humanisme de la Renaissance ne s’oppose donc pas au christianisme mais il résulte de la politisation de celui-ci ; laquelle provoque à son tour la division des chrétiens entre les « pro-humanistes », qui acceptent l’immixtion de l’Église dans les affaires temporelles (ou simplement le fait qu’elle émette des avis à leur sujet) et les « anti-humanistes », qui refusent cette intrication.
L’Antiquité grecque
S’appuyant sur les travaux de Marcel Détienne et Jean-Pierre Vernant46, A. Bidar, estime qu’Homère constitue au viiie siècle av. J.-C. la première grande figure de l’humanisme antique, son personnage d’Ulysse« symbolisant le mieux l’intelligence en mouvement, l’infinie capacité d’adaptation »47. Mais, comme la plupart des commentateurs, il situe au ve siècle av. J.-C. l’acte de naissance de l’humanisme grec, citant les trois grands auteurs tragiques de l’époque, Eschyle, Sophocle et Euripide, qui « célèbrent la grandeur de l’homme dans l’impuissance comme dans la puissance »48.
Une idée répandue tend à faire du sophiste Protagoras le principal initiateur de l’humanisme grec, en raison d’une de ses citations désormais célèbre : « L’homme est la mesure de toute chose ». L’historien de l’art Thomas Golsenne relativise toutefois la portée de celle-ci, faisant valoir d’une part qu’on ne la connaît que par Platon ; d’autre part que, contrairement à ce que bon nombre de manuels scolaires laissent entendre, « les têtes pensantes de la Renaissance n’y font pas référence »49.
Bidar s’attarde surtout sur Socrate, dont la pensée est centrée sur l’être humain, à la différence de celle des penseurs présocratiques qui, eux, se focalisaient sur la nature. N’ayant laissé aucune trace écrite, Socrate est essentiellement connu par Platon, son principal disciple. Il prend pour sienne la sentence écrite sur le fronton du temple d’Apollon à Delphes « Connais-toi toi-même » ; formule se référant non pas à l’introspection mais avec la place de l’homme dans la cité et dans la nature. Il exerce une influence majeure du fait qu’il use d’une méthode basée sur l’argumentation : il pratique la maïeutique (ou « art d’accoucher ») en interrogeant ses interlocuteurs de sorte qu’au fil du dialogue ceux-ci prennent conscience des motivations de leurs propos, quitte entre-temps à les faire changer d’avis. De la sorte, il démontre la puissance de la raison(logos), sans avoir à recourir aux artifices de la rhétorique à l’inverse des sophistes.
Penseurs les plus traduits et étudiés par les humanistes de la Renaissance, Platon et Aristotesont représentés par Raphael en 1510 au Vatican : respectivement sous les traits de Léonard de Vinciet ceux de Michel-Ange.
Dans sa théorie des Idées, Platon affirme que les concepts et notionsexistent réellement, sont immuables et universels et constituent les « modèles » des choses, qui sont perçues par les sens. La philosophie dépendant en tout premier lieu de présupposés psychologiques50, en postulant que les idées « existent réellement », Platon projette son propre intellect dans un univers transcendant : son idéalisme revient à considérer qu’en concevant les idées, les humains peuvent ne pas se laisser impressionner par le monde sensible et, en revanche, être à même de le comprendre. Ce qu’il entend par « idées » préfigure ce que les modernes entendront plus tard par « raison »51. Au xxe siècle, Martin Heideggeravancera qu’en considérant l’entendement comme « le lieu de la vérité », Platon est un humaniste avant la lettre52.
Élève de Platon, Aristote rompt avec son enseignement. Alors que son maître ne considère le monde sensible qu’avec une certaine condescendance, lui manifeste une soif de tout apprendre, d’où son éclectisme : il aborde en effet presque tous les domaines de connaissance de son temps : biologie, physique, métaphysique, logique, poétique, politique, rhétorique et même, de façon ponctuelle l’économie.
L’opposition entre l’idéalisme de Platon et le réalisme d’Aristote s’accentue à la charnière des ive et iiie siècles av. J.-C. avec l’apparition de deux mouvements de pensée qui marqueront – eux aussi – les humanistes de la Renaissance et que l’on appellera plus tard l’épicurisme et le stoïcisme :
« Il semble qu’après Platon, et dès Arisote, la philosophie a eu du mal à continuer à parler des capacités métaphysiques de l’homme. (…) L’humanisme antique serait passé d’une enfance métaphysique et de ses rêves d’immortalité à une maturité stoïcienne et épicurienne, où l’on ne tente plus vainement de penser (…) au delà de la mort mais où on s’efforce bien plus modestement de vivre cette vie de façon plus accomplie. »
— Abdennour Bidar, Histoire de l’humanisme en Occident, Armand Colin, 2014, p.125.
Tous comme les penseurs grecs, leurs successeurs romains dégagent une vision de l’homme à deux volets, l’une idéaliste, axée sur la valorisation des vertus, l’autre réaliste, qui souligne les caractères communs, voire triviaux, des individus. Comme en Grèce, le théâtre autant que la philosophie expriment cette dualité. Mais alors que la comédie grecque antique est moins connue que la tragédie, les auteurs comiques romains vont marquer sensiblement les penseurs de la fin de Renaissance. Plaute (à la charnière du iiie et du iie siècle av. J.-C.) et surtout Terencey excellent. Le second, à qui l’on doit la citation « rien de ce qui est humain ne m’est étranger », influencera profondément la comédie humaniste au xvie siècle.
Actif au ier siècle av. J.-C., Cicéronsera admiré par les humanistes de la Renaissance, non seulement car il incarne à lui seul un grand nombre de vertus (dignité, sens de la chose publique et de l’intérêt général) mais aussi parce que, grâce à sa ténacité et ses talents d’élocution, il les concrétise dans la vie politique. Bien que n’appartenant pas à la noblesse et alors que rien ne le destinait par conséquent à la vie politique, il est parvenu à exercer la magistrature suprême durant cinq ans tout en se montrant réceptif aux grands philosophes grecs. On lui doit d’avoir forgé le terme humanitas et de l’avoir associé à l’idée de culture53.
De même, un certain nombre de poètes de cette époque ont valeur de modèles, notamment Virgile et Ovide : le premier, dans L’Énéide, raconte comment, à partir de presque rien, Rome s’est élevée jusqu’à devenir un empire; le second, dans les Métamorphosesinvite le lecteur à s’inscrire dans l’Histoire, depuis la création du monde jusqu’à sa propre époque.
Les humanistes de la Renaissance seront marqués par l’aptitude des penseurs romains à approcher l’histoire non seulement par le biais de la fiction mais également de façon détachée, comme Tite-Live, auteur de la monumentale Histoire romaine, et plus tard Tacite. Ils prennent également pour modèles les philosophes s’attachant à développer leur réflexion sur l’homme lui-même et sa façon d’appréhender le monde et lui-même. D’une part les stoïciens des ier et iie siècles, Sénèque, Épictèteou Marc Aurèle mais aussi les héritiers de Platon : Plutarque, au ier siècle, et surtout le néo-platonicienPlotin, au iiie.
Dernier legs de l’antiquité romaine à l’Occident médiéval et moderne, et non le moindre : le sens de l’exégèse. Au début du vie siècle, alors que la chrétienté se structure, Boèce traduit Platon et Aristote en latin avec la volonté affirmée de les réactualiser. Oubliés près sa mort, ses textes seront redécouverts à la fin du viiie siècle.
Le Moyen Âge
Plus de mille ans séparent l’Antiquité de sa « renaissance », plus précisément le moment où le christianisme devient officiellement la religion de l’Orient et de l’Occident, au iiie siècle, et celui où les premiers « intellectuels » expriment l’intention de se dégager explicitement de son emprise (Discours de la dignité de l’homme, Pic de la Mirandole, 1486).
L’historienne Laure Verdon invite toutefois à rejeter l’idée reçue selon laquelle toute la phase intermédiaire, le Moyen Âge, serait une période « obscure » :
« Le terme « humanisme » renvoie, dans la pensée commune, à une culture, celle des hommes du xvie siècle, culture qui s’opposerait dans ses fondements mêmes et son esprit, à la culture du Moyen-Âge. C’est là l’un des éléments qui ont contribué à forger l’image sombre de la période médiévale. Cette définition est à la fois restrictive et manichéenne. L’humanisme est autant qu’une culture, une pratique politique et une façon de concevoir le gouvernement qui privilégie le rôle des conseillers lettrés auprès du prince et s’oppose au mode ancien du pouvoir. En ce sens, le premier humanisme politique est pleinement médiéval, conséquence logique de l’évolution des structures de l’Étatau xvie siècle54. »
De surcroît, durant toute cette période, de nombreux docteurs et hommes d’église se montrent extrêmement ouverts aux sciences et à la philosophie. Tels par exemple Gerbert d’Aurillac (élu pape autour de l’an mille mais qui était également un mathématicien et un érudit, connaissant Virgile, Cicéronet Boèce ainsi que les traductions latines d’Aristote) et Albert le Grand(actif au xiiie siècle, frère dominicain, philosophe et théologien mais aussi naturaliste et chimiste).
Saint Augustin, imaginé vers 1480 par le peintre florentin Sandro Botticelli.
On mentionnera ici deux personnalités parmi les plus influentes, ayant vécu l’une au tout début de cette longue période, à la charnière du ive et ve siècles, donc peu avant la chute de l’Empire romain : Augustin d’Hippone ; l’autre tout à la fin : Thomas d’Aquin, disciple d’Albert Le Grand, au xiiie siècle.
S’opposant au moine Pélage, qui considère que tout chrétien peut atteindre la sainteté par ses propres forces et son libre arbitre, Augustin(354-430) valorise le rôle de la grâce divine. Toutefois, comme Ambroise de Milan, il intègre au christianisme une partie de l’héritage gréco-romain, le néoplatonismeainsi qu’une part substantielle de la tradition de la République romaine. La postérité conserve de lui l’image d’un homme érudit55,56 et s’adressant à toutes les époques, aussi bien à Dante, Pétrarque, Thomas d’Aquin, Luther, Pascal et Kierkegaard… qu’à Heidegger, Arendt, Joyce, Camus, Derrida ou Lyotard (qui, tous, le commenteront)57, cette audience étant due en grande partie au succès de ses Confessions, une longue et rigoureuse autobiographie, l’un des premiers ouvrages du genre.
Durant les huit siècles qui séparent Augustin de Thomas, l’Église se métamorphose au point que l’on ne peut comprendre les débats d’idées qui les jalonnent qu’à la lumière de l’évolution du contexte historique. Après la fin de l’Empire romain, en 476, l’Église s’avère la seule puissance capable d’affronter la « barbarie » et de structurer l’Europe. À la fin du vie siècle, le pape Grégoire le Grand administre les propriétés foncières de l’Église, celle-ci exerce un véritable pouvoir temporel, la quasi totalité des souverains lui prêtant allégeance. L’Europe tout entière est évangélisée, l’unité religieuse est atteinte au viie siècle mais prend fin au xie siècle avec la séparation de l’Église d’Occident et celle d’Orient. La terre constituant la principale source de revenu, l’Église d’Occident, dirigée depuis Rome, devient extrêmement riche, son pouvoir est marqué par la construction d’un grand nombre d’édifices (églises puis cathédrales…) et le financement de croisades visant à libérer Jérusalem de l’emprise des Turcs. Stimulée au xie siècle par la réforme grégorienneet l’émergence d’une classe d’intellectuels manifestant un certain intérêt pour la culture antique (notamment l’École de Chartres), la chrétienté vit, au siècle suivant, une profonde mutation de ses structures culturelles marquée par une intense activité de traduction des auteurs arabes et grecs (par l’intermédiaire des traducteurs arabes). Se développe alors la scolastique, un courant de pensée visant peu à peu à concilier la philosophie grecque avec la théologie chrétienne.
Au début du xiiie siècle, l’Église est une vaste organisation supranationale, influençant sensiblement les élections impériales et fixant le code de conduite de tous les Européens (sauf les Juifs), allant jusqu’à condamner pour hérésie ceux qui contestent son autorité et instituant l’inquisition pour conduire les plus radicaux au supplice et à la mort.
Également pour assurer son impact sur les consciences, et alors que sont traduits de l’arabe les commentaires d’Aristote par Averroès, l’Église crée l’Université de Paris. Sous l’impulsion d’Albert le Grand, celle-ci devient dans les années 1240 un véritable foyer de la pensée d’Aristote. Les débats portent sur une question sensible : « comment articuler la raison et la foi ? ». Suivant la ligne d’Averroès, Siger de Brabant prône pour la suprématie totale de la première sur la seconde. À l’opposé, Thomas d’Aquin (1224-1274) opère une synthèse magistrale entre aristotélisme et augustinisme, entre sciences, philosophie et théologie (Somme contre les Gentils, vers 1260). En le canonisant, cinquante ans après sa mort, l’Église lèvera le tabou sur Aristote, laissant alors le champ libre à ceux qui, pleinement conscients de participer à l’émergence d’un monde nouveau, guidé par la raison, seront rapidement et unanimement désignés d’humanistes. Certains considèrent donc que Thomas d’Aquin en est le précurseur direct58,59 :
« C’est parce qu’il est par excellence un philosophe de l’existence que Saint Thomas est un penseur incomparablement humain et le philosophe par excellence de l’humanisme chrétien. L’humain est en effet caché dans l’existence. A mesure qu’il se dégageait des influence platonicienne, le Moyen-âge chrétien a de mieux en mieux compris qu’un homme n’est pas une idée, c’est une personne (…). L’homme est au cœur de l’existence. »
— Jacques Maritain, L’humanisme de Saint-Thomas, 1941
Maritain oppose toutefois radicalement le mouvement de la scolastique, qu’il appelle humanisme médiéval, et l’humanisme de la Renaissance, qu’il qualifie de classique, en considérant que le premier de théocentrique et le second d’anthropocentrique. Et il avance que cette inversion a des conséquences tragiques, « la personne humaine, rompant ses attaches de créature dépendant essentiellement de son créateur, est livrée à ses propres caprices et aux forces inférieures »60,61.
L’humanisme en tant que phénomène historique s’étend sur trois siècles. Appelée « Renaissance », cette période est celle de profonds bouleversements politiques et culturels. Alors que les humanistes de la première génération sont essentiellement des lettrés traduisant les textes de l’Antiquité gréco-romaine, ceux des générations suivantes sont « modernes », qui s’intéressent aux questions profanes et d’actualité (quand l’Europe découvre et explore les autres continents ou que l’irruption de la Réforme divise les populations) et qui se servent de l’invention de l’imprimerie pour diffuser leurs idées.
Alors qu’une crise de légitimité affecte l’Église, chassée de la Terre sainte par les Ottomans, l’Europe occidentale vit de grands bouleversements économiques et politiques. À la suite de la forte poussée démographique survenue au siècle précédent ainsi qu’à plusieurs années de mauvaises récoltes puis une épidémie de pestequi élimine un tiers de sa population, l’économie est restructurée. La société s’urbanise (plusieurs villes comptent désormais plus de 40000 habitants) et les premières compagnies internationales éclosent, appliquant de nouvelles techniques financières. Les banquiers lombards, qui – dès les années 1250 – avaient institué la pratique du prêt bancaire contre intérêt, implantent des bureaux en Champagne, en Lorraine, en Rhénanie et en Flandre. Leurs débiteurs sont des rois, des seigneurs et des commerçants soucieux de mener à bien différents projets. Ce passage d’une économie féodale au commerce de l’argent (capitalisme) marque la fin du Moyen Âge et l’éclosion des Étatsmodernes62.
Une nouvelle classe sociale apparaît, celle qui pilote la nouvelle économie et en tire directement profit : la bourgeoisie. À la fin du siècle, elle bénéficiera du fait que l’Église est ébranlée par un schismepour imposer ses propres valeurs. Alors qu’auparavant le monde d’ici-bas était associé à l’image de la Chute, il va peu à peu être étudié de façon objective et distanciée.
Les premiers foyers d’humanisme se manifestent dans les cités d’Italie, notamment en Toscane et tout spécialement la ville de Florence. Les hommes de lettres s’expriment non plus en latin mais dans les langues vernaculaires, » pour exprimer des sentiments spécifiquement humains (qui ne se réfèrent aucunement à une transcendance divine). Le premier à utiliser le toscan comme langue littéraire est Dante Alighieri. Composée tout au début du siècle, sa Divine Comédie raconte un voyage à travers les trois règnes supraterrestres imaginés par la chrétienté (enfer, purgatoire et paradis). Tout en recouvrant différentes caractéristiques de la littérature médiévale, l’œuvre innove par le fait qu’elle tend vers « une représentation dramatique de la réalité »63. Deux décennies plus tard, Dante est imité par deux autres poètes. Pétrarque, dont le Canzoniere (chansonnier) composé à partir de 1336 est essentiellement consacré à l’amour courtois et qui aura par la suite un vaste retentissement. Et son ami Boccace, auteur du Décaméron, rédigé entre 1349 et 1353. Tous deux touchent à de nombreux genres (conte, histoire, philosophie, biographie, géographie…).
De même, à la fin du siècle en Angleterre, Geoffrey Chaucer écrit-il dans sa langue les Contes de Canterbury. L’histoire est celle d’un groupe de pèlerins cheminant vers Canterbury pour visiter le sanctuaire de Thomas Becket. Chacun d’eux est typé, représentant un échantillon de la société anglaise.
L’humanisme s’exprime également à travers les arts visuels. Succédant aux « artisans » (anonymes au service exclusif de l’Église), les « artistes » acquièrent une certaine renommée en mettant au point des techniques permettant de conférer à leurs œuvres un certain degré de réalisme. Les premiers d’entre eux sont le siennois Duccio et surtout le florentin Giotto64, dont l’esthétique rompt radicalement avec les traditions, que ce soit celle de l’art byzantin ou celle du gothique international, marquée en effet par une volonté très prononcé d’exprimer la tridimensionnalité de l’existence. Derrière les personnages, placés au premier plan, Giotto dresse des décors naturels (arbres et enrochements) qui tranchent avec le traditionnel fond doré. Il utilise la technique du modelé pour traiter le drapé des vêtements tandis que les visages (y compris ceux des personnages secondaires) sont particulièrement expressifs. Du fait de leur réalisme, ces œuvres exercent immédiatement une influence considérable. À noter aussi, peint à Padoue vers 1306, le cycle des vices et vertus (envie, infidélité, vanité… tempérance, prudence, justice…).
Élève de Duccio, Ambrogio Lorenzetti est l’auteur des fresques des Effets du bon et du mauvais gouvernement. Réalisées à partir de 1338 sur trois murs d’une salle du Palazzo Pubblico de Sienne, elles sont connues comme étant à la fois l’une des premières peintures de paysage (certains bâtiments de Sienne sont reconnaissables) et comme allégorie politique65. Et dans l’Annonciation qu’il peint en 1344, il innove en utilisant la méthode de la perspective de façon certes partielle (tracé du dallage figurant sous les pieds des deux personnages) mais rigoureuse (par l’emploi du point de fuite).
Une pensée inscrite dans la cité
À Florence, les initiatives de Pétrarque et Boccace sont encouragées en haut lieu. Notamment par Coluccio Salutati, chancelier de la République de 1375 à 1406, connu pour ses qualités d’orateur et lui-même écrivain, qui défend les studia humanitatis. Ayant créé la première chaire d’enseignement du grec à Florence, il invite le savant byzantin Manuel Chrysoloras de 1397 à 1400. Les occidentaux parlant ou lisant peu le grec, de nombreuses œuvres grecques antiques étant par ailleurs indisponibles dans la traduction latine, un auteur tel qu’Aristoten’était accessible aux intellectuels du xiiie siècle qu’au travers de traductions en arabe. « Éclairé par une foi inébranlable dans la capacité des hommes à construire rationnellement un bonheur collectif, son attachement à la culture ancienne, à la tradition chrétienne, au droit romain, au patrimoine littéraire florentin, dévoile une ardeur de transmettre, une volonté inquiète de conserver l’intégrité d’un héritage. Inlassable défenseur d’une haute conception de la culture, Salutati la juge (…) indissociable d’une certaine vision de la république »66.
Critique de l’Église
À la fin du siècle s’esquisse un souci de repenser le rapport à la théologie et à l’Église elle-même. Ainsi, de 1376 à sa mort, en 1384, le théologien anglais John Wyclifprêche en faveur d’une réforme générale et préconise la suprématie de l’autorité de la sainteté face à l’autorité de fait. Rejetant l’autorité spirituelle de l’Église institutionnelle, il ne reconnaît pour seule source de la Révélation que la Sainte Écriture (De veritate sacrae Scripturae, 1378).
xve siècle
Dans les mentalités, la référence aux Écritures reste centrale et jamais remise en question. Toutefois la perte d’autorité de la papauté sur un certain nombre de souverains se confirme et s’accentue, accélérée par une crise interne (de 1409 à 1416, la chrétienté ne compte plus seulement deux papes mais trois). Du début du siècle – quand elle envoie sur le bûcher Jean Hus, qui dénonçait le commerce des indulgences – jusqu’à son terme – quand elle fait cette fois brûler Savonarole, qui fustigeait la vie dissolue du pape – l’Église se campe dans une posture dogmatique au sein d’une société qui, elle, est en pleine mutation, du fait de l’éclosion des États-nations. Entre-temps, la prise de Constantinople par les Ottomans(1453) la contraint d’admettre que son influence ne dépasse plus l’Europe.
En revanche se confirme la montée en puissance de la grande bourgeoisie commerçante. Élevée dans les studia humanitatis, elle manifeste un intérêt croissant pour les choses matérielles, que ce soit celles relatives à la vie privée ou celles concernant la gouvernance de la cité ou le négoce avec l’étranger. Dès les années 1420, dans les régions d’Europe les plus avancées au plan économique – la Toscane et la Flandre67 – l’art pictural évolue dans le sens d’un réalisme qui témoigne de l’évolution des élites vers le pragmatisme et le volontarisme, ceci jusque par delà les frontières : la découverte du monde par voie marine s’amorce en 1418 avec la côte occidentale africaine et se poursuit en 1492 avec l’Amérique. Cet esprit de conquête ne se limite pas aux territoires, il vise également les consciences : peu après 1450, Gutenberg met au point la technique de l’imprimerie, qui permettra par la suite de réaliser le rêve des humanistes : diffuser largement les connaissances.
L’historien de l’artAndré Chastelestime que, contrairement à une idée reçue, l’étude des textes anciens par les érudits de l’époque ne traduit pas « un refroidissement progressif du sentiment religieux » mais qu’il existe « entre les notions de profane et de sacré un va-et-vient parfois déconcertant »68. S’appuyant sur les travaux d’Erwin Panofsky69, il insiste sur le fait que cette étude des textes anciens comme celle des ruines antiques à Rome par l’architecte Brunelleschi et le sculpteur Donatello naissent du processus d’autonomisation de la raison par rapport au sentiment religieux et qu’en retour ces recherches contribuent à accroître ce processus. Et il souligne que ce que l’on appelle « humanisme » ne se traduit pas seulement par un renouveau de la pensée philosophique mais tout autant par l’émergence, durant les années 1420, d’une esthétique nouvelle, caractérisée par une activation de la raison et de l’observation visuelle. Ceci de deux façons distinctes : à Florence, Brunelleschi, Donatello et le peintre Masaccio mettent au point le procédé de la perspective, basé sur l’invention du point de fuite et par lequel ils parviennent à rendre leurs représentations de plus en plus cohérentes au plan visuel ; dans les Flandres, Robert Campin, exprime cette volonté de réalisme par un souci de restitution du moindre détail, renforcé chez Jan Van Eyck par l’utilisation d’un médium nouveau, la peinture à l’huile. Chez ces deux peintres, les représentations à contenu religieux sont de surcroît peuplées de personnages, décors et objets contemporains.
Une éthique nouvelle
Dans les Flandres comme en Italie, ce que l’on appelle « humanisme » s’apparente à une véritable éthiquedes nouvelles élites dirigeantes. À Bruges, le portrait du marchand italien Arnolfini et de son épouse par Van Eyck (peint en 1434) symbolise le processus de sécularisation de la société qui s’amorce alors, les nouvelles formes de la vie publiques’appuyant sur la mise en scène de la vie privée de la riche bourgeoisie. À Florence, le De familia de Leon Battista Alberti (publié vers 1435) traite de l’éducation des enfants, de l’amitié, de l’amour et du mariage, de l’administration des richesses et du « bon usage » de l’âme, du corps et du temps. Et le Della vita civile du diplomate Matteo Palmieri (publié vers 1439) prescrit les règles de l’éducation des enfants tout autant que les vertus du citoyen : l’homme y est décrit comme à un être à la fois réfléchi (méditant le rapport entre l’utile et l’honorable) et social(mettant en balance les intérêts individuels et l’intérêt général), ceci en dehors de toute référence religieuse.
Une école de pensée
L’humanisme s’inscrit dans la vie politique en 1434 à Florence quand Cosme de Médicis, un banquier parcourant l’Europe pour inspecter ses filiales, est nommé à la tête de la ville et devient le premier grand mécène privé de l’art (rôle qui était jusqu’alors le privilège de l’Église). Il fait peindre les fresques du couvent San Marco par Fra Angelico et, ayant entendu en 1438 les conférences du philosophe platonicien Gemiste Pléthon, il conçoit l’idée de faire revivre une académie platonicienne dans la ville, qui sera finalement fondée en 1459. Les philosophes Marsile Ficinpuis Jean Pic de la Mirandole et Ange Politien en sont les chevilles ouvrières. Reprenant l’idée selon laquelle le Beau est identique à l’Idée suprême, qui est aussi le Bien, Ficin fond le dogme chrétien dans la pensée platonicienne, contribuant à abolir la limite entre profane et sacré.
À la fin du siècle dans les cours italiennes, la technique de la perspective est totalement maîtrisée. La peinture tend alors parfois à n’être plus qu’un simple agrément : en fonction des commandes qu’il reçoit, un artiste tel que Botticelli peint aussi bien une Annonciation que la naissance de Vénus ou la célébration du printemps. Les thèmes traités importent moins que l’effet visuel produit par la virtuosité. Et quand certains artistes recourent à celle-ci pour représenter une « cité idéale », on n’y voit étrangement aucun personnage : institué en académisme, l’art donne alors l’image d’un humanisme d’où l’homme est absent.
Au plan artistique, au début du siècle, les productions des Italiens Léonard de Vinci (portrait de La Joconde, 1503-1506) et Michel Ange (Plafond de la chapelle Sixtine, entre 1508 et 1512) correspondent à l’apogée du mouvement de la Renaissance en même temps qu’elles en marquent le terme. Celui-ci s’épuise en académismes ou au contraire cède la place à des pratiques revendiquant la rupture avec l’imitation de la nature, telle qu’Alberti la préconisait, pour au contraire mettre en valeur la subjectivité de l’artiste. Entre 1520 et 1580, le maniérisme constitue la principale entorse à cette règle.
Aux plans politique et religieux, l’époque est principalement marquée par la Réforme protestante, impulsée en 1517 par l’Allemand Luther puis en 1537 par le Suisse Calvin, ainsi que par les meurtrières guerres de religions qui en résultent et qui vont diviser la France entre les années 1520 et l’édit de Nantes, en 1598.
Au plan scientifique, la principale découverte est l’œuvre de l’astronome Copernic qui publie en 1543 (quelques jours avant sa mort) une thèse qu’il a commencé à élaborer trente ans plus tôt selon laquelle la Terre tourne autour du Soleil et non l’inverse, ainsi qu’il était admis quasi exclusivement en occident.
Aux plan économique et culturel, les échanges marchands s’intensifient au sein de l’Europe et s’amorcent entre l’Europe et le reste de la planète. L’imprimerie permet également aux idées de circuler toujours plus. Ces deux facteurs contribuent à ce que l’humanisme n’est plus tant une tournure d’esprit qu’il faudrait préférer à une autre (comme, lors du siècle précédent, on contestait la scolastique) qu’une conception du monde à part entière, qui tend à se généraliser dans les esprits et d’orientation matérialiste. Et lorsque les Espagnols, en quête d’or et d’autres minerais, entreprennent de coloniser l’Amérique du Sud, c’est au nom des valeurs humanistes, en enjoignant les populations locales d’accepter la prédication de la religion chrétienne70.
Au début du siècle, Nicolas Machiavel, un fonctionnaire de la république de Florence, effectue plusieurs missions diplomatiques, notamment auprès de la papauté et du roi de France. Il observe alors les mécanismes du pouvoir et le jeu des ambitions concurrentes. En 1513, dans son ouvrage Le Prince, premier traité de science politique, il explique que pour se maintenir au pouvoir, un dirigeant doit absolument se défaire de toute considération d’ordre moral, privilégier la défense de ses intérêts et de ceux dont il est le souverain et, à cette fin, faire continuellement preuve d’opportunisme. À l’inverse, alors que les États-nations, à peine émergents, s’affrontent dans des guerres meurtrières, Érasme, un philosophe et théologien venu des Pays-Bas (qui sera plus tard surnommé le « prince des humanistes ») visite plusieurs pays d’Europe, s’y fait des amis (dont l’Anglais Thomas More) et lance en 1516 un vibrant appel à la paix :
« L’Anglais est l’ennemi du Français, uniquement parce qu’il est français, le Breton hait l’Écossais simplement parce qu’il est écossais ; l’Allemand est à couteaux tirés avec le Français, l’Espagnol avec l’un et l’autre. Quelle dépravation ! »
— Erasme, Plaidoyer pour la paix, Arléa, 2005 ; extrait [archive].
De même, témoins des guerres de religions qui divisent la chrétienté, notamment en France, il en appelle à la tolérance.
De la polymathie à la science
Connu surtout pour ses tableaux, Léonard de Vinci aborde également « l’homme » sous un angle physique et fonctionnel : l’anatomie.
Comme Érasme, Léonard de Vincifait partie des personnalités aujourd’hui considérées comme les plus représentatives de l’humanisme. Comme lui et quelques autres, tels Copernic, il visite des régions éloignées de la sienne et, ce faisant, invite au rapprochement des cultures. Sa production invite surtout à gommer d’autres frontières, celles-ci intérieures : celles qui cloisonnent les disciplines. Faisant preuve d’une ouverture d’esprit exceptionnelle, ses investigations tous azimutstémoignent d’une ouverture au monde sensible par l’entremise de l’expérience et du raisonnement méthodique, démarche que systématisera plus tard l’Anglais Roger Bacon et qui constituera le fondement de la science moderne.
Ce qui caractérise en premier lieu la science, c’est l’approche existentielle du monde, tant le macrocosme (l’univers) que le microcosme (l’être humain). Les dessins d’anatomie, en particulier, attestent une considération du corps humain comme d’un ensemble de mécanismes répondant à des fonctions précises.
Par ses dessins d’anatomie et ceux représentant toutes sortes de machines ainsi que des infrastructures militaires, Léonard de Vinci incarne la deuxième phase de l’humanisme, où l’on n’éprouve plus le besoin de se référer à l’Antiquité pour contourner le conservatisme de l’Église mais où l’on se tourne délibérément vers « son temps », la modernité, et ce qui en sont les fondements : la science et la technique. Après la mort de Léonard, en 1519, plus aucun peintre ne se consacrera à ces deux nouveaux champs et, après la mort de Michel-Ange, en 1564, peu seront peintre et architecte à la fois, pratique inaugurée par Giotto. En revanche, à partir du siècle suivant, différents mathématiciens, physiciens et astronomes se feront connaître par des prises de positions philosophiques (Descartes, Pascal, Newton, Leibniz…).
Au début du siècle, l’Europe du Nordconnait un développement économique spectaculaire, dont l’expansion des villes de Bruges, Anvers et Augsbourg est la meilleure expression. Mais dans le domaine artistique, l’Italie reste le foyer le plus dynamique et le plus significatif. Toutefois, ce n’est plus Florence qui entretient l’impulsion de la conception humaniste du monde mais Rome. La ville est envahie par de nombreux peintres et sculpteurs qui, au contact direct du patrimoine antique, prennent de plus en plus ouvertement comme modèle la civilisation précédant celle du christianisme. Non seulement berceau de la civilisation latine, la ville est aussi la capitale des papes.
Or ceux-ci, pour résister à la montée en puissance et à l’autonomisation des États-nations, attirent les artistes les plus novateurs par une active politique de mécénat. Par là même, ils confèrent une réelle et totale légitimité à l’esprit humaniste, contribuant même à le diffuser en Europe et dans le reste du monde, quand il est occupé par les conquistadores. L’un des symboles les plus significatifs de cette mutation est l’image du Christ, imberbe et musclé, et de la Vierge, prenant la pose, au centre du mur du fond de la Chapelle Sixtine, peint par Michel-Ange à la fin des années 1530 et qui représente le Jugement dernier. Autre grand symbole de la puissance déployée par l’église catholique pour contrer les contestations dont elle est l’objet, la Basilique Saint-Pierre, dont la construction s’étend sur plus d’un siècle (1506-1626) et à laquelle participe à nouveau Michel-Ange.
La critique sociale
Les conflits liés à la religion exposent les esprits réformateurs aux accusations d’hérésie, donc à la condamnation à mort. Certains utilisent alors le récit de fictioncomme moyen d’expression permettant une critique non frontale. En 1516, dans un essai intitulé a posterioriL’utopie,Thomas More(grand ami d’Érasme) prône l’abolition de la propriété privée et de l’argent, la mise en commun de certains biens, la liberté religieuse ainsi que l’égalité des hommes et des femmes. Et il estime que la diffusion des connaissances peut favoriser la création d’une cité dont le but serait le bonheur commun. Mais bien qu’ayant été proche du roi Henri VIII, celui-ci le fait condamner au billot.
Plus prudent, le Français François Rabelaisadopte une posture délibérément déconcertante : libre penseur mais chrétien, anticlérical mais ecclésiastique, médecin mais bon vivant, les multiples facettes de sa personnalité semblent contradictoires et il en joue. Apôtre de la tolérance et de la paix (comme Érasme, dont il est l’admirateur), il n’hésite pas à manier la parodie pour parvenir à ses fins. Son Pantagruel (1532) et son Gargantua(1534), qui tiennent à la fois de la chronique et du conte, annoncent le roman moderne.
De la glorification au constat amer
Alors que les débuts de l’humanisme de la Renaissance donnaient de l’homme une image prometteuse, voire glorieuse, à la fin du siècle, le spectacle tragique des guerres conduit les intellectuels à porter un regard désabusé sur l’humanité. En 1574, dans son Discours de la servitude volontaire, Étienne de la Boétie (alors âgé de 17 ans) s’interroge sur les raisons qui poussent les individus à miser leur confiance sur les chefs d’état au point de sacrifier leurs vies. Et à la même époque, dans ses Essais, son ami Montaigne, dresse un portrait tout aussi amer :
« Entre Pétrarque et Montaigne, on (est) pass(é) de la mise en scène d’un moi grandiose à celle d’un moi ordinaire, de l’éloge de l’individualité remarquable à la peinture de l’individualité basique. (…) Chez Montaigne, l’humanisme de la Renaissance apparaît désenchanté, désabusé et comme à son crépuscule : l’individualité de l’auteur et le reste de l’humanité y sont décrits avec un excès de scepticisme et de relativisme comme des choses assez ridicules, versatiles et vaines. »
— Abdennour Bidar, Histoire de l’humanisme en Occident, Armand Colin, 2014, p.185.
Dans le troisième livre de ses Essais, en 1580, Montaigne dégage le concept d’homme, à la fois unique et universel 71,72.
À la différence de Rabelais ou d’Érasme, confiants dans les capacités de la raison, Montaigne se refuse à la complaisance et répond par le doute : « La reconnaissance de l’ignorance est un des plus beaux et plus sûrs témoignages de jugement que je trouve. » L’idée de perfectibilité, lui est ainsi étrangère, il rejette toute idée de progrès, d’ascension lente et graduelle de l’humanité vers un avenir meilleur. Selon lui, l’homme n’est plus le centre de tout, mais un être ondoyant, insaisissable. Il se plait autant à en faire l’éloge qu’à l’abaisser, tout en recourant à l’observation de sa propre personne pour tenter d’en démêler les contradictions. Ce faisant, il pose les bases de ce qui deviendra plus tard la psychologie.
L’humanisme moderne
L’héritage de l’humanisme de la Renaissance s’évalue à trois niveaux, étroitement liés : philosophique, politique et économique et social.
Après la Renaissance, le principe d’autonomisation de la pensée par rapport à la foi n’est plus jamais remis en cause, il constitue par excellence le cadre de référence de l’ensemble de la culture occidentale. L’idée que les humains peuvent évoluer sans s’appuyer sur la religion stimule la démarche scientifique et inversement, celle-ci est vécue comme une émancipation, conduisant progressivement au déisme (croyance en un Dieu créateur abstrait, « grand horloger »), à l’agnosticisme (le doute de l’existence de Dieu), puis finalement à l’athéisme (le rejet même de toute croyance en Dieu) : au xixe siècle, Nietzscheaffirmera que « Dieu est mort ».
Corollaire de cette indépendance à l’égard du divin est la capacité des humains à s’organiser institutionnellement de façon que les idées, mises en débat, servent l’intérêt général. Cet idéal démocratique se concrétise au prix de « révolutions » politiques : d’abord au xviie siècle en Angleterre puis au siècle suivant aux États-Unis et en France. Mais finalement, celles-ci profitent en premier lieu à la classe bourgeoise, qui exerce alors à la fois le pouvoir économique et le pouvoir politique en parvenant à justifier ce cumul au nom de la liberté : c’est le libéralisme.
Les avancées de la science trouvent de nombreux terrains d’application et, progressivement, la techniques’inscrit dans un idéal d’émancipation (bonheur), progrès…). Sous l’effet de ses avancées s’amorce au xviiie siècle un processus économique, qui sera plus tard qualifié de « révolution » – la révolution industrielle – sans toutefois que celui-ci ait été prémédité ni débattu, comme on le dit d’une révolution politique. À tel point qu’au xixe siècle, Marxestime que, désormais, les idées (humanistes ou pas) ne permettent plus aux hommes d’élaborer des projets de société, tant ils sont désormais façonnés, « aliénés », par leurs modes de production ; et ceci d’autant plus qu’ils s’évertuent à croire qu’ils sont « libres ». À ce titre, Marx est fréquemment considéré comme celui qui ouvre la première grande brèche dans l’idéal humaniste. En revanche, en ne remettant pas en cause le productivisme lui-même mais seulement le capitalisme, et en considérant que, pour s’émanciper, les classes ouvrières doivent seulement prendre possession des moyens de production, les successeurs de Marx seront les promoteurs d’un nouveau type d’humanisme : l’humanisme-marxiste.
En 1687, Newtondémontre la capacité des hommes d’analyser la structure de l’univers sur la base de principes mathématiques.
En 1605, l’Anglais Francis Bacondéveloppe une théorie empiriste de la connaissance et, quinze ans plus tard, précise les règles de la méthode expérimentale, ce qui fait aujourd’hui de lui l’un des pionniers de la pensée scientifique moderne. Celle-ci émerge pourtant dans les pires conditions : en 1618, la thèse de Copernic selon laquelle la terre tourne autour du soleil et non l’inverse (héliocentrisme) est condamnée par l’Église ; et en 1633, cette dernière condamne Galilée, qui ose la défendre (elle ne consentira à infléchir sa position qu’un siècle plus tard).
Dans ce contexte d’ultime et extrême tension entre foi et raison, la philosophie, en tant que « conception du monde », recherche dans la science une caution morale qu’elle n’espère plus trouver de l’Église. Il est alors significatif qu’un certain nombre de philosophes sont également mathématiciens ou astronomes (Descartes, Gassendi, Pascal… ou plus tard Newton et Leibniz) et que des scientifiques émettent des positions fondamentalement philosophiques, tels Galilée qui déclare en 1623 dans L’Essayeur : « La philosophie est écrite dans ce livre immense perpétuellement ouvert devant nos yeux (je veux dire l’univers), mais on ne peut le comprendre si l’on n’apprend pas d’abord à connaître la langue et les caractères dans lesquels il est écrit. Il est écrit en langue mathématique et ses caractères sont des triangles, des cercles, et d’autres figures géométriques, sans l’intermédiaire desquels il est humainement impossible d’en comprendre un seul mot ».
En 1637, soit quatre ans seulement après le procès de Galilée, dans son Discours de la méthode, Descartes fonde le rationalisme et affirme que l’homme doit se « rendre comme maître et possesseur de la nature » : la philosophie naturelles’émancipe alors radicalement et définitivement de l’Église, point d’aboutissement de l’idéal humaniste73. Durant la seconde moitié du xviie siècle, avec la probabilité, le calcul infinitésimal et la gravitation universelle, le monde est de plus en plus pensé dans une optique quantitative, matérialiste74, ceci avec l’aide de techniquesdésormais considérées comme indispensables à sa connaissance, telles la machine à calculer ou le télescope.
Philosophe cartésien, Spinozaestime que l’on n’a ne plus à rechercher la vérité dans les Écritures mais dans ses propres ressources (philosophie pratique). Publiée à sa mort, en 1677, son Éthique invite l’homme à dépasser l’état ordinaire de servitude vis-à-vis des affects et des croyances pour atteindre le bonheur au moyen de la « connaissance ». Le titre complet de l’ouvrage (« Éthique démontrée suivant l’ordre des géomètres ») témoigne du fait que la foi en un dieu révélé s’efface au profit d’une « croyance en l’homme », un homme pour le coup totalement rationnel75 ; ceci bien que Spinoza se défende d’être athée : il ne conteste pas l’existence de Dieu mais identifie celui-ci à « la nature ».
À la fin du xviie siècle; la plupart des savants désertent l’université, encore engluée dans la théologie, mais tissent leurs propres réseaux et, par eux, finissent par imposer leurs découvertes et conditionner le terrain même de la philosophie. Avec Galilée puis Huygens, il est possible d’avoir une idée de l’éloignement des étoiles, de la taille de la Terre et des autres planètes ainsi que de leurs positions respectives. L’« homme » sur lequel se focalisaient les humanistes de la Renaissance et l’univers lui-même deviennent des données toutes relatives. Publiés en 1687, les Principes mathématiques de la philosophie naturelle du physicien Isaac Newton sont complétés par lui en 1726 (un an avant sa mort) et traduits en français trente ans plus tard par une maîtresse de Voltaire. Symbolisant la capacité de l’homme à concevoir le monde de façon abstraite (mathématique), cet écrit constitue l’un des fondements de la philosophie des Lumières76.
Conséquence ou effet corollaire de l’émancipation de la raison instrumentale et du développement de la science, certains penseurs vont peu à peu faire l’apologie des « vertus naturelles » (ou « morales »), se démarquant ainsi de l’éthique chrétienne. C’est le cas en particulier du Français La Mothe Le Vayer, un des premiers grands écrivains libertins, auteur en 1641 de son ouvrage le plus célèbre De la Vertu des païens77. « Son analyse affirme l’existence de vertus profanes valables sans le secours de la grâce, et indépendamment de toute inquiétude religieuse. C’est une des premières affirmations d‟une morale existant seule, sans le support de la religion, d’une morale pour ce monde-ci, de la morale laïque qui sera désormais un trait caractéristique de l’humanisme. (…) Cette analyse est pleinement humaniste par sa confiance en la nature et en la raison, et elle fait un grand pas vers celles des Lumières 78.» Coïncidence, c’est également en 1641, dans sa tragédie Cinna, que Pierre Corneille écrit ces mots : « Je suis maître de moi comme de l’univers ».
La Mothe Le Vayer et les libertins sont également à l’origine d’une conception de l’histoire « dégagée de l’emprise scripturaire, religieuse et ecclésiale, une histoire construite sur des bases historiques sûres et non théologiques, une histoire non finalisée, une histoire universelle entendue au sens d‟une collection de l’histoire des diverses nations » (…) « L’histoire de La Mothe Le Vayer ne s’inscrit pas dans un temps théologique orienté d’une création à des fins dernières ; il n’y a pas de téléologie à retrouver dans l’histoire : celle-ci est une lecture philosophique qui n’a rien à faire de l’assise biblique érudite. En évacuant la Bible comme « premier livre d’histoire » et Moïse comme « premier historien », les libertins annulent l’histoire sainte et laïcisentl’histoire. Celle-ci est humaniste en ce qu’elle exclut les contraintes extérieures, le « doigt de Dieu » cher à Bossuet, la Providence, le destin… toutes les formes de déterminisme. On passe d‟une histoire de croyance à une histoire de savoir »79.
L’aspiration à la démocratie
Alors que les scientifiques créent leurs espaces de débat en dehors de toute emprise religieuse, en Angleterre, un soulèvement populaire soutenu par l’armée conduit en 1640 à l’instauration d’une république. Dix ans plus tard, Thomas Hobbes publie Le Léviathan, un ouvrage considéré depuis comme un chef-d’œuvre de philosophie politique. Partant du principe que les individus, à l’état de nature, sont violents et que, par peur d’une mort violente, ils délèguent volontiers leurs responsabilités à un souverain qui leur garantit la paix, le philosophe élabore une théorie de l’organisation politique. En 1660, la monarchie est rétablie en Angleterre mais elle ne sera plus jamais absolue. Principal outil de la démocratie représentative, le parlementsymbolise alors le nouvel esprit du temps, un temps où, de plus en plus nombreux, les hommes éprouvent le sentiment de pouvoir prendre des décisions collectivement, en prenant leur autonomie vis-à-vis de leurs autorités de tutelle, qu’elles soient civiles ou religieuses.
Le siècle est marqué par de profondes mutations dans tous les domaines – économique, politique, social, technique… – lesquelles vont modifier en profondeur le paysage intellectuel. Pour comprendre celui-ci, il importe donc de rappeler brièvement le contexte.
À la suite d’une très forte poussée démographique en Europe, des changements économiques s’avèrent indispensables. L’aristocratie, qui assure les fonctions de gouvernance, doit y faire face. En Angleterre, pays de monarchie parlementaire, les nobles se lancent dans les affaires. En France, où s’exerce encore la monarchie absolue, ils y sont moins enclins : la majorité d’entre eux restent en effet rivés à leurs privilèges de caste et seules quelques quelques familles s’engagent dans les mines, les forges ou le commerce maritime. À des rythmes différents selon les pays, donc, un processus s’enclenche, le capitalisme, qui va profiter (au sens premier du terme) à la classe sociale montante, propriétaire et gérante des moyens de production : la bourgeoisie.
À la différence de l’aristocratie, donc, et dans les capitales comme en province, celle-ci fait travailler les autres, les emploie, les salarie… et se mobilise elle-même : non seulement dans le commerce, l’industrie (qu’elle « révolutionne ») et la finance mais aussi dans l’administration de l’État, à tous ses échelons, du ministre au petit fonctionnaire. Partout en Europe elle cumule alors les pouvoirs : économique, politique et juridique. C’est donc naturellement qu’elle exerce également un pouvoir intellectuel et qu’elle impose ses propres valeurs.
La première de ces valeurs est la liberté80, terme qu’il faut comprendre comme liberté à l’égard des anciennes tutelles : non plus seulement l’Église, comme aux temps de la Renaissance, mais du Prince, lequel, progressivement, va être destitué et remplacé (à chaque fois provisoirement) par « le peuple ». Liberté par conséquent d’ entreprendre quoi que ce soit. L’émancipation ne s’opère plus au niveau strictement philosophique : l’« homme » et son cogito ; mais à un niveau très pratique : les « humains » et leurs capacités à intervenir individuellement sur le monde. L’universalisme (l’idée que les humains sont supérieurs aux autres créatures, grâce à la raison et la parole, et que, grâce à elles, ils peuvent sans cesse mieux s’accorder entre eux) constitue le fondement de ce que l’on appellera l’humanisme des Lumières81. Du moins peut-on dire que les artisans des Lumières (non seulement les philosophes et théoriciens mais les « entrepreneurs » de toutes sortes) incarnent le concept d’humanisme82,83.
Liberté, connaissance, histoire, bonheur
« La philosophie des Lumières s’est élaborée à travers une méthode, le relativisme, et un idéal, l’universalisme »84. La confrontation de cette méthode et de cet idéal contribue à ce qu’au xviiie siècle, l’ensemble du débat philosophique oscille entre deux pôles : l’individu(tel ou tel humain, considéré dans sa singularité) et la société (la totalité des humains).
Cette bipolarité constitue l’axe ce que l’on appellera plus tard la modernité. Quatre idées fortes s’en dégagent.
La principale préoccupation des esprits « éclairés » est la liberté, plus exactement sa conquête. À la question Qu’est-ce que les Lumières ?, Kant répond : « Les Lumières, c’est la sortie de l’homme hors de l’état de tutelle dont il est lui-même responsable. L’état de tutelle est l’incapacité de se servir de son entendement sans la conduite d’un autre. On est soi-même responsable de cet état de tutelle quand la cause tient non pas à une insuffisance de l’entendement mais à une insuffisance de la résolution et du courage de s’en servir sans la conduite d’un autre. Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Telle est la devise des Lumières ». Tout l’effort des philosophes va porter sur les modalités (autrement dit les lois) à mettre en œuvre de sorte que la liberté de chacun ne nuise pas à celle des autres. À la suite de Locke85, Montesquieu86, Rousseau87 et beaucoup d’autres s’y emploient, qui contribuent, avec la Révolution française et la doctrine égalitariste, à promouvoir une conception juridique de la libertéqui mènera elle-même à la doctrine libérale.
Couverture des Éléments de la philosophie de Newton, mis à la portée de tout le monde de Voltaire (1738)
Le xviie siècle a été marqué par un développement très important des sciences ; le nouveau est caractérisé non seulement par le souci de poursuivre ce mouvement mais celui de consigner l’apport des sciences et le faire connaître. Le combat des Lumières contre l’« obscurantisme », c’est la connaissance : connaissance du monde, accrue par les explorations de Cook, La Pérouse et Bougainville ; connaissance de l’Univers, par les dernières découvertes en astronomie ou quand Buffon, dans son Histoire naturelle, affirme que la Terre est âgée de bien plus que les 6 000 ans attribués par l’histoire biblique) ; connaissance du métabolisme des êtres vivants… dont l’homme. Cet idéal trouver sa réalisation dans l’Encyclopédiede Diderot et D’Alembert, publiée entre 1750 et 1770.
Les philosophes focalisent leur intérêt sur « l’histoire ». En 1725, l’Italien Vico publie ses Principes d’une science nouvelle relative à la nature commune des nations, que Voltaire traduira sous le titre Philosophie de l’histoire en 1765, l’année même où, – coïncidence – le mot « humanisme » fait son apparition dans la langue française7. L’idée centrale de la philosophie de l’histoire est que celle-ci a un sens. Ainsi naît l’historicisme, une doctrine selon laquelle les connaissances et les valeurs d’une société sont liées à son contexte historique.
Autre idée forte, le bonheur, point de départ, là encore, d’une doctrine : l’eudémonisme88. À la fin du siècle, Saint-Just proclame que « le bonheur est une idée neuve en Europe », au xxe siècle, certains intellectuels (Eric Voegelin, Jacques Ellul…) y verront le substitut laïque du salut chrétien : « l’homme » n’a pas à espérer un quelconque et hypothétique salut dans l’au-delà, il doit en revanche rechercher le bonheur ici et maintenant, c’est une obligation(« le but de la société est le bonheur commun », proclame l’article 1er de la Constitution de 1793)89. Ellul précise que c’est parce que le bonheur finit par être assimilé à l’idée de confort matériel et que celui-ci ne peut s’obtenir qu’au prix du travail que la bourgeoisie promeut le travail en valeur et qu’elle engage le processus qui sera plus tard qualifié de « révolution industrielle ». Ce processus ne se serait jamais produit, affirme Ellul si, au préalable, la bourgeoisie n’avait pas réussi à faire croire (et à croire elle-même) que le travail est une valeur du fait qu’il conduit au bonheur.
« Liberté », « connaissance », « histoire », « bonheur » (… puis plus tard « travail », « progrès », « émancipation », « révolution ») : les idées des Lumières prolongent celles de la Renaissance et, comme elles, deviennent des idéaux, au sens où elles véhiculent l’idée optimiste qu’il est possible de définir l’homme. L’Essai sur l’hommed’Alexander Pope (1734 traduit en français cinq ans plus tard par Diderot) est significatif. Mais ces idéaux s’en différencient radicalement au moins sur deux points :
ceux qui portent ces idéaux sont animés par une volonté ferme de les réaliser concrètement et immédiatement : vers 1740, l’Anglais Hume fonde la philosophie sur l’empirisme(Traité de la nature humaine) ; vers 1750, les physiocratesfrançais contribuent à forger la conception moderne de l’économie ; vers 1780, Benthamindexe l’idée de bonheur au concept d’utilité.
Trois grandes orientations
Les idées des Lumières s’expriment par ailleurs différemment selon les pays.
En Grande-Bretagne, les choses se passent surtout de façon pragmatique, afin de théoriser après-coup les premiers effets de l’industrialisation et les justifier philosophiquement.
En France, pays fortement centralisé et de culture cartésienne, l’accent est mis sur le droit, le « contrat social » et la capacité d’organiser rationnellement la société.
En Allemagne, où l’approche métaphysique reste prégnante, la réflexion se focalise sur l’idéed’individu. Les philosophies revendiquent donc leur idéalisme.
Ces trois orientations ont en commun d’être portées par l’optimisme, une confiance en l’homme dans sa capacité à se comporter sereinement grâce à l’exercice de sa raison.
La Révolution industrielles’amorce en Grande-Bretagneet très vite, génère de l’inégalité sociale et de la paupérisation. Pour justifier les efforts à fournir, de nombreux textes sont publiés. En 1714, dans la Fable des abeilles, Bernard Mandevillesoutient l’idée que le vice, qui conduit à la recherche de richesses et de puissance, produit involontairement de la vertu parce qu’en libérant les appétits, il apporte une opulence supposée ruisseler du haut en bas de la société. Aussi, il estime que la guerre, le vol, la prostitution, l’alcool, les drogues, la cupidité, etc, contribuent finalement « à l’avantage de la société civile » : « soyez aussi avides, égoïstes, dépensier pour votre propre plaisir que vous pourrez l’être, car ainsi vous ferez le mieux que vous puissiez faire pour la prospérité de votre nation et le bonheur de vos concitoyens ». Cette approche influence de nombreux intellectuels, notamment le philosophe Adam Smith, au travers de sa métaphore de la main invisible, qu’il reprend à trois reprises pendant vingt ans, notamment en 1759 dans sa Théorie des sentiments morauxet en 1776 dans La Richesse des nations, quand il s’efforce de conférer à l’économie le statut discipline scientifique. Selon lui, l’ensemble des actions individuelles des acteurs économiques (qui sont guidés uniquement par leur intérêt personnel) contribuant à la richesse et au bien commund’une nation, le marché est comparable à un processus se déroulant de façon automatique et harmonieuse dans la mesure où les intérêts des individus se complètent de façon naturelle. Diversement interprétée, la métaphore de la main invisible sera maintes fois reprises pour symboliser le libéralisme économique en tant qu’idéologie.
C’est en Grande-Bretagne, où il séjourne de 1726 à 1729, que le Français Voltaire devient le principal initiateur des Lumières. Dans ses Lettres anglaises, publiées en 1734, il exprime son enthousiasme pour le mode de vie des quakers et leurs valeurs (intégrité, égalité, simplicité…), l’empirisme de Locke, les théories de Newton… La Franceva produire un grand nombre de textes fondateurs de la démocratie moderne. En 1748, dans De l’esprit des lois, Montesquieu (qui, comme Voltaire, a séjourné en Angleterre et a été séduit par la monarchie constitutionnelle et parlementaire) considère les données historiques, sociologiques et climatiques comme déterminantes. Sa théorie de la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) fera plus tard autorité, bien au-delà du pays. De 1751 à 1772 paraissent les volumes de l’Encyclopédie, coordonnée par Diderot et d’Alembert, qui donne une vue d’ensemble des réalisations humaines, privilégiant les domaines de la science et de la technique, ce qui lui confère un ton très progressiste. En 1755, dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Rousseaudéveloppe une idée qui sonnera bientôt comme un postulat : « l’homme est bon par nature et c’est la société qui le corrompt ». Pour que les hommes se portent mieux, estime Rousseau, il faut améliorer la société… projet assigné à la politique autour d’un concept nouveau, la souveraineté du peuple, et de valeurs étant mises en pratique de façon contractuelle : la liberté, l’égalité et la volonté générale(Du Contrat social, 1762)90. Cette approche aboutit, en France, au concept de droits de l’homme et plus spécialement, en 1789, à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui influencera largement les déclarations de droits durant les siècles suivants.
Selon Kant, l’homme « éclairé » est responsable et maître de son destin.
En Allemagne, dans les années 1770, Herder et Goethe initient le mouvement romantique Sturm und Drang (« tempête et passion ») qui exalte la liberté et la sensibilité. À l’inverse, Lessinginvite à la retenue et la tolérance (Nathan le Sage). Dans les deux cas, la subjectivité est fortement valorisée. Kant affirme dans Critique de la raison pure (1781-1787) que le « centre » de la connaissance est le sujet et non une réalité extérieure par rapport à laquelle l’homme serait passif. Ce n’est donc plus l’objet qui oblige le sujet à se conformer à ses règles, c’est le sujet qui donne les siennes à l’objet pour le connaître. Ceci signifie que nous ne pouvons pas connaître la réalité « en soi » mais seulement telle qu’elle nous apparaît sous la forme d’un objet, ou phénomène. En 1784, Kant écrit ces mots : « L’Aufklärung, c’est la sortie de l’homme hors de l’état de minorité dont il est lui-même responsable. L’état de minorité est l’incapacité de se servir de son entendement sans la conduite d’un autre. On est soi-même responsable de cet état de minorité quand la cause tient non pas à une insuffisance de l’entendement mais à une insuffisance de la résolution et du courage de s’en servir sans la conduite d’un autre ».
L’expression « droit de l’homme » fait aujourd’hui consensus, ce qui interroge certains penseurs, dont l’historien du droit français Jacques Ellul : « Je suis toujours étonné que cette formule réunisse un consensus sans faille et semble parfaitement claire et évidente pour tous. La Révolution française parlait des « droits de l’homme et du citoyen ». Les droits du citoyen , j’entends : étant donné tel régime politique, on reconnaît au membre de ce corps politique tel et tel droit. Ceci est clair. De même lorsque les juristes parlent des droits de la mère de famille, ou le droit du mineur envers son tuteur, ou le droit du suspect. Ceci encore est clair. Mais les droits de l’homme ? Cela veut donc dire qu’il est de la « nature » de l’homme d’avoir des « droits » ? Mais qu’est-ce que la nature humaine ? Et que signifie ce mot « droit », car enfin, jusqu’à preuve du contraire, le mot « droit » est un mot juridique. Il a et ne peut avoir qu’un sens juridique. Ce qui implique d’une part qu’il peut être réclamé en justice, et qu’il est également assortie d’une sanction que l’on appliquera à celui qui viole ce droit. Bien plus, le droit a toujours un contenu très précis, c’est tout l’art du juriste que de déterminer avec rigueur le sens, le seul sens possible d’un droit. Or, quand nous confédérons, en vrac, ce que l’on a mis sous cette formule des droits de l’homme, quel est le contenu précis du « droit au bonheur », du « droit à la santé », du « droit à la vie« , du « droit à l’information », du « droit au loisir », du « droit à l’instruction » ? Tout cela n’a aucun contenu rigoureux »91.
À la fin du siècle, les faitscommencent à révéler le caractère utopique des théories des Lumières : l’épisode de la Terreurruine l’idéal rousseauiste de « l’homme naturellement bon » et la montée en puissance des nationalismes, qui s’impose à la fin du siècle, démontre le caractère irréaliste du projet d’émancipation kantien : alors que l’État devient la grande figure d’autorité en lieu et place de l’Église, « l’incapacité de se servir de son entendement sans la conduite d’un autre » est telle que le « sujet » reste majoritairement « l’objet » de ses propres passions. La pratique de l’esclavage par les chrétiens américains inspire à William Blake l’image d’une humanité violemment écartelée par ses contradictions (Nègre pendu par les côtes à un échafaud, 1792) tandis que l’art halluciné de Füssli(Le Cauchemar, 1781) annonce les tourments et les doutes qui assailliront bientôt « l’homme moderne » et dont l’art romantiquese fera le témoin au xixe siècle. Plus prémonitoire encore est le poème de l’Apprenti sorcier, de Goethe, en 1797, qui décrit un homme démiurge littéralement dépassé par ses créations, incapable de les contrôler.
Encore relativement marginales, ces prises de positions vont se cristalliser, durant les deux siècles suivants, dans un courant parfois qualifié d’Anti-Lumières ou d’anti-humaniste tandis qu’en revanche beaucoup plus important, l’esprit progressiste va constituer l’héritage des Lumières et se justifier par des discours moralisateurs, vantant à la fois les mérites du travail et ceux de l’entr’aide sociale.
Se démarquant des inquiétudes de ces intellectuels, la bourgeoisie réagit par une forme d’activisme social. À la misère générée par l’industrialisation, qui contredit la thèse d’Adam Smith de l’autorégulation du marché, elle réagit par l’action philanthropique. En 1780 naît à Paris la Société philanthropique (toujours active aujourd’hui) qui, sept ans plus tard, définit ainsi sa mission : « Un des principaux devoirs des hommes est (…) de concourir au bien de (leurs) semblables, d’étendre leur bonheur, de diminuer leurs maux. (…) Certainement, un pareil objet entre dans la politique de toutes les nations et le mot philanthrope a paru le plus propre à désigner les membres d’une société particulièrement consacrée à remplir ce premier devoir de citoyen »92. Au xxe siècle, la philosophe Isabel Paterson établit ainsi les liens entre charité chrétienne, philanthropie et humanisme : « Si l’objectif premier du philanthrope, sa raison d’être, est d’aider les autres, son bien ultime requiert que les autres soient demandeurs. Son bonheur est l’avers de leur misère. S’il veut aider l’humanité, l’humanité tout entière doit être dans le besoin. L’humaniste veut être le principal auteur de la vie des autres. Il ne peut admettre ni l’ordre divin, ni le naturel, dans lesquels les hommes trouvent les moyens de s’aider eux-mêmes. L’humaniste se met à la place de Dieu »93.
xixe siècle
Jusqu’au siècle précédent, le travailn’était pas considéré comme une valeur. Il l’est devenu quand, peu à peu, la bourgeoisie a exercé les pouvoirs économique et politique94. Désormais, le travail est fourni « en quantité industrielle » : le nouveau siècle est en tout cas caractérisé par un processus qui, après coup, sera qualifié de « révolution » mais qui – à la différence des révolutions américaine et française, au xviiie siècle – n’est pas un événement politique à proprement parler : la « révolution industrielle ». Né en Grande-Bretagne puis ayant gagné le reste de l’Europe, il se manifeste par la prolifération des machinesdans les usines, dans le but affiché d’accroître la productivité. Mais, comme le démontre Karl Marx à partir de 1848, le système qui en découle, le capitalisme, ne profitequ’à un nombre restreint d’humains, précisément les « bourgeois », tandis que beaucoup d’autres se retrouvent sur-exploités.
Considéré par beaucoup comme un humaniste95, Jules Ferryoppose en 1885 les « races supérieures » aux « races inférieures ».
C’est précisément à cette époque que les milieux bourgeois commencent à répandre le terme « humanisme » : « Le mécanisme de la justification est la pièce centrale de l’œuvre bourgeoise, sa signification, sa motivation » explique Jacques Ellul96. « Pour y arriver, le bourgeois construit un système explicatif du monde par lequel il rend légitime tout ce qu‘il fait. Il lui est difficile de se reconnaître comme l’exploiteur, l’oppresseur d’autrui, et en même temps le défenseur de l’humanisme. En cela, il exprime un souci propre à tout homme, celui d’être à la fois en accord avec son milieu et avec lui-même. Quand il ne veut pas reconnaître les motivations réelles de son action, il n’est donc pas plus hypocrite qu’un autre. Mais parce que, plus que d’autres, il agit sur le monde, il se constitue un argumentaire des plus élaborés visant à légitimer son action. Non seulement aux yeux de tous mais aussi – et d’abord – à lui-même, pour se conforter97.
Dès les années 1840, les critiques commencent à fuser : alors que le xviiie siècle avait proclamé la liberté, les premiers anarchistes affirment que l’État a pris la place de l’Église et du Roi comme source d’autorité. Et alors que la société industrielle se révèle inégalitaire, Proudhon ironise sur le mot « humanisme », inaugurant ce qu’on appellera plus tard « la question sociale » et le socialisme.
De fait, un nouveau type de déférence s’exprime, axé sur « la foi dans le progrès » scientifique et l’étatisme, le tout sur fond de déchristianisation. La situation est d’autant plus paradoxale que, comme ils l’avaient fait en Amérique du Sud au xvie siècle, c’est appuyés par l’Église catholique que les Européens, en quête de minerais et sous prétexte d’apporter la civilisation, s’en vont coloniserl’Afrique et l’Asie du Sud-est. En 1885, Jules Ferry, bien que fervent défenseur de la laïcité, déclare : « les races supérieures ont le devoir de civiliser les races inférieures »98. Le concept de racisme contribuera par la suite à discréditer profondément et durablement celui d’humanisme99,100.
Humanisme = idéalisme
En 1808, F. I. Niethammerdistingue catégoriquement l’humanisme de la philanthropie.
Au début du siècle, certains intellectuels soulignent que la philanthropie n’est qu’un succédané de la charité chrétienne. En 1808, le théologien allemand F. I. Niethammer publie un ouvrage intitulé « Le débat entre le philanthropisme et l’humanisme dans la théorie éducative actuelle », en réaction précisément au concept de philanthropie. Et deux ans plus tard, dans son livre De l’Allemagne, Mme de Staël estime que Diderot« a besoin de suppléer, à force de philanthropie, aux sentiments religieux qui lui manquent »101. Ainsi peu à peu émerge l’idée que, tant qu’elle se réfère à la morale, toute approche de l’homme par l’homme se réduit à un cortège de bons sentiments.
Dans un courrier qu’il adresse à Niethammer, Hegel le félicite d’avoir distingué le « savoir pratique » du « savoir savant » et de s’être démarqué de l’idée de philanthropie pour promouvoir le concept d’humanisme102. Dans son œuvre, Hegel lui-même n’utilise pas le terme « humanisme » mais, l’année précédente, dans sa Phénoménologie de l’Esprit, il s’est efforcé de décrire « l’évolution progressive de la conscience vers la science » dans le but annoncé d’analyser « l’essence de l’homme dans sa totalité ». Selon Bernard Bourgeois, Hegel a développé dix ans plus tôt, vers 1797-1800, une nouvelle conception de l’humanisme : « ce n’est plus l’humanisme kantien de l’universel abstrait mais l’humanisme de l’universel concret, c’est-à-dire de la totalité, l’humanisme qui veut rétablir l’homme dans sa totalité »103.
De l’idéal aux doutes
Dans le Tres de Mayo, Goyarelate en 1814 un crime de guerre : des civils espagnols sont assassinés par des soldats français.
Les premières grandes critiques à l’encontre des idéaux des Lumières s’expriment aux lendemains des conflits nés de la Révolution française puis des guerres napoléoniennes, qui ont fracturé l’Europe pendant quinze ans (1799-1815). Les Désastres de la guerreen font partie, qui sont une série de gravures exécutées entre 1810 et 1815 par Goya. Tout comme son Tres de mayo, réalisé à cette époque, elles dénoncent les crimes de guerre perpétrés tant par les armées françaises sur les populations civiles espagnoles que par les soldats espagnols sur les prisonniers français. Goya ne prend parti ni pour les uns ni pour les autres : décrivant les atrocités comme le feront plus tard les photo-journalistes, il se livre à une méditation qui relève d’un « humanisme saisissant »104.
Le mouvement romantique participe de cette volonté de critiquer l’universalisme des Lumières105 en mettant en relief les arrières-plans de la psyché, les émotions et pulsions jusqu’alors déconsidérées. Dans le Portrait de l’artiste dans son atelier (1819), Géricault se montre « humaniste plus que simplement romantique »106 en s’exposant seul et mélancolique, un crâne humain posé derrière lui, symbole classique de la vanité.
Quelques philosophes s’attachent à dénoncer le libéralisme, tant politique qu’économique, au motif qu’il entretient une approche de l’existence qu’ils jugent étroitement comptable, au détriment de la sensibilité. Schopenhauer et Kirkegaard, en particulier, développent une vision du mondeouvertement désenchantée, voire pessimiste, qui est une réaction à l’inhumanité de l’époque et, par là même, le témoignage d’un nouveau type d’humanisme107,108.
Alors qu’en France les idéaux révolutionnaires s’éteignent avec l’instauration d’un empire autoritaire et que les effets inégalitaires de l’industrialisation massive deviennent criants, certains penseurs libéraux tentent à la foisde conférer le statut de science à l’économie et d’y infuser un parfum d’humanisme.
En 1817, notamment, dans Des principes de l’économie politique et de l’impôt, l’Anglais David Ricardos’efforce d’asseoir l’économie politique sur des bases rationnelles mais, contraint par les faits (la poussée démographique, l’urbanisation, la paupérisation…), il veille scrupuleusement à les intégrer dans ses calculs comme des données objectives. Il est le premier économiste libéral à penser la répartition des revenus au sein de la société en prenant en compte « la question sociale ». Au point que certains considèrent qu’il s’est mis « au service du bien public », que « la rigueur de son raisonnement lui permet de trouver les solutions les plus aptes à garantir la prospérité de ses concitoyens » et que, par conséquent, « sa démarche comporte une motivation humaniste incontestable »109,110.
En 1820, dans les Principes de la philosophie du droit, Hegels’inscrit dans le sillage de la doctrinehistoriciste et pose les fondements d’une nouvelle doctrine : l’étatisme. Il écrit : « il faut vénérer l’État comme un être divin-terrestre »111. Il se réfère alors à l’État moderne, dont le Saint-Empire romain germanique, au xiie siècle, est l’archétype dès lors qu’il s’est révélé le concurrent de l’autorité papale (plus de détails) et qui culmine avec la Révolution française(qu’il qualifie de « réconciliation effective du divin avec le monde »112). Hegel voit en Napoléon celui qui a imposé le concept d’État-nation, lequel reste à ce jour le système politique dominant. Selon lui, l’État est la plus haute réalisation de l’idée divine sur terre (il parle d’« esprit enraciné dans le monde »113)114 et le principal moyen utilisé par l’Absolupour se manifester dans l’histoire. Bien plus qu’un simple organe institutionnel, il est « la forme suprême de l’existence », « le produit final de l’évolution de l’humanité », « la réalité en acte de la liberté concrète »115, le « rationnel en soi et pour soi »114.
Aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, plusieurs intellectuels (principalement Cassirer116 et Popper117) se demanderont si, au lieu de considérer Hegel comme un humaniste, il ne convient pas voir en lui un précurseur du totalitarisme. D’autres sont plus mesurés, tel Voegelin, qui voit en lui un héritier du gnosticisme, un courant de pensée remontant à l’Antiquité et selon lequel les êtres humains sont des âmes divines emprisonnées dans un monde matériel118. Plus précisément Voegelin estime que si procès il doit y avoir, ce n’est pas celui d’Hegel qu’il faut ouvrir mais celui de la modernité dans son ensemble, laquelle, selon lui, s’enracine dans la tentative de faire descendre le paradis sur terre et de faire de l’accès aux moyens du bonheur ici-bas la fin ultime de toute politique.
Hegel est-il « humaniste » ou « totalitaire » (ou encore « absolutiste »119) ? Cette question divise bon nombre d’intellectuels. Jacques Ellul estime que la divinisation de l’État, telle que formulée par Hegel, ne s’opère pas seulement dans les dictatures militaires, elle s’observe également dans ce que Bergson puis Popperappellent la société ouverte (les États portés par les principes de tolérance, de démocratie et de transparence). Selon lui, tout État est totalitaire : « le mouvement de l’histoire non seulement ne précipite pas la chute de l’État mais il le renforce. C’est ainsi, hélas, que toutes les révolutions ont contribué à rendre l’État plus totalitaire ». Faisant allusion à Hegel, il poursuit : « La bourgeoisie n’a pas seulement fait la révolution pour prendre le pouvoir mais pour instituer le triomphe de la Raison par l’État »120. Et il précise que, dès lors que les humains n’ont pas conscience de s’en remettre à l’État pour tout ce qui concerne leur existence, toute discussion sur l’humanisme est vaine car toutes leurs prétentions à s’émanciper le sont également. Et plutôt que de parler de divinisation (terme qui renvoie à une manière d’être assumée), Ellul parle de sacralisation (qui désigne en revanche une posture inconsciente) : « ce n’est pas l’État qui nous asservit, même policier et centralisateur, c’est sa transfiguration sacrale »121.
La volonté d’humaniser le capitalisme se traduit également dans les années 1820 par une volonté de le réformer en profondeur, quand l’usage du mot socialisme commence à se généraliser122. Formant ce que l’on appellera plus tard le « socialisme utopique », ses promoteurs s’appellent Robert Owen, en Grande-Bretagne, Charles Fourier, Étienne Cabet et Philippe Buchezen France. On peut les considérer comme « humanistes » au sens où ils « refusent la réduction de l’homme à la marchandise »123 et où ils expriment leur confiance dans l’homme, du fait qu’il peut façonner, transformer, le monde. Ne contestant pas spécialement la pression des machines sur les humains, ils retirent au contraire du phénomène de l’industrialisation un idéal d’émancipation.
Le plus prosélyte d’entre eux est Saint-Simon. Il voit dans l’industrialisation le moteur du progrès social et aspire à un gouvernement exclusivement constitué par des producteurs (industriels, ingénieurs, négociants…) dont le devoir serait d’œuvrer à l’élévation matérielle des ouvriers au nom d’une morale axée sur le travail et la fraternité124. Conçue comme une « science de la production » au service du bien-êtrecollectif, cette approche s’exprime dans un vocabulaire religieux (Catéchisme des industriels, 1824 ; Nouveau christianisme, 1825). En 1848, Auguste Comte fait même du saint-simonisme une église hiérarchisée, l’Église positiviste.
En 1841, Ludwig Feuerbach, ancien disciple de Hegel, en devient le principal critique en publiant L’Essence du christianisme, un ouvrage fondateur d’un véritable courant matérialiste. Selon son auteur, croire en Dieu est un facteur d’aliénation : dans la religion, l’homme perd beaucoup de sa créativité et de sa liberté125. De par sa prise de distance avec le phénomène religieux, l’ouvrage s’inscrit dans sillage de la philosophie humaniste. Il va toutefois inciter Karl Marx et Friedrich Engels à critiquer très sévèrement la part idéaliste de l’humanisme (lire infra).
En 1845, dans la sixième thèse sur Feuerbach, Marx écrit que « l’essence humaine, c’est l’ensemble des rapports sociaux ». Il inaugure ainsi une critique de l’humanisme en tant que conception idéaliste de l’homme126 : « Les idées, les conceptions et les notions des hommes, en un mot leur conscience, changent avec tout changement survenu dans leurs conditions de vie, leurs relations sociales, leur existence sociale. Que démontre l’histoire des idées, si ce n’est que la production intellectuelle se transforme avec la production matérielle ? Les idées dominantes d’une époque n’ont jamais été que les idées de la classe dominante. »127.
La question de savoir si Marx est humaniste ou non s’est fréquemment posée au xxe siècle128,129. Les avis sont partagés. Lucien Sève, par exemple, estime que c’est le cas mais Louis Althusser pense le contraire. Selon lui :
Avant 1842, Marx est un humaniste traditionnel. Marqué par Kant (qui fait l’apologie du sujet et selon qui celui-ci doit toujours choisir son action de sorte qu’elle devienne « la règle de l’humanité) mais aussi par les libéraux anglais (qui font coïncider l’intérêt de l’individu avec l’intérêt général), il évoque tout comme eux « l’essence de l’homme ».
De 1842 à 1845, Marx ne pense plus à « l’homme » mais aux hommes, dans leur pluralité. Et il estime qu’ils peuvent aussi bien obéir à la déraison qu’à la raison. À la différence de « l’homme », qui n’est qu’une idée abstraite et idéale, les hommes sont des entités concrètes, inscrites dans l’Histoire. Or l’Histoire résulte du conflit entre la raison et la déraison, la liberté et l’aliénation.
À partir de 1845, Marx non seulement rompt avec toute théorie sur « l’essence de l’homme » mais il estime que toutes les théories de ce type (qu’il regroupe sous le terme « humanisme ») forment une idéologie, un moyen plus ou moins conscient pour les individus qui les propagent d’entretenir une forme de domination sur d’autres individus. Il entreprend alors de fonder une théorie de l’Histoire sur autre chose que « l’homme »130.
Jacques Ellul estime que l’analyse d’Althusser est biaisée : si, comme il le prétend, Marx devient un anti-humaniste, c’est parce qu’il taxe l’humanisme d’idéalisme. Mais ce faisant, il appelle de ses vœux un humanisme matérialiste : « il rejette la philosophie humaniste du xixe siècle bourgeois. (…) Mais cela ne signifie en aucun cas qu’il n’est pas un humaniste. Si « humanisme » signifie donner à l’homme une place privilégiée, dire qu’il est créateur d’Histoire et qu’il peut seul se choisir pour devenir quelque chose de nouveau, alors Marx est parfaitement humaniste »131. Ellul considère par conséquent que Marx incarne à lui seul le passage d’un certain type d’humanisme (que Marx fustige) à un autre type d’humanisme (qui se concrétisera de fait et qu’on appelle aujourd’hui « humanisme-marxiste »).
En 1859, Marx écrit : « Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience. (…) On ne juge pas un individu sur l’idée qu’il a de lui-même. On ne juge pas une époque de révolution d’après la conscience qu’elle a d’elle-même. Cette conscience s’expliquera plutôt par les contrariétés de la vie matérielle. »132. Et il considère que les institutions politiques, les lois, la religion, la philosophie, la morale, l’art, la conscience de soi… (qu’il regroupe sous le terme « superstructures ») sont façonnés, déterminées, par les conditions de production (climat, ressources naturelles), les forces productives (outils, machines) et les rapports de production (classes sociales, domination, aliénation, salariat…), qu’il appelle « infrastructures ».
Dans L’évolution de l’Homme(1879), de Ernst Haeckel, l’homme constitue le point culminant de toute l’évolution.
L’argument selon lequel la science prend le relai de la religion imprègne toute la pensée du xixe siècle et culmine en 1859 quand le paléontologue anglais Charles Darwin publie De l’origine des espèces, ouvrage aujourd’hui considéré comme le texte fondateur de la théorie de l’évolution. Sur la base de recherches scientifiques, il avance l’idée que les espèces vivantes, végétales et animales, descendent d’autres espèces, les plus anciennes ayant disparu, et qu’il est possible d’établir une classification en vue de déterminer leurs « liens de parenté » (thèse de la sélection naturelle).
Accessible au grand public, ce livre fait l’objet de débats intenses et passionnés, qui ne prendront fin que beaucoup plus tard, suscitant notamment l’opposition de l’Église anglicane133 et du Vatican134 car il contredit la théorie religieuse en vigueur à l’époque de la création divine des espèces de manière séparées et leur immutabilité. Cette réaction des Églises leur sera préjudiciable.
En 1866, le naturaliste allemand Ernst Haeckel commence à représenter la filiation des espèces sous la forme d’arbres généalogiques : les arbres phylogénétiques. On notera que, loin de figurer l’homme comme une espèce parmi d’autres, et donc de le déprécier, il le place systématiquement en bout de chaîne, comme constituant le point le plus avancé de l’évolution de la nature. Ce type de représentation s’inscrit dans la pure tradition humaniste135.
L’homme objet, l’argent sujet
En 1867, dans Le Capital, Marxconteste la glorification de l’homme en tant que « sujet », visioninaugurée par Kant et la philosophie des Lumières. Dans le monde capitaliste, explique-t-il, l’économiefaçonne entièrement les modes de vie, la circulation de l’argent joue un rôle « capital » et le fruit du travail des hommes n’étant plus considéré que comme une vulgaire marchandise, les humains, pour se sentir reconnus, en viennent à « fétichiser toute marchandise », ils lui sont aliénés. Aux yeux de Marx, « l’essence » de l’homme et la « nature humaine » sont par conséquent des concepts philosophiques ne présentant plus aucun intérêt. Ellul résume ainsi la position de Marx : « Un nombre croissant d’individus cessent de pouvoir agir sur la société : ils cessent d’être sujets pour être transformés en objets. Et c’est l’argent, qui devrait être objet, qui devient sujet »136.
Si l’on prétend encore s’intéresser à l’homme, explique Marx, c’est vers l’étude de ses « conditions » matérielles qu’il faut désormais se tourner puis, ensuite, vers les modalités selon lesquelles on peut agir pour les abolir et ainsi se désaliéner. Ellul avance la thèse que si les marxistes n’ont jamais réussi à réaliser le projet émancipateur de Marx par la révolution, c’est parce qu’il n’ont pas compris ce que dit Marx à propos de l’argent : le problème majeur n’est pas tant de savoir qui sont ceux qui l’accumulent à leur profit puis de les renverser que l’argent lui-même : celui-ci en effet est devenu
« … le médiateur de toutes les relations. Quelle que soit la relation sociale, elle est médiatisée par l’argent. Au travers de cet intermédiaire, l’homme considère son activité et son rapport aux autres comme indépendants de lui et dépendants de cette grandeur neutre qui s’interpose entre les hommes. Il a extériorisé son activité créatrice, dit Marx, qui ajoute : L’homme n’est plus actif en tant qu’homme dans la société, il s’est perdu. Cessant d’être médiateur, il n’est plus homme dans la relation avec les autres ; il est remplacé dans cette fonction par un objet qu’il a substitué à lui-même. Mais en agissant ainsi en considérant sa propre activité comme indépendante de lui, il accepte sa servitude. (…) Dans la médiation de l’argent, il n’y a plus aucune espèce de relation d’homme à homme ; l’homme est en réalité lié à une chose inerte et les rapports humains sont alors réifiés. »
— Jacques Ellul, La pensée marxiste, La table ronde, coll. « Contretemps », 2003, p. 175.
Reprenant l’argument d’Althusseraffirmant que Marx est un antihumaniste, Ellul rétorque que ce n’est pas Marx qui est antihumaniste mais son époque, dès lors que les relations entre les humains sont totalement dépendantes de l’argent dont ils disposent. alors que cet argent ne devait rester pour eux qu’un vulgaire objet, ils en sont devenus la « chose »137.
« Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c’est nous qui l’avons tué ! Comment nous consoler, nous les meurtriers des meurtriers ? (…) La grandeur de cet acte n’est-elle pas trop grande pour nous ? Ne sommes-nous pas forcés de devenir nous-mêmes des dieux simplement — ne fût-ce que pour paraître dignes d’eux ? »
Ernest Renan souhaite en 1890 que l’humanité soit « organisée scientifiquement ».
Cette formule de Nietzsche et sa théorie du surhomme sont souvent interprétées comme l’expression de la volonté de puissance, l’orgueil prométhéen, l’hybris. Certains138 y voient également la formulation d’une crainte sourde : que la croyance en Dieu s’éteignant, la religiosité n’emprunte d’autres voies139… notamment celle de l’humanisme. Déjà, en 1846, dans Misère de la philosophie, Pierre-Joseph Proudhon voyait dans celui-ci « une religion aussi détestable que les théismes d’antique origine »140.
Nietzsche ne dit pas explicitement que l’humanisme constitue une nouvelle religion mais il avance l’idée qu’une majorité de ses contemporains font du progrès un mythe et qu’à travers celui-ci, ils croient en l’homme comme on croit (ou croyait) en Dieu (lire supra). En 1888, il écrit ces mots :
« L’humanité ne représente nullement une évolution vers le mieux, vers quelque chose de plus fort, de plus élevé au sens où on le croit aujourd’hui. Le progrès n’est qu’une idée moderne, c’est-à-dire une idée fausse. L’Européen d’aujourd’hui reste, en valeur, bien au-dessous de l’Européen de la Renaissance ; le fait de poursuivre son évolution n’a absolument pas comme conséquence nécessaire l’élévation, l’accroissement, le renforcement. »
— L’Antéchrist. Trad. Jean-Jacques Pauvert, 1967, p. 79
De fait, deux ans plus tard, dans L’avenir de la science, Ernest Renanécrit : « organiser scientifiquement l’humanité, tel est le dernier mot de la science moderne, telle est son audacieuse mais légitime prétention »141. Il devient ainsi l’apôtre du scientisme, vision du monde s’inscrivant dans le sillage du rationalisme, du saint-simonisme et du positivisme, selon laquelle la science expérimentale prime sur les formes plus anciennes de référence (notamment religieuses) pour interpréter le monde142.
Pour certains critiques, l’athéismede Nietzsche a donc une conséquence que lui-même redoutait : une mystification de l’humanisme143,144. Pour d’autres, il signifie carrément la mort de l’humanisme : « en déplaçant l’homme de son statut de l’être, de son humanité vers sa nature la plus primitive, Nietzsche (…) déplace l’homme du piédestal de sa conscience pour le remettre sur pieds et sur terre, il le ramène à son corps et à sa biologie »145. S’il est permis d’analyser la pensée de Nietzsche comme une « réduction de l’humain à la biologie », celle-ci préfigure alors des thèses qui fleuriront au xxe siècle (lire infra). En tout cas, quelques années seulement après la mort de Nietzsche, un philosophe marqué par lui, Jules de Gaultier, critique vertement le scientisme : « aucune conception n’est plus contraire à l’esprit scientifique que cette croyance en un finalisme métaphysique. C’est purement et simplement un acte de foi. Le scientisme relève, sous ce jour, d’une croyance idéologique comme les diverses religions relèvent de la croyance théologique »146.
L’idéologie scientiste disparaîtra au début du xxe siècle et Jacques Ellull’expliquera en disant que « l’activité scientifique est (désormais) surclassée par l’activité technique (car) on ne conçoit plus la science sans son aboutissement technique », ses applications147. Stimulé par une quête permanente de confort, l’esprit utilitariste asservit la science à la technique et c’est cette dernière qui, à présent, est sacralisée :
« La technique est sacrée parce qu’elle est l’expression commune de la puissance de l’homme et que, sans elle, il se retrouverait pauvre, seul et nu, sans fard, cessant d’être le héros, le génie, l’archange qu’un moteur lui permet d’être à bon marché. »
Le début du siècle est ébranlé par les Guerres mondiales, les régimes totalitaires et les crises économiques. Chez les intellectuels, ces événements ruinent définitivement l’optimisme fondateur des Lumières152. Pourtant, au sein des populations, le confort domestique et les moyens de transport renforcent la « foi dans le progrès ». Au point que même les chrétiens, qui fustigeaient auparavant l’utilitarisme et le positivisme, participent de cet engouement153. Les avertissements d’un Georges Sorel, en 1908154, restent sans écho. Le progressismeest même célébré dans bon nombre de partis politiques.
Les régimes totalitaires infléchissent le débat sur l’humanisme : peut-on rester soi-même dans un mouvement de masse ? La politique est-elle une religion séculière ?…
Ici, seul contre tous, un homme refuse de faire le salut nazi en 1936.
Apparus au xviiie siècle et rigoureusement constitués à la fin du xixe, ceux-ci passionnent désormais les foules (création en France du Parti radical en 1901 et de la SFIO en 1905). En 1917, la Révolution russe, dont l’objectif proclamé est de concrétiser les analyses de Marx, va peu à peu scinder l’humanité en deux camps, le capitalisme et le socialisme, selon les principes économiques préconisés par le libéralisme ou au contraire le marxisme.
Après la Seconde guerre, Raymond Aron estime que, de par les espoirs qu’elle suscite, la politique est devenue une « religion séculière »155. Pendant plusieurs décennies, les deux blocs vont s’opposer par petites nations interposées et quand, à la fin du siècle, prend fin cette « Guerre froide » et que, partout sur la planète, le marché dicte ses lois et impose ses effets (conflits armés locaux, pauvreté, précarité…) mais que, paradoxalement, on qualifie cette période de « détente », les concepts d’illusion politique156 et de religion politique157 restent marginalement traités.
À la fin du siècle et encore aujourd’hui, le mot « humanisme » est très fréquemment prononcé dans le milieu politique mais deux facteurs concourent à sa relativisation, voire son effacement, chez les intellectuels :
les évolutions de l’électroniqueet de l’informatique sont telles qu’on les rassemble généralement sous le qualificatif de « révolution », la révolution numérique. Certains considèrent que s’ouvre une nouvelle ère. Le débat sur l’humanisme se structure alors sur les promesses du transhumanismeet les inquiétudes du post-humanisme.
Au début du siècle, à l’image des arts plastiques, qui, avec le cubisme, l’abstractionou le dadaïsme, brisent tous les codes de la représentation, les sciences humaines tendent à établir des diagnostics de plus en plus incertains et déstabilisants, tant ils bousculent les critères d’appréciation de la pensée ayant cours jusqu’à présent.
En 1900 parait L’Interprétation du rêve, un ouvrage rédigé par un médecin autrichien, Sigmund Freud. À peine remarqué sur le coup, ce livre va marquer la fondation d’une nouvelle discipline, la psychanalyse. À l’opposé d’un Descartes, qui postulait qu’il n’y a pas de connaissance possible sans une solide conscience de soi, puis d’un Kant, qui surenchérissait en faisant primer le sujet sur l’objet, Freud affirme que le moi ne peut en aucune manière être considéré comme une instance totalement libre : il est au contraire pris en étau, « complexé », entre le « ça » (constitué de toutes sortes de pulsions, essentiellement d’ordre sexuel) et le « surmoi » (ensemble de règles morales édictées par la société). Freud précise que, dès lors que les humains se préoccupent avant tout de répondre aux attentes sociales, ils refoulent leurs pulsions dans l’inconscient, rendant celles-ci toujours plus pressantes. Continuellement en proie au conflit, ils en deviennent chroniquement malades, névrosés. Vu sous cet angle, « l’homme » perd l’autorité naturelle dont l’humanisme de la Renaissance puis celui des Lumières l’avaient d’office auréolé. Bien que contestée par quelques confrères de Freud, cette thèse fera un temps autorité.
En 1917, analysant le processus de recul des croyances religieuses au profit des explications scientifiques, le sociologue allemand Max Weberutilise une expression qui sera ensuite fréquemment commentée : « le désenchantement du monde ». Par cette formule, Weber signifie une rupture traumatisante avec un passé considéré comme harmonieux, une perte de sens et un déclin des valeurs, du fait que le processus de rationalisation dicté par l’économie tend de plus en plus à imposer ses exigences aux humains161.
Dans les pays anglo-saxons, ces positions sont qualifiées d’anti-humanisme(en), car déterministes, accordant aux individus une marge de liberté moindre. L’Allemand Walther Rathenau déplore que le perfectionnement exponentiel des machines et des outils ne s’accompagne pas d’un progrès spirituel162 et le Français Paul Valéry, commentant le bilan meurtrier de la Première Guerre mondiale et décrivant la science comme « atteinte mortellement dans ses ambitions morales » et « déshonorée par la cruauté de ses applications » évoque une « crise de l’esprit »163.
La question du machinisme
Durant les années 1920 et 1930, un grand nombre d’intellectuelsadoptent des positions critiques sur l’emprise des machines sur les humains, notamment dans le monde du travail164.
En 1921, Romain Rolland publie La révolte des machines ou La pensée déchaînée, le scénario d’un film de fiction s’inspirant du mythe de Prométhée165. Et recevant le Prix Nobel de littérature en 1927, Henri Bergson prononce ces mots : « On avait pu croire que les applications de la vapeur et de l’électricité, en diminuant les distances, amèneraient d’elles-mêmes un rapprochement moral entre les peuples : nous savons aujourd’hui qu’il n’en est rien »166. La même année, Henri Daniel-Rops estime que « le résultat du machinisme est de faire disparaître tout ce qui, en l’homme, indique l’originalité, constitue la marque de l’individu »167. En 1930, dans La Rançon du machinisme, Gina Lombroso voit dans l’industrialisation un symptôme de décadence intellectuelle et morale168. L’année suivante, Oswald Spengler écrit : « La mécanisation du monde est entrée dans une phase d’hyper tension périlleuse à l’extrême. […] Un monde artificiel pénètre un monde naturel et l’empoisonne. La civilisation est elle-même devenue une machine »169. Et dans De la destination de l’homme. Essai d’éthique paradoxale, Nicolas Berdiaev écrit : « si la technique témoigne de la force et de la victoire de l’homme, elle ne fait pas que le libérer, elle l’affaiblit et l’asservit aussi. Elle mécanise sa vie, la marquant de son empreinte. (…) La machine détruit l’intégralité et la coalescence anciennes de la vie humaine »170,171. Et deux ans plus tard, dans L’homme et la machine, il estime que « l’apparition de la machine et le rôle croissant de la technique représentent la plus grande révolution, voire la plus terrible de toute l’histoire humaine ».
En 1932, dans son récit d’anticipationLe meilleur des mondes, Aldous Huxley décrit un univers conditionné par les sciences génétiques. L’année suivante, Georges Duhamel écrit : « La machine manifeste et suppose non pas un accroissement presque illimité de la puissance humaine, mais bien plutôt une délégation ou un transfert de puissance. (…) Je ne vois pas, dans le machinisme, une cause, pour l’homme, de décadence, mais plutôt une chance de démission. (…) Nous demandons à nos machines de nous soulager non seulement des travaux physiques pénibles, mais encore d’un certain nombre de besognes intellectuelles. (…) Notre goût de la perfection, l’une de nos vertus éminentes, nous le reportons sur la machine »172. En 1934, dans Technique et civilisation, Lewis Mumford s’interroge : « En avançant trop vite et trop imprudemment dans le domaine des perfectionnements mécaniques, nous n’avons pas réussi à assimiler la machine et à l’adapter aux capacités et aux besoins humains »173. La même année, dans Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale, Simone Weildécrit le progrès technique comme n’apportant nullement le bien-être mais la misère physique et morale : « Le travail ne s’accomplit plus avec la conscience orgueilleuse qu’on est utile, mais avec le sentiment humiliant et angoissant de posséder un privilège octroyé par une passagère faveur du sort »174. En 1936, dans une scène célèbre de son film Les Temps modernes, montrant un ouvrier pris dans les engrenages d’une gigantesque machine, Charles Chaplin soulève la question de l’aliénation dans le travail mécanisé.
En 1919 et 1920, à la suite du traumatisme causé par la défaite de la Première Guerre mondiale et dans un contexte marqué par le développement du machinisme, l’historien et philologue allemand Werner Jaeger publie deux articles intitulés respectivement Der humanismus als Tradition und Erlebnis (« L’humanisme en tant que tradition et expérience ») et Humanismus und Jugendbildung(« Humanisme et formation de la jeunesse »). Ils conduisent, en 1921, le philosophe Eduard Spranger(de) à appeler de ses vœux un « troisième humanisme », dans la continuité d’un « premier humanisme », auquel il associe Érasme, et d’un « néo-humanisme » (Neuhumanismus) qui fait référence à Goethe et son cercle.
L’expression « troisième humanisme » apparaît chez Jaeger lui-même en 1934, un an après l’arrivée d’Hitler au pouvoir et deux ans avant qu’il n’émigre aux États-Unis pour fuir le nazisme. Ce concept « participe de l’idée d’un affaiblissement des « valeurs » traditionnelles, accablées par les maux d’une modernité aussi délétère que mal définie. Il se présente (…) comme une tentative de régénération (et) se traduit par l’abandon des certitudes positivisteset historicistes de la fin du xixe siècle. Il se veut une réponse au besoin de « réorientation » dont l’érudition de l’époque weimariennese fait l’écho. Il s’inscrit d’autre part dans la tradition de retour aux Grecs qui, depuis la Goethezeit, n’a cessé d’alimenter la vie intellectuelle allemande175. (…) Les recherches de Jaeger sont en effet guidées par une intuition : celle que l’homme grec fut toujours un homme politique, que l’éducation et la culture, en Grèce ancienne, furent inséparables de l’ordre communautaire de la polis. Aussi le nouvel humanisme ne peut-il être (…) qu’un humanisme politique, tourné vers l’action et ancré dans la vie de la cité »176.
Aux États-Unis, Jaeger poursuivra ses efforts pour promouvoir l’humanisme sur la base des valeurs de l’Antiquité grecque177 mais sans grand succès.
À peine revenus des camps de la mort, auxquels ils ont survécu, l’Italien Primo Leviet le Français Robert Antelme décrivent les souffrances qu’ils y ont enduré et les scènes d’horreur extrême dont ils ont été les témoins178. Des années plus tard, ils seront suivis par le Russe Alexandre Soljenitsyne, survivant des goulags soviétiques179.
Analysant en 2001 ces génocides et celui, plus récent, du Rwanda, l’essayiste Jean-Claude Guillebauds’interroge sur le sentiment d’impuissance qu’ils suscitent au sein des institutions internationales, sur la façon selon lui superficielle dont les médias en rendent compte ainsi que sur la légèreté avec laquelle, dans ce contexte, on ose encore parler d’humanisme :
« On pourrait s’indigner de l’incroyable légèreté du discours médiatique lorsqu’il évoque ce qu’on pourrait appeler « la nouvelle question humaniste ». Dans le babillage de l’époque, l’humanisme est parfois puérilement désigné comme une revendication gentille, désuète, attendrissante, moralisatrice, etc. La référence à l’homme est ingénument ravalée au rang d’un moralisme doux, d’une sorte de scoutisme que la technoscience n’admet plus qu’avec une indulgence agacée. Humanisme et universalisme sont perçus, au fond, comme les survivances respectables mais obsolètes d’un monde ancien180. »
En 1987, le philosophe Philippe Lacoue-Labarthe trouve cependant à dire que « le nazisme est un humanisme, en tant qu’il repose sur une détermination de l’humanitas à ses yeux plus puissante, c’est-à-dire plus effective, que toute autre. (…) Qu’il manque à ce sujet l’universalité, qui définit apparemment l’humanitas de l’humanisme au sens reçu, ne fait pas pour autant du nazisme un anti-humanisme »25.
Tout aussi virulent à l’encontre de ce qu’on appelle l’« humanisme » mais toutefois plus nuancé en ce qui concerne les accointances de celui-ci avec les systèmes totalitaires, Claude Lévi-Strauss tient ces propos en 1979 :
« Ce contre quoi je me suis insurgé, et dont je ressens profondément la nocivité, c’est cette espèce d’humanisme dévergondé issu, d’une part, de la tradition judéo-chrétienne, et, d’autre part, plus près de nous, de la Renaissance et du cartésianisme, qui fait de l’homme un maître, un seigneur absolu de la création. J’ai le sentiment que toutes les tragédies que nous avons vécues, d’abord avec le colonialisme, puis avec le fascisme, enfin les camps d’extermination, cela s’inscrit non en opposition ou en contradiction avec le prétendu humanisme sous la forme où nous le pratiquons depuis des siècles, mais dirais-je, presque dans son prolongement naturel, puisque c’est en quelque sorte d’une seule et même foulée que l’homme a commencé par tracer la frontière de ses droits entre lui-même et les autres espèces vivantes et s’est ensuite trouvé amené à reporter cette frontière au sein de l’espèce humaine, ses parents, certaines catégories reconnues seules véritablement humaines, d’autres catégories qui subissent alors une dégradation conçue sur le même modèle qui servait à discriminer entre espèces vivantes humaines et non humaines, véritable pêché originel qui pousse l’humanité à l’autodestruction181. »
Floraison d’humanismes
Tout au long du siècle, des penseurs d’opinions très différentes, voire divergentes, se réclament de l’humanisme182. Cette prolifération contribuant à rendre le concept d’humanisme de plus en plus flou, elle fait l’objet de multiples débats183, notamment lorsque « humanisme » et « politique » sont mis en corrélation. Ainsi, en 1947 Jacques Ellul écrit :
« Sitôt que l’on parle d’humanisme, on est en plein dans le domaine des malentendus. On pense à un certain sentimentalisme, à un certain respect de la personne humaine, qui n’est qu’une faiblesse et un luxe bourgeois et l’on ne peut s’empêcher de penser qu’un écrivain communiste (…) avait en partie raison quand il écrivait : « la dignité humaine, les droits de l’homme, le respect de la personne, etc, on en a les oreilles rebattues ». Cette réaction est dure, mais je crois qu’elle est légitime en face de tout ce que l’on a appelé « humanisme ». Et, en particulier, l’un des malentendus qu’il faudrait dissiper, c’est (l’idée) que la démocratie serait humaniste et respecterait l’homme et (que) la dictature serait anti-humaniste et mépriserait l’homme. Tout notre temps est absolument subjugué par cette erreur, par cette antinomie au sujet de l’homme, entre démocratie et dictature184. »
L’humanisme chrétien
L’expression « humanisme chrétien » date des années 1930185. Par la suite, certains y voient un phénomène né avec les premiers « intellectuels » chrétiens (Saint Justin, Origène, Clément d’Alexandrie…)186. De façon générale, l’expression est utilisée pour différencier les intellectuels chrétiens du xxe siècle de ceux qui se revendiquent athées.
Il faut rappeler que l’humanisme de la Renaissance a été porté par des penseurs qui étaient « chrétiens » non pas forcément par conversion mais parce que cela allait à l’époque de soi : au sortir du Moyen Âge, il était inconcevable de s’éloigner de la doxa de l’Église sous peine d’être frappé d’hérésie. Et c’est parce qu’au fil du temps les intellectuels se sont affranchis de la tutelle morale de l’Église au point d’adopter des postures ouvertement agnostiques, voire – après Nietzsche – athées, que certains d’entre eux, invoquant leur foi chrétienne, réagissent en manifestant leur volonté d’insuffler une éthique qui sera en définitive qualifiée d’humanisme chrétien.
En France, c’est le cas notamment de Charles Péguy187, Léon Bloy, Georges Bernanos et Emmanuel Mounier ainsi que Jacques Maritain, le seul d’entre eux à prôner, en 1936, un humanisme d’un nouveau type qu’il qualifie d’intégral188, qu’il place sous le signe de la transcendance et de la « dignité transcendante de l’homme » et qu’il oppose à « un humanisme anthropocentrique refermé sur lui-même et excluant Dieu »38. Un certain nombre d’écrivains sont souvent rangés dans la catégorie « humanisme chrétien », dont principalement Julien Green38.
A la fin du siècle, le pape Jean-Paul II se positionne sur la question de l’humanisme en développant une critique de l’utilitarisme et du productivisme : « L’utilitarisme est une civilisation de la production et de la jouissance, une civilisation des “choses” et non des “personnes”, une civilisation dans laquelle les personnes sont utilisées comme des choses »191.
L’humanisme athée
On regroupe généralement sous l’étiquette « humanisme athée » les penseurs qui, dans le sillage de Marx, Nietzsche et Freud(surnommés maîtres du soupçonpar Paul Ricœur) contestent catégoriquement non seulement la religion mais la foi en Dieu.
Théologien catholique, Henri de Lubac déplore en 1944 ce qu’il appelle « le drame de l’humanisme athée », dont il situe les origines au xixe siècle, dans les prises de positions de Feuerbach, Saint-Simon et Comte192. Bien qu’occupant une place majeure dans le clergé (il est cardinal), de Lubac ne taxe pas ceux-ci d’anti-humanistes et ne porte pas sur eux un jugement normatif. Il ne peut d’ailleurs les condamner car l’Église n’exerce plus sur les consciences l’autorité dont elle disposait jusqu’alors. Il considère en revanche l’athéisme comme un fait social, une donnée objective avec laquelle les chrétiens (et pas seulement le clergé) doivent désormais composer. Il prend au sérieux les revendications des athées au libre arbitre et trouve digne et courageuse la position de Dostoïevski quand il pose la question : « mais alors, que deviendra l’homme, sans Dieu et sans immortalité ? Tout est permis, par conséquent, tout est licite ? »193. Cette position traduit selon lui l’angoisse et le doute que le Christ lui-même a exprimé peu avant de mourir : « Mon dieu, pourquoi m’as tu abandonné ? » (Mc 15,34 et Mt 27,46).
En France, Jean-Paul Sartre et Albert Camus sont eux aussi considérés fréquemment comme des humanistes athées197. Certains, toutefois, font remarquer que si l’athée est « celui pour qui la question de Dieu ne se pose pas », cet adjectif ne s’applique pas à Camus : non seulement celui-ci n’est pas « indifférent à la question de Dieu » mais il s’efforce de se confronter à elle. Il est donc préférable de qualifier Camus d’agnostique198.
Dans le sillage de l’idéologie scientiste du xixe siècle, quelques intellectuels européens, aussi bien chez les athées que chez les chrétiens, s’efforcent dans les années 1950 de promouvoir un humanisme qui serait basé sur les avancées de la science, notamment les théories de l’évolution, mais formulé dans une rhétorique religieuse assumée. C’est le cas principalement du français Teilhard de Chardin et de l’anglais Julian Huxley, le second traduisant les ouvrages du premier en anglais.
Dans Le Phénomène humain, paru juste après sa mort en 1955 et qu’il qualifie lui-même d’« introduction à une explication du monde », Teilhard établit une relation entre ses recherches en paléontologie et ses positions en tant que théologien. Selon lui, l’univers est en constante évolution vers des degrés toujours plus hauts de complexité et de conscience. Et il appelle « point Oméga » l’aboutissement de cette évolution. Relatant en 1956 l’approche de Teilhard (mais aussi celles d’Huxley et du zoologiste Albert Vandel), l’essayiste André Niel parle d’« humanisme cosmologique »199.
En 1957, Huxley, qui a fondé cinq ans plus tôt l’Union internationale humaniste et éthique et qui est biologiste, forge l’expression « humanisme évolutionnaire » et reprend le mot « transhumanisme »200, cette fois pour lui donner le sens qu’on lui donne aujourd’hui : pour promouvoir l’idée que les humains sont désormais capables de dépasser leur condition grâce à la science et aux moyens techniques. Tel Auguste Comte qui voulait ériger le positivisme en église (lire infra), et bien que se réclamant rationalistecomme lui, Huxley souhaiterait que l’humanisme devienne une religion, une « religion de l’homme »201,202,14.
En 1963, Bernard Charbonneauqualifie Teilhard et Huxley de « prophètes d’un âge totalitaire »203.
Quand sont écrasés les trois grands régimes fascistes mondiaux (en Allemagne, en Italie et au Japon), s’ouvre une vaste lutte d’influence (dite Guerre froide) entre les deux grands « blocs », l’URSS et les États-Unis. Les révélations au sujet des massacres en URSS posent la question : humanisme et marxisme sont-ils compatibles ? En France, Maurice Merleau-Ponty ouvre le débat en 1947 avec Humanisme et terreur207, une compilation d’articles parus l’année précédente dans la revue Les Temps Modernes et qui, bien que remettant en cause les allégations de Koestler208, ont alors suscité de violentes polémiques dans les milieux intellectuels, notamment cette phrase : « Il n’y a que des violences, et la violence révolutionnaire doit être préférée parce qu’elle a un avenir d’humanisme […] Nous n’avons pas le choix entre la pureté et la violence, mais entre différentes sortes de violences »209. Cinq ans plus tard, le philosophe rompt finalement avec le marxisme et avec Sartre210, selon qui « le marxisme est l’horizon indépassable de notre temps »211.
Quelques intellectuels communistes défendent le concept d’humanisme-marxiste en évitant de remettre en cause la doctrine marxiste. C’est le cas notamment, en 1957, de Roger Garaudy212, membre actif du PCF, qui, après avoir été ouvertement stalinien, s’ouvre aux théories d’Antonio Gramsci (auxquelles s’oppose alors Althusser) et « qui promeut un matérialisme dans lequel l’homme, en étant ouvert au dialogue avec d’autres visions du monde, notamment chrétiennes, peut se créer lui-même »213.
C’est également le cas, en 1958, de la trostkyste américaine Raya Dunayevskaya214, qui combat le stalinisme sans mettre en cause le léninisme215, et celui, en 1968, d’Adam Schaff, qui représente la fraction la plus conservatrice du communisme polonais et se réclame lui aussi de l’humanisme205,216.
En 2018, le sociologue et philosophe marxiste Michael Löwyvoit en Ernest Mandel (1923-1995) un « humaniste révolutionnaire », au motif qu’il considérait que « le capitalisme est inhumain » et que « l’avenir de l’humanité dépend directement de la lutte de classe des opprimés et des exploités »217.
La psychologie humaniste
L’idéal humaniste gagne également certains secteurs des sciences humaines, notamment la psychologie aux États-Unis. En 1943, l’Américain Abraham Maslowpublie son premier ouvrage218. Son impact est tel que son auteur est considéré dans son pays comme l’initiateur d’un nouveau courant, la psychologie humaniste. Sa théorie de la motivation et du besoin (connue sous le nom de pyramide des besoins de Maslow) postule que le comportement des hommes est régi par la satisfaction de différents besoins : viennent d’abord les besoins physiologiques élémentaires, puis les besoins de sécurité ; ensuite le besoin d’être aimé des autres puis celui d’être reconnu par eux. Chaque besoin assouvi conduit les humains à aspirer à la satisfaction d’un besoin supérieur. Au sommet de la pyramide vient le besoin d’accomplissement de soi.
La psychologie humaniste introduit le postulat de l’autodétermination et s’appuie sur l’expérience consciente du patient : il s’agit de développer chez lui la capacité de faire des choix personnels (volontarisme). Selon les théoriciens de cette approche (outre Maslow, citons Carl Rogers), l’être humain est fondamentalement bon : s’il suit sa propre expérience et se débarrasse des conditionnements qui limitent sa liberté, il évoluera toujours positivement.
À la suite des tragédies de la Seconde Guerre, le courant de la psychologie humaniste est considéré comme exagérément optimiste en Europe. Introduit en France dans les années 1970 par Anne Ancelin Schützenberger219, il reste relativement peu répandu.
Dans leur Dialectique de la Raison, publiée en 1947 (mais seulement traduite en France en 1974222), Theodor W. Adorno et Max Horkheimer se demandent comment il est possible que la raison ait été défaillante au point de ne pas pouvoir anticiper la barbarie puis empêcher qu’elle perdure. Selon eux, une forme d’abêtissement général est à l’œuvre du fait que le monde occidental est structuré par l’industrie culturelle, la publicité et le marketing, qui constituent une forme difficilement perceptible de propagande du capitalisme. Tout cela, donc, non seulement ne provoque pas l’émancipation des individus mais au contraire les assujettit à un fort désir de consommer et génère une uniformisation des modes de vie, un nivellement des consciences. À force de matraquage médiatique, le capitalisme impose dans les consciences une conception du monde qui contribue, disent les philosophes marxistes, à imposer de facto un « anti-humanisme » : toute tentative pour penser et instituer une nouvelle forme d’humanisme s’annonce donc a priori ardue.
Certains critiques estiment toutefois que, contrairement à ce que peut induire a priori le discours d’Adorno, il faut voir en celui-ci un humaniste. Car s’il se livre à une critique radicale de la « vie fausse », cette critique permet en définitive d’envisager en creux la conception d’une « vie juste »223.
En marge du débat sur les effets du progrès techniquesur les humains, mais alors qu’aux lendemains de la tragédie de la Guerre bon nombre d’intellectuels se demandent si le terme « humanisme » a encore un sens, Sartre jette en 1944, dans L’Être et le Néant224, les bases de sa doctrine : l’existentialisme.
Aux marxistes, qui n’y voient qu’une « philosophe de l’impuissance », bourgeoise, contemplative et individualiste, il répond deux ans plus tard, lors d’une conférence à la Sorbonne. Selon lui, malgré le poids des déterminations économiques et sociales identifiées par Marx, mais dès lors qu’il est capable de les identifier, l’homme peut se réaliser, s’épanouir : l’existentialisme est d’autant plus un humanisme que l’homme est athée et que, unique créateur de ses valeurs, il assume courageusement sa solitude et ses responsabilités225. Il existe(matériellement) avant d’être (c’est-à-dire avant de décider d’être ceci ou cela) : « l’existence précède l’essence ».
En 1947, soit un an après la conférence de Sartre, Heidegger est à son tour interrogé : le mot « humanisme » est-il encore approprié ? Dans la Lettre sur l’humanisme, un texte assez court mais dense, le philosophe définit l’humanisme comme « le souci de veiller pensivement à ce que l’homme soit humain et non inhumain, privé de son humanité »226 et il estime que donner du sens à ce mot revient à questionner « l’essence de l’homme » en écartant la définition traditionnelle de « l’homme animal raisonnable ». Considérant que seul un homme est capable d’élaborer une pensée abstraite et que cette capacité tient au caractère subtil, complexe, de son langage, il pense toutefois que les humains auraient tort de se revendiquer « humanistes » de façon inconsidérée, dès lors que, de plus en plus dominés par la technique, ils tendent à devenir étrangers à eux-mêmes. Il conclut qu’on ne peut prendre position sur l’humanisme qu’en s’attelant à cette question.
Heidegger est généralement considéré comme un « anti-humaniste ». L’essayiste Jean-Claude Guillebaud estime que les choses sont plus complexes :
« Pour Heidegger, le désenchantement du monde, son asservissement par la technique, l’assujettissement de l’humanitas à la rationalité marchande ne sont pas des atteintes portées à l’humanisme, mais l’aboutissement de l’humanisme lui-même. C’est-à-dire du projet d’artificialisationcomplète de la nature par la culture humaine, d’un arraisonnement du naturel par le culturel, d’une volonté de maîtrise absolue du réel par la rationalité humaine. (…) Pour Heidegger, la science, la technique, la technoscience, ne constituent en rien un naufrage de l’humanisme traditionnel, mais tout au contraire son étrange triomphe227. »
Guillebaud cite alors le philosophe et juriste Bernard Edelman : « Par là même, l’humanisme révèle sa véritable nature : une alliance coupable de la philosophie et de la science, qui a réduit la philosophie à une pensée technique »228. Puis il poursuit son argumentation :
« L’humanisme n’aurait eu d’autre fin que d’asservir la nature à la rationalité et celle-ci à la technique. Toute l’œuvre de Heidegger peut s’interpréter comme une critique en règle de cet humanisme dévoué à la « facticité », tournant dramatiquement le dos à la nature, désenchantant le monde et finissant par priver peu à peu l’être humain de tout principe d’humanité, de toute humanitas229. »
« L’Assemblée générale proclame la présente Déclaration universelle des droits de l’homme comme l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la société, ayant cette Déclaration constamment à l’esprit, s’efforcent, par l’enseignement et l’éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d’en assurer, par des mesures progressives d’ordre national et international, la reconnaissance et l’application universelles et effectives, tant parmi les populations des Etats Membres eux-mêmes que parmi celles des territoires placés sous leur juridiction. »
En marge de ces événements, quelques intellectuels ouvrent un nouveau volet de la réflexion sur l’humain : la technocritique. Certains d’entre eux continuent de questionner le machinisme (c’est le cas notamment du sociologue Georges Friedmann232 et de l’écrivain Georges Bernanos233) mais la plupart tentent d’analyser la rationalité qui sous-tend non seulement la fabrication des machines mais aussi l’organisation du travail et la vie quotidienne. Ils ne parlent plus alors des techniques mais de latechnique, comme on parle de la science.
En 1946, dans La perfection de la technique, Friedrich Georg Jüngerconsidère que ce qu’on appelle « le progrès technique » correspond à un déficit spirituel, que la raison cherche à dissimuler234. En 1948, dans La mécanisation au pouvoir, Siegfried Giedion écrit : « Les relations entre l’homme et son environnement sont en perpétuel changement, d’une génération à l’autre, d’une année à l’autre, d’un instant à l’autre. Notre époque réclame un type d’homme capable de faire renaître l’harmonie entre le monde intérieur et la réalité extérieure »235.
« En dépit de toutes les perversions qu’a pu couvrir le discours humaniste, c’est à un humanisme concretqu’Orwell nous demande de nous tenir, même s’il faut sans cesse le reformuler à cause de ses compromissions historiques. S’il y a un espoir, il n’est pas dans telle catégorie sociale ou idéalisée, dans tel groupe humain sacralisé, encore moins dans tel individu charismatique. S’il y a un espoir, il ne peut être qu’en l’homme et en tout homme, à commencer par soi-même, et par ceux que l’on côtoie ici et maintenant. Parce que la menace antihumaniste est présente au cœur de l’être humain, c’est au cœur de chaque homme que se joue la lutte pour l’humanité. Personne n’a le droit de se reposer sur l’idée qu’il y aura toujours des êtres d’exception, des héros, des « hommes dignes de ce nom » chargés à sa place de perpétuer la dignité de l’espèce237. »
En 1950, le mathématicien américain Norbert Wiener, souvent présenté comme un humaniste238, publie un livre intitulé The Human Use of Human Beings (« l’usage humain des êtres humains ») dans lequel il envisage la « machine à décision »239.
En 1952, dans La Technique ou l’enjeu du siècle, Jacques Ellulpartage en grande partie ce pessimisme car il estime qu’en l’état des choses, la technique est devenue un processus autonome, qui se développe par lui-même, sans véritable contrôle d’ensemble de la part des humains (au sens du dicton populaire « on n’arrête pas le progrès »). Pour enrayer ce processus, explique-t-il, il faudrait d’abord que les humains soient à même de différencier « la technique » de « la machine » (la seconde n’étant à ses yeux qu’un aspect superficiel de la première).
Ellul insiste sur le fait que « le phénomène technique est la préoccupation de l’immense majorité des hommes de notre temps, de rechercher en toutes choses la méthode absolument la plus efficace ». Et il ajoute que, s’ils tiennent à conserver un minimum de liberté, c’est à la prise de conscience de cette addiction à l’impératif d’efficacité que les humains doivent s’atteler240.
En 1956, dans L’Obsolescence de l’homme (qui ne sera traduit en France qu’en 2002242), Günther Anders qualifie de « décalage prométhéen » l’écart entre les réalisations techniques de l’homme et ses capacités morales puis de « honte prométhéenne » le sentiment de répulsion qu’il éprouve lorsqu’il est contraint de prendre conscience de cet écart243.
Les trois temps de l’humanisme
En 1956, dans un document produit pour l’Unesco et resté longtemps inédit244,245, l’anthropologue Claude Lévi-Strauss identifie trois phases de l’humanisme : l’humanisme aristocratique (qui correspond à l’époque de la Renaissance, au cours de laquelle on a redécouvert les textes de l’Antiquité classique), l’humanisme exotique (correspondant au xixe siècle, quand l’Occident s’est ouvert aux civilisations de l’Orient et de l’Extrême-Orient) et l’humanisme démocratique, plus récent, grâce à l’apport de l’ethnologie, qui « fait appel à la totalité des sociétés humaines pour élaborer une connaissance globale de l’homme. » Lévi-Strauss précise :
« L’ethnologie et l’histoire nous mettent en présence d’une évolution du même type. (…). L’histoire, comme l’ethnologie, étudie des sociétés qui sont autres que celle où nous vivons. Elles cherchent toutes deux à élargir une expérience particulière aux dimensions d’une expérience générale, ou plus générale, qui devient ainsi accessible à des hommes d’un autre pays ou d’un autre temps. Comme l’histoire, l’ethnologie s’inscrit donc dans la tradition humaniste. (…) L’ethnologie fait appel à la totalité des sociétés humaines pour élaborer une connaissance globale de l’homme. (…) Elle opère simultanément en surface et en profondeur. »
En 1958, le philosophe Gilbert Simondon traite à son tour de la question technique246 mais plaide en faveur d’un nouvel humanisme qui, comme celui des Lumières, serait construit sur l’esprit encyclopédique mais qui, en revanche, « ne régresserait pas au statut d’idéologie européo-centriste et scientiste, (ladite idéologie) ayant pour nom « universalisme de la raison humaine » »247.
Selon Jean-Hugues Barthélémy, exégète de la pensée de Simondon, l’encyclopédisme tel que celui-ci l’envisage « n’a pas vocation à être un système du savoir absolu et définitif », comme cela a été le cas à partir des Lumières, il doit au contraire être « automodifiable ». Simondon appelle de ses vœux un « humanisme difficile », en opposition à l’« humanisme facile » (idéologique et figé) hérité des Lumières248 : « l’humanisme ne peut jamais être une doctrine ni même une attitude qui pourrait se définir une fois pour toutes ; chaque époque doit découvrir son humanisme, en l’orientant vers le danger principal d’aliénation »249.
« Stimulante et originale à plus d’un titre, elle repose néanmoins sur un postulat critiquable : une adhésion de principe à la logique technoscientifique. Pour lui, indiscutablement, la technique est « bonne » en soi puisqu’elle n’est jamais qu’une cristallisation de la pensée humaine. Elle est d’ailleurs, par essence, universaliste et libératrice. C’est elle qui fait éclater les particularismes, les préjugés ou les intolérances du passé. C’est elle qui remet en question les symbolisations normatives d’autrefois et libère l’homme contemporain des anciennes sujétions ou assignations collectives. (…) La démarche est à l’opposé de celle d’Ellul. Là où Ellul prône la résistance critique, Simondon propose au bout du compte le ralliement et même le syncrétisme. Là où Ellul se méfie du « processus sans sujet » incarné par la technoscience, Simondon fait l’éloge de l’universalismetechnoscientifique. Il l’oppose même à l’archaïsme et au particularisme de la culture traditionnelle. Là où Ellul campe sur un principe de transcendance, Simondon sacrifie à un relativisme intégral. Il assigne ipso facto à la philosophie un devoir d’adaptation, plus raisonnable à ses yeux que toute démarche critique ou toute résistance cambrée250. »
Guillebaud avance que l’« humanisme difficile » de Simondon prépare le terrain du transhumanisme (lire infra).
En 1964, dans L’Homme unidimensionnel, le philosophe allemand Herbert Marcuse décrit une humanité entièrement façonnée par les médias ainsi que les techniques de publicité et de marketing, qui créent de faux besoins. Et selon le Canadien Marshall McLuhan, les médias – par leur nature même – façonnent les individus bien plus que les messages qu’ils véhiculent : ils entretiennent l’illusion d’une prise directe avec le réel. En 1966, dans Sept études sur l’homme et la technique, Georges Friedmannestime que la technique tend à devenir un milieu environnant, en lieu et place du milieu naturel, sans même que les humains ne s’en émeuvent251. De même en 1967, dans La Société du spectacle, Guy Debord décrit les humains sous l’emprise des marchandises mais inconscients de cette aliénation. Et les débats de société lui paraissent extrêmement superficiels, glissant sur les événements sans jamais en saisir le sens profond : le monde n’est plus pour lui qu’un « spectacle »252.
« Si la poursuite du développement demande des techniciens de plus en plus nombreux, elle exige encore plus des sages de réflexion profonde, à la recherche d’un humanisme nouveau, qui permette à l’homme moderne de se retrouver lui-même, en assumant les valeurs supérieures d’amour, d’amitié, de prière et de contemplation. Ainsi pourra s’accomplir en plénitude le vrai développement, qui est le passage, pour chacun et pour tous, de conditions moins humaines à des conditions plus humaines.253. »
Et en 1968, le psychanalystegermano-américain Erich Frommestime lui aussi qu’il est souhaitable et possible d’humaniser la technique254.
En 1969 et 1973, le Français Alain Touraineet l’Américain Daniel Bell introduisent l’idée que les humains évoluent dans une « société post-industrielle » : les éléments matériels (matières premières et machines) qui caractérisaient la société industriellesont désormais subordonnés à un grand nombre d’éléments immatériels (connaissance et information)255. Entretemps, dans La Société de consommation, Jean Baudrillard estime que les relations sociales sont à présent totalement structurées par la consommation.
En 1977, dans Le système technicien, Jacques Ellul avance la thèse que la technique forme désormais un système englobant. Lentement mais sûrement, les humains sont tenus de s’y conformer :
« Toute la formation intellectuelle prépare à entrer de façon positive et efficace dans le monde technicien. Celui-ci est tellement devenu un milieu que c’est à ce milieu que l’on adapte la culture, les méthodes, les connaissances des jeunes. L’humanisme est dépassé au profit de la formation scientifique et technique parce que le milieu dans lequel l’écolier plongera n’est pas d’abord un milieu humain mais un milieu technicien. (…) Lorsqu’on recherche un humanisme pour la société technicienne, c’est toujours sur la base que l’homme en question est avant tout fait pour la technique, le seul grand problème est celui de l’adaptation256. »
En 1988, dans Le bluff technologique, Ellul emprunte à Sartre et Jacquard l’expression « inventer l’homme »257. Mais, faisant référence à la montée de l’anthropotechnie, et comme Jacquard, c’est pour montrer aussitôt le caractère désespéré de cette formule258. Et devant l’émergence de ce que l’on appellera bientôt la « révolution numérique », il lâche ses mots : « le système technicien, exalté par la puissance informatique, a échappé définitivement à la volonté directionnelle de l’homme »259.
« La mort de l’homme »
En 1966, deux intellectuels français émettent des critiques radicales à l’encontre du concept d’humanisme, mais selon des points de vue très différents.
Guy Debordestime que, complètement immergés dans la société de consommation et l’univers des mass media, les humains sont façonnés par eux, « aliénés », au point de devenir des « barbares » :
« Le barbare n’est plus au bout de la Terre, il est là, constitué en barbare précisément par sa participation obligée à la même consommation hiérarchisée. L’humanisme qui couvre cela est le contraire de l’homme, la négation de son activité et de son désir ; c’est l’humanisme de la marchandise, la bienveillance de la marchandise pour l’homme qu’elle parasite. Pour ceux qui réduisent les hommes aux objets, les objets paraissent avoir toutes les qualités humaines, et les manifestations humaines réelles se changent en inconscience animale260. »
Debord développera cette idée l’année suivante dans son livre La société du Spectacle. Le terme « spectacle » ne signifiant pas « un ensemble d’images mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images »261.
Michel Foucault, se référant au concept nietzschéen de « la mort de Dieu », annonce « la mort de l’homme », en tant qu’objet d’étude262 :
« Plus que la mort de Dieu (ou plutôt « dans le sillage de cette mort », selon une corrélation profonde avec elle, ce qu’annonce la pensée de Nietzsche), c’est la fin de son meurtrier ; (…) c’est l’identité du Retour du Même et de l’absolue dispersion de l’homme. (…) L’homme est une invention dont l’archéologie de notre pensée montre aisément la date récente. Et peut-être la fin prochaine263. »
Et considérant que toutes les positions morales et culturelles se valent, sont « relatives », il tourne le terme « humanisme » en dérision :
« On croit que l’humanisme est une notion très ancienne qui remonte à Montaigne et bien au-delà. (…) on s’imagine volontiers que l’humanisme a toujours été la grande constante de la culture occidentale. Ainsi, ce qui distinguerait cette culture des autres, des cultures orientales ou islamiques par exemple, ce serait l’humanisme. On s’émeut quand on reconnaît des traces de cet humanisme ailleurs, chez un auteur chinois ou arabe, et on a l’impression alors de communiquer avec l’universalité du genre humain.
Or non seulement l’humanisme n’existe pas dans les autres cultures, mais il est probablement dans la nôtre de l’ordre du mirage.
Dans l’enseignement secondaire, on apprend que le xvie siècle a été l’âge de l’humanisme, que le classicisme a développé les grands thèmes de la nature humaine, que le xviiie siècle a créé les sciences positives et que nous en sommes arrivés enfin à connaître l’homme de façon positive, scientifique et rationnelle avec la biologie, la psychologie et la sociologie. Nous imaginons à la fois que l’humanisme a été la grande force qui animait notre développement historique et qu’il est finalement la récompense de ce développement, bref, qu’il en est le principe et la fin. Ce qui nous émerveille dans notre culture actuelle, c’est qu’elle puisse avoir le souci de l’humain. Et si l’on parle de la barbarie contemporaine, c’est dans la mesure où les machines, ou certaines institutions nous apparaissent comme non humaines.
Tout cela est de l’ordre de l’illusion. Premièrement, le mouvement humaniste date de la fin du xixe siècle. Deuxièmement, quand on regarde d’un peu plus près les cultures des xvie, xviie et xviiie siècles, on s’aperçoit que l’homme n’y tient littéralement aucune place. La culture est alors occupée par Dieu, par le monde, par la ressemblance des choses, par les lois de l’espace, certainement aussi par le corps, par les passions, par l’imagination. Mais l’homme lui-même en est tout à fait absent264. »
L’humanisme contre l’homme
Un an après les positions de Debord et Foucault, Ellul se livre à une critique plus radicale encore :
« Comment nier que l’humanisme a toujours été la grande pensée bourgeoise ? Voyez comme il s’est répandu partout. (…) Maintenant, il est un rassurant thème de devoirs d’école primaire et tout le monde en veut : il s’agit de prouver que le marxisme est un humanisme, que Teilhard est humaniste, que le christianisme est un humanisme, etc. Mais il est toujours le même. Il a toujours été ce mélange de pseudo-connaissance de l’homme au travers desdites humanités, de sentimentalité pleurnicharde sur la grandeur de l’homme, son passé, son avenir, ses pompes et ses œuvres, et sa projection dans l’absolu de l’Homme, titularisé. L’humanisme n’est rien de plus qu’une théorie sur l’homme.
Depuis longtemps, on a dénoncé le fait que, grâce à cette théorie, grâce à cette exaltation, on pouvait éviter de considérer la réalité, le concret, la situation vécue de l’homme. (…) L’humanisme est la plus grande parade contre la réalité. Il s’est présenté comme doctrine pour éviter que, du premier coup, chacun ne voie qu’il était simple discours et idéologie ». (…) Doctrine, certes, mais toujours exposée dans les larmoiements. (…) Le tremolo est la marque du sérieux. Il fallait à tout prix empêcher d’apercevoir le hiatus entre « l’Homme de l’humanisme » et « les hommes menant leur vie concrète ». C’est la sentimentalité qui comble le hiatus. (…) L’unité de l’objet et du sujet se reconstitue dans la sentimentalité. On ne peut plus à ce moment accuser l’humanisme de manquer de sérieux ou de concret. Cette comédie du sérieux à l’état pur fut encore une invention géniale du bourgeois. elle révèle par son existence même ce qu’elle prétendait cacher, à savoir l’éclatement de l’homme, dénoncé par Marx, et non seulement voilé mais provoqué par l’humanisme lui-même. Il suffit de poser la question de la coïncidence historique : « Quand donc l’humanisme fut-il clamé et proclamé ? ». Exactement au moment où, dans ses racines, l’homme commençait à être mis en question par l’homme265. »
Pour expliquer comment et pourquoi « l’humanisme est la plus grande parade contre la réalité », Ellul précise :
« Se justifier soi-mêmeest la plus grande entreprise de l’homme, avec l’esprit de puissance, ou plutôt après la manifestation de cet esprit. Car l’homme ayant agi ou vécu selon cet esprit ne peut pas se contenter d’avoir réalisé sa puissance, il faut encore qu’il se proclame juste266. »
Globalement, il approuve l’analyse de Debord267 mais très partiellement seulement celle de Foucault :
« (Son) radical rejet de presque tout ce qui constitue l’humanisme est bon. Mais (il) a tort de ne pas voir que, ce faisant, il poursuit exactement ce que l’humanisme avait commencé. L’humanisme, système de liquidation de l’homme dans sa période primaire de son asservissement, de sa mise en question, œuvres l’un et l’autre du bourgeois, n’est plus aujourd’hui pour continuer la persévérante néantisation de l’homme. Les moyens (techniques) dépassent infiniment l’idéologie (de l’humanisme). Il fallait mettre en accord la pensée avec la situation268. »
Ellul reproche ainsi à Foucault d’exprimer une « fausse contradiction »269 : compte tenu de la prégnance de l’idéologie technicienne, il est non seulement inutile de critiquer l’humanisme sans critiquer l’idéologie technicienne mais critiquer le premier sans critiquer la seconde revient à alimenter soi-même la seconde.
« Renaissance de l’humanisme » ?
S’opposant à ces prises de positions pour le moins négatives, certains veulent croire en la pertinence du concept d’humanisme. C’est entre autres le cas de deux scientifiques français : l’ethnologueClaude Levi-Strauss, en 1973, puis le neurobiologisteJean-Pierre Changeux, dix ans plus tard.
Tous deux se disent humanistes mais leurs points de vue sont radicalement différents.
Humanisme et ethnologie
Selon Claude Levi-Strauss, « après l’humanisme aristocratique de la Renaissance et l’humanisme bourgeois du xixe siècle », l’ethnologie pourrait marquer l’avènement d’un nouvel humanisme :
« Quand les hommes de la fin du Moyen-Âge et de la Renaissance ont redécouvert l’antiquité gréco-romaine,(…) (ils) reconnaissai(en)t qu’aucune civilisation ne peut se penser elle-même, si elle ne dispose pas de quelques autres pour servir de terme de comparaison. La Renaissance a retrouvé, dans la littérature ancienne (…) le moyen de mettre sa propre culture en perspective, en confrontant les conceptions contemporaines à celles d’autres temps et d’autres lieux. (…) Aux xviie et xixe siècles, l’humanisme s’élargit avec le progrès de l’exploration géographique. (…) En s’intéressant aujourd’hui aux dernières civilisations encore dédaignées – les sociétés dites primitives – l’ethnologie fait parcourir à l’humanisme sa troisième étape. Sans doute sera-t-elle aussi la dernière, puisqu’après cela, l’homme n’aura plus rien à découvrir de lui-même, au moins en extension270,271. »
« L’homme neuronal »
En 1983 parait en FranceL’homme neuronal, de Jean-Pierre Changeux, un ouvrage qui déclenche un grand nombre de réactions, notamment chez les philosophes et les psychanalystes. Portée par les avancées dans le domaine des neurosciences, la thèse développée est biologisante272 : elle s’appuie sur un modèle théorique scientisteet réductionniste qui consiste à appliquer aux phénomènes sociaux une grille de lecture inspirée des sciences de la vie ; autrement dit selon lequel les conditions naturelles et organiques de la vie et de son évolution (gènes, hormones, neurotransmetteurs, lois néodarwiniennes) constituent la base non seulement de la réalité physique des hommes mais aussi de ce qui autrefois était considéré comme « spirituel » : « le clivage entre activités mentales et neuronales ne se justifie pas. Désormais à quoi bon parler d’esprit ? », résume Changeux. En cela, sa conception de l’homme est l’héritière de la philosophie mécaniste de Descartes (théorie de l’homme-machine, début du xviie siècle) et de La Mettrie (début du xviiie siècle), du transformisme de Lamarck (fin du xviiie siècle) et du darwinisme social d’Herbert Spencer(fin du xixe siècle) ; et plus récemment de la psychologie évolutionniste (début du xxe siècle) et de la sociobiologie (seconde moitié du xxe siècle)273.
Mais Changeux se défend d’être déterministe, plus précisément adaptationniste. Selon lui, le cerveau peut faire preuve d’une plasticité étonnante et, du moment que l’on prend conscience de son fonctionnement, on peut agir sur soi-même, développer les capacités que l’on souhaite et modifier dans une certaine mesure ses comportements. L’homme est « programmé pour être libre ». À la question, « la biologie est-elle un humanisme ? », le sociologue Sébastien Lemerle répond qu’il y voit surtout le signe d’un conformisme extrême au libéralisme économique : « Dès le début des années 1980, Robert Castelobservait que la passion pour la biologie pouvait être une arme de guerre contre la pensée critique. Dans les entreprises, racontait-il, quand les salariés se plaignent d’être dépossédés de leur autonomie par une nouvelle organisation du travail, l’une des réponses des services de gestion du personnel consiste à reformuler les problèmes dans un registre « psychologisant » fondé en partie sur la biologie : « Votre mal-être est un problème relationnel, on peut y remédier en vous aidant à vous reprogrammer et en éliminant les pensées et comportements négatifs », grâce à la programmation neuro-linguistiquepar exemple. Pour le biologisme, plutôt que de changer le monde, il vaut mieux s’y adapter »274.
Toutefois, le mathématicien Jean-Pierre Kahane voit dans la pensée de Changeux la marque d’un « vibrant humanisme »275. De même, les organisateurs du Prix Balzan (prix littéraire pour les neurosciences cognitives) estiment qu’il est « un maître à penser, un humaniste du xxie siècle »276. La journaliste Caroline Delageconsidère qu’il est « le parfait exemple de ce que l’on appelait autrefois un humaniste : un homme pétri d’histoire, de sciences et de beaux-arts »277. Changeux lui-même déclare « désirer faire passer un message humaniste »278.
L’humanisme et les « -ismes »
À partir des années 1970, différents intellectuels estiment qu’il importe d’analyser le mot « humanisme » ainsi que tous ceux auxquels il est le plus souvent associé (christianisme, athéisme, scientisme, marxisme…) afin de déceler : 1°) ce qui les rapproche par delà leur antagonisme apparent ; 2°) inversement, le côté utopique de vouloir les associer ; 3°) l’impossibilité pure et simple de les définir.
En 1979, Jacques Ellul se réfère entre autres à la théologie de la libérationpour démontrer que « christianisme » et « marxisme » ne sont nullement contradictoires, précisément parce qu’ils sont tous deux des idéologies ; terme qu’il définit ainsi : « dégradation sentimentale et vulgarisée d’une doctrine politique ou d’une conception globale du monde »279.
En 1982, Ernesto Grassi, à l’inverse, démontre le caractère aporétique de l’expression « marxisme-humanisme », se référant à la fois à l’humanisme de la Renaissance, aux théories de l’histoire de Vico et aux positions d’Heidegger280,281 (lire infra). Selon lui, « le marxisme a négligé la relation établie par Vico entre travail et imagination. C’est la cœur de la différence entre marxisme et humanisme »282.
En 1995, l’historienne hongroise Mária Ormos estime que, compte tenu des effets de propagande, les mots sont complètement dévalués : la distinction entre l’« humanisme » affiché du stalinisme et l’« anti-humanisme » du nazisme ne peut être la source d’aucun enseignement, elle n’a pas de sens283.
À la fin du siècle, l’idéologie humaniste est entrée dans le moule institutionnel (lire infra) et les expressions ingérence humanitaire et aide humanitaire font partie du langage usuel. Mais au delà des arguments invoqués (entre-aide, générosité…), les critiques fusent.
En 1992, certains militants libertaires rapprochent l’humanitarisme des pratiques de philanthropie mises en place à la fin du xviiie siècle par les cercles libéraux : « les organisations humanitaires ressemblent aux femmes de patrons qui s’occupaient des pauvres pendant que leurs maris les fabriquaient »284.
Les milieux conservateurs ne sont pas non plus avares de critiques. Ainsi, en 1993, Luc Ferry fait remarquer que « l’on reproche volontiers au droit-de-l’hommisme de verser dans un « universalisme abstrait » et désincarné, oublieux des réalités historiques qui, seules, permettent de comprendre le sens véritable des conflits humains. Bien plus, on soupçonne la nouvelle charité de faire trop bon ménage avec le « business » : pour l’essentiel, elle servirait à donner bonne conscience aux téléspectateurs tout en assurant le succès médiatique de ses promoteurs »285.
Selon Marcel Gauchet, une « politique des droits de l’homme » est née en raison d’une « puissante poussée d’individualisme » mais le fait que les droits de l’homme sont précisément érigés en politique révèle « une incapacité à se représenter l’avenir et une impuissance à penser la coexistence de l’individu et de la société »287.
Par ailleurs, tout comme le concept de droit de l’homme, celui d’humanitude est dilué dans les logiques marchandes : alors qu’en 1987, le philosophe Albert Jacquardle définissait comme « les cadeaux que les hommes se sont faits les uns aux autres depuis qu’ils ont conscience d’être »18, deux psycho-gériatres le réduisent par la suite à une marque déposée de soins.
Pour un « humanisme paradoxal et tragique »
En 1993, Jean-Michel Besnierpréconise un renouveau de l’humanisme288. Celui-ci, estime-t-il, doit être « paradoxal et tragique » :
« C’est dans la désillusion qu’il faut puiser les armes du renouveau. (…) Ayons le courage d’admettre que l’homme est méchant et naturellement égoïste, que la culture ne le met pas à l’abri des régressions vers la barbarie et que rien jusqu’à présent ne le distingue radicalement des animaux eux-mêmes. (…) L’humanisme désillusionné auquel nous sommes désormais contraints sera forcément non dogmatique : sa force résidera dans le refus qu’il oppose à toute ambition de réduire l’homme à une essence éternelle ou à une définition générique (…). Si l’optimisme ne nous est plus permis, il reste en revanche à accueillir la puissance mobilisatrice du pessimisme : car c’est être humaniste que de dire « non » au monde tel qu’il va et aussi de savoir (…) que l’inhumain est une part nécessaire de l’humain. (…) La ruine des absolus est une chance pour les hommes. (…) Enfin, n’est-il pas bon que l’humanisme se dégage du mol oreiller des consensus ? La bannière ne rassemblera qu’en tenant compte de ce qui divise. (…) Il n’est d’attitude humaniste que dans la sauvegarde des espaces où peuvent se négocier les conflits. (…) Un pessimisme actif vaut mieux qu’un optimisme béat, la régulation des conflits est préférable au confort éphémère des consensus et la charge contre le présent, même dépourvue d’illusions, comporte davantage d’humanité que la fuite en avant vers quelque insoutenable bonheur. Il n’est d’humanisme que paradoxal et tragique289. »
En 1998, Tzvetan Todorovs’éloigne de ses premières analyses structuralistes pour aborder la notion d’humanisme, en la démarquant catégoriquement de ce qu’il appelle l’« humanisme conservateur », l’« humanisme scientiste » et l’« humanisme individualiste »290, mais également de l’« humanisme politique » (notamment sa variante républicaine coloniale) et de l’« humanisme des Droits de l’homme »291. Il considère que, dans toutes ces familles, on veut « continuer à jouir de la liberté sans avoir à en payer le prix »292 et il plaide en définitive pour un humanisme basé sur trois principes qu’il appelle l’« autonomie du je », la « finalité du tu » et l’« universalitédes ils »293.
Commentant son livre, Sophie Ernst, philosophe à l’INRP propose cette typologie :
« Il y aurait l’humanisme comme idéologie, lorsque ne fonctionne qu’un simple schéma engendrant des lieux communs, assez nettement identifiables, et il y aurait l’humanisme comme idéal, ce que Todorov a tenté de reconstruire avec une certaine plausibilité. Mais pour ne pas tomber dans les travers de l’humanisme comme idéologie, cet humanisme comme idéal ouvert et comme matrice créative (…) a besoin de s’enraciner dans l’humanisme comme corpus294. »
En 1998, dans son essai Règles pour le parc humain, sous-titré Une lettre en réponse à la Lettre sur l’humanisme de Heidegger, le philosophe Peter Sloterdijkconsidère que l’humanisme, par l’intermédiaire des livres, a longtemps servi aux hommes à se donner une consistance, une raison d’être, une bonne conscience : cela leur a permis de « se domestiquer ». Mais l’avènement de la culture de masse et la prétendue « révolution » numérique clôturent définitivement cette époque : le temps de l’humanisme est révolu. Il l’est d’autant plus que, malgré les bonnes intentions qu’il affichait, il a dégénéré en bolchévisme ou en fascisme. « Qu’est-ce qui apprivoise encore l’être humain quand l’humanisme échoue dans son rôle d’école de l’apprivoisement ? », conclut le philosophe295.
L’année suivante, l’Américain Francis Fukuyama tire à son tour un signal d’alarme. Dans un article intitulé « Le dernier homme dans une bouteille »296,297 et surtout en 2002, dans son livre Our Posthuman Future (traduit la même année en français par La fin de l’homme)298, il popularise l’expression « post-humanisme ».
On confond souvent les termes « post-humanisme » et « transhumanisme ». Ainsi lorsqu’en 2002 le Français Rémi Sussanécrit :
« Le transhumanisme, c’est l’idée que la technologie donne à l’homme les moyens de s’affranchir de la plupart des limitations qui lui ont été imposées par l’évolution, la mort étant la première d’entre elles. À terme, on pourrait voir naître, au-delà du post-humain, les premières créatures post-biologiques : soit des intelligences artificielles succèderont à leurs géniteurs humains, soit les hommes eux-mêmes fusionnés avec la machine jusqu’à être méconnaissables299. »
La différence entre les deux termes est pourtant essentielle. Le premier désigne le constat quelque peu désabusé (de Sloterdijk et Fukuyama) du dépassement de la condition humaine par les technologies. Le second désigne en revanche un courant de pensée prosélyte, issu d’un milieu d’ingénieurs (pour la plupart originaires de la Silicon Valley) qui, non seulement ne sont pas consternés par la situation mais tendent au contraire à s’en féliciter, tout en reconnaissant les risques et dangers que cette mutation soulève.
xxie siècle
Humanisme et capitalisme
À la fin de la Guerre froide, le libéralisme économique régit l’ensemble de la planète. De plus en plus de services, autrefois gratuits, deviennent payants. Il en va ainsi, notamment, des prises de positions d’un nombre croissant d’économistes, de philosophes et de sociologues. C’est ainsi que, selon l’historien Jean-Pierre Bilski, le concept d’humanisme se trouve régulièrement instrumentalisé, manié de sorte à humaniserl’idéologie capitaliste300.
De tels gains questionnent, sinon la crédibilité de la philosophie, du moins celle du propos : l’humanisme ne sert-il pas de caution morale au capitalisme ? Ferry pose la question311 et Comte-Sponville y répond. Il soutient que le travail est une valeur tout en qualifiant le capitalisme d’amoral. Il refuse en effet de l’évaluer en termes d’éthique au motif que celle-ci ne concerne que les individus. Et arguant que la majorité d’entre eux n’entendent pas changer de système, il cautionne la légitimité de celui-ci312, non sans revendiquer un certain cynisme313.
Chez les patrons22 et les managerseux-mêmes, l’humanisme est fréquemment présenté comme une référence. Ainsi en 2012, Laurence Parisot, cite Érasme (« L’esprit d’entreprise est bien supérieur à l’activité de commerce qu’il engendre »314) pour affirmer « l’ambition humaniste » du Medef, dont elle est présidente. « Quand nous disons « compétitivité », souligne-t-elle, nous voulons dire « compétitivité équitable », ce qui signifie que nous mettons toujours l’homme au cœur de nos projets »315.
« Mettre l’homme au cœur des projets de l’entreprise »… Un an après le discours de Parisot, Jean-Michel Heitz, professeur en management, commente cette formule, après avoir convoqué un grand nombre de philosophes (Aristote, Kant, Hegel, Heidegger, Foucault, Ricœur…) :
« Bien-être et entreprise sont-ils des oxymores ? Seule la considération du profitsemble dominer l’économie, on voit quotidiennement des cas de licenciements abusifs et les drames humains qui s’ensuivent engendrant chômage, précarité et perte d’estime de soi. Paradoxalement le discours ambiant ne cesse de scander son objectif : replacer l’homme au centre. Vœu pieux, utopie ? Lorsque l’on est un manager qui a réfléchi à ce que peut être l’humanisme à notre époque et dans ce cadre, on voit que la première condition pour lui donner un sens nouveau, c’est de créer le bien-être au travail, afin que chacun le vive comme une activité épanouissante et non pas destructrice. (…) Dans ma carrière de manager au sein d’entreprises de caractère international, il m’a fallu peu de temps pour vérifier que le bon management, efficace, ne peut s’appuyer que sur le respect des personnes316. »
L’« humanisme » à l’agonie
En marge à la fois de l’instrumentalisation du discours humaniste dans le monde managérial, ou bien son discrédit par les philosophes postmodernes(dans le sillage de Foucault) ou encore l’utilisation fourre-tout du mot « humanisme », rares sont ceux qui manifestent un questionnement approfondi sur l’humanisme.
En quête permanente d’une issue positive au conflit israélo-palestinien, Edward Saïd lui consacre en 2003 son dernier livre317. Et quelques jours avant sa mort, il précise qu’il croit encore à l’humanisme en tant que valeur : « … (ce) mot que, têtu, je continue à utiliser malgré son rejet méprisant par les critiques postmodernessophistiqués »318. À la fin des années 2000, il arrive que le terme « humanisme » soit utilisé à des fins polémiques, pour alimenter des débats au sein d’une discipline en perte d’audience du fait de la montée en puissance des technologies, par exemple la psychanalyse à la suite de l’impact croissant des sciences cognitivesdans la communauté scientifique. Mais les prises de position sont alors loin de faire l’unanimité319,320,321.
Les bons sentiments
En 2008, Edgar Morin appelle de ses vœux « un humanisme concret » :
« Bien que pendant vingt années la notion d’humanisme a été ridiculisée par la pensée dominante, je crois qu’elle doit être sauvegardée. (…) Cet humanisme a deux visages: l’aspect judéo-chrétien (Dieu qui a fait l’homme à son image dans la Bible le premier visage) et une source grecque (les hommes dirigent leur cité, la capacité des humains à s’autogouverner, par la démocratie, avec cette idée que la raison est ce qui doit nous guider en tant qu’humain). Bien qu’il continue à être irrigué par l’évangélisme, le premier visage s’est laïcisé profondément (…). Je poursuis cet humanisme en rejetant l’autre visage, celui qui veut faire de l’homme le maître et le possesseur de la nature. Descartesl’énonce encore avec prudence en disant que la science doit permettre à l’homme de se rendre « comme maître et possesseur de la nature », mais le message deviendra plus impératif avec Buffon, Marx, avec le développement économique, technique et scientifique moderne qui met en marche la maîtrise du monde. Cet humanisme est non seulement arrogant, mais en plus il est devenu absurde puisque la maîtrise de la nature considérée comme un monde d’objets conduit à la dégradation non seulement de la vie, mais aussi de nous-mêmes. Il était fondé sur la disjonction absolue entre l’humain et le naturel, alors que nous sommes dépendants. Nous devons abandonner l’idée d’un humanisme où l’homme prend la place de Dieu. Il ne faut pas nous diviniser, il faut nous respecter. (…) Je reprends le flambeau de l’humanisme, avec ce qu’il comporte d’universalisme, mais en faisant la rupture avec ce qu’il comporte d’universalisme abstrait. (…) Je pense qu’il faut un humanisme concret, fait de diversités et d’unité, qui reconnaisse les diversités humaines qui sont des formes de richesse322. »
En 2011 à la Basilique Sainte-Marie-des-Anges de Rome et devant le pape Benoit XVI et un parterre d’ecclésiastiques, Julia Kristevarecommande « dix principes pour l’humanisme du XXIe siècle ». Elle clôt son discours par ses mots : « Face aux crises et menaces aggravées, voici venu l’ère du pari. Osons parier sur le renouvellement continu des capacités des hommes et des femmes à croire et à savoir ensemble. Pour que, dans le multivers bordé de vide, l’humanité puisse poursuivre longtemps son destin créatif.»323
En 2015, le pape Françoisconcentre sa réflexion sur le concept d’humanisme chrétien, précisant que ses bases sont l’humilité, le désintéressement et la béatitude et que les « tentations » qui empêchent son développement sont le pélagianisme et le gnosticisme324. Mais peu après, devant les membres de l’Association des parents d’élèves de l’enseignement catholique italien, il déclare : « parler de l’éducation catholique équivaut à parler de l’humain, de l’humanisme. J’ai exhorté à donner une éducation inclusive, une éducation qui fasse une place à chacun et qui ne sélectionne pas de manière élitiste ceux qui bénéficieront de ses efforts325 ».
En 2016, il appelle les Européens à « un nouvel humanisme », tout en admettant que cette idée relève du « rêve »326 et d’une « utopiesaine »327 : « Je rêve d’une Europe où être migrant ne soit pas un délit mais plutôt une invitation à un plus grand engagement dans la dignité de l’être humain tout entier. (…) Je rêve d’une Europe dont on ne puisse pas dire que son engagement pour les droits humainsa été sa dernière utopie »328.
De l’humanisme au transhumanisme
Le début de ce siècle est traversé par un certain nombre d’inquiétudes (catastrophe écologique, montée du terrorisme…) et d’incertitudes, toutes liées à la démocratisation des « technologies (elles sont toujours plus accessibles à tout un chacun), à leur montée en puissance incessante (notamment l’intelligence artificielle et les techniques de manipulations du vivant) et au fait que le droit et l’éthique ont de plus en plus de mal à suivre le rythme des innovations. Si bien que le débat sur l’humanisme tend peu à peu à laisser la place à celui sur le post-humanisme et le transhumanisme.
Les questions se multiplient dans la littérature et les médias : les humains sont-ils maîtres de la technologie ou « contraints » d’innover sans cesse329 ? Celle-ci les oblige-t-ils à « se réinventer » sans cesse330 ? Seront-ils un jour « remplacés »331, voire « dépassés » par elle332 ? Dès à présent, sont-ils encore autonomes333 ? Face aux droits de l’homme, faut-il envisager un droit du robot334 ?
Après que l’humanisme de la Renaissance se soit constitué autour de l’idée que la raison peut se développer indépendamment de la foi et que celui des Lumières se soit construit autour de la prétention de la première à se substituer à la seconde, les « technoprophètes »335 affirment que le temps de l’humanisme est clos et qu’en revanche s’ouvre celui du transhumanisme336,337. Leurs prises de position divisent alors ouvertement deux camps : d’un côté les technophiles, qui estiment que « l’innovation résoudra tous nos maux » ; en face, les technophobes, « qui craignent perpétuellement le pire »338 et selon qui, en particulier, l’« intelligence artificielle est contraire à la dignité humaine »339.
H+, un symbole du transhumanisme.
Dans le sillage de l’« humanisme difficile » de Simondon (lire infra), le philosophe belge Gilbert Hottois estime non seulement que le transhumanisme ne contredit pas l’humanisme mais qu’il s’inscrit dans sa lignée :
« Le transhumanisme offre quelque chose à répondre aux religions et aux métaphysiques qui continuent de jouer un rôle considérable de légitimation, souvent implicite voire inconsciente, dans les prises de position éthique et politique pour ou contre les projets de recherche et les innovations. […] Il offre encore quelque chose à dire face au nihilisme, c’est-à-dire au vide laissé par l’effondrement des grandes religions, métaphysiques et idéologies modernes. […] Il promeut rationnellement et délibérément une espérance d’auto-transcendance matérielle de l’espèce humaine, sans limites absolues a priori… […] Son intérêt est aussi critique : il invite à réfléchir à certains préjugés et illusions attachés aux humanismes traditionnels et modernes dont il révèle, par contraste, des aspects généralement peu ou non perçus. […] Pour une part dominante, ces humanismes sont antimatérialistes et spiritualistes. S’ils ne sont plus pré-coperniciens, ils véhiculent des images pré-darwiniennes. Ils reconnaissent l’Histoire, mais guère l’Évolution. Ils ne voient l’avenir de l’homme que sous la forme de l’amélioration de son environnement et de son amélioration propre par des moyens symboliques (éducation, relations humaines, institutions plus justes, plus solidaires, plus égalitaires, etc.). L’humanisme relève d’une image implicite partiellement obsolète de l’homme. […] C’est à l’actualisation de l’image de l’homme et de sa place dans l’univers que le transhumanisme modéré bien compris travaille. Le transhumanisme, c’est l’humanisme, religieux et laïque, assimilant les révolutions technoscientifiques échues et la R&D à venir, capable d’affronter le temps indéfiniment long de l’Évolution et pas simplement la temporalité finalisée de l’Histoire. C’est un humanisme apte à s’étendre, à se diversifier et à s’enrichir indéfiniment. »
— Gilbert Hottois, Le transhumanisme est-il un humanisme ?, Académie Royale de Belgique, 2014, p. 75-77
Jean-Claude Guillebaud fait remarquer qu’Hottois « consent de bonne grâce au nihilismecontemporain dans lequel il voit plus d’avantages que d’inconvénients »340. Et lui-même cite Hottois :
« Nous sommes dans un monde, où l’ontologie, la métaphysique, le fondamentalisme et toutes les notions phares qui en relèvent – tels que Dieu, la vérité, l’être, la nature, l’essence, la valeur en soi, etc. – sont en crise et nous estimons que cette crise n’est pas le mal. Le nihilisme qui s’y associe présente beaucoup d’aspects positifs, émancipateurs, diversificateurs, créativité épanouissante de possibilités et d’espoir. »
— Gilbert Hottois, Essai de philosophie bioéthique et biopolitique, Librairie Vrin, 1999
Le génie génétique est un domaine d’interventions techniques permettant de modifier la constitution d’un organisme en supprimant ou en introduisant de l’ADN. On y recourt par exemple dans le domaine de l’agriculture (on parle alors d’organismes génétiquement modifiés) mais aussi sur les animaux et sur l’homme, à des fins thérapeutiques. La transgénèse est le fait d’implanter un ou plusieurs gènes dans un organisme vivant. Mais dès lors que la nature et l’homme sont modifiés dans leurs fondements biologiques mêmes, ces modifications posent des problèmes d’ordre éthique.
Jusqu’à quel point la technique peut-elle être utilisée par la médecine pour palier des déficiences et anomalies naturelles d’un être humain ? Peut-on, en vertu de principes de prévention et par le biais de manipulations génétiques, doter un individu sain de qualités dont la nature ne l’a pas pourvu (principe de l’homme augmenté, défendu par les penseurs transhumanistes) ? Ainsi se posent deux questions majeures dans le champ de la bioéthique.
Faisant valoir que c’est le principe d’humanité tout entier qui est remis en question par des moyens techniques341, Jean-Claude Guillebaud défend en 1999 un humanisme paradoxal, « aussi éloigné d’un universalismeconquérant que d’un déconstructivisme suicidaire »342 et « consistant à s’ouvrir à l’altérité, mais en faisant preuve d’une fermeté retrouvée quant aux principes qui constituent notre héritage historique »343.
Depuis les origines de la psychologie, la notion d’intelligenceest controversée : en quoi consiste-t-elle, comment la mesure-t-on ? etc. Or, à partir de la seconde moitié du xxe siècle, des ingénieurs anglais et américains se sont efforcés de développer les processus d’automation dans des machines, au point que peu à peu s’est répandue l’expression « intelligence artificielle ». Durant les années 1980a émergé l’idée que celle-ci pourrait un jour se montrer plus performante que l’intelligence humaine. Au début du xxie siècle, quelques futurologuesestiment que, dans bien des domaines, à commencer celui de la logique, cela sera prochainement le cas. Ainsi, en 2005, dans un ouvrage traduit sous le titre Humanité 2.0, l’un d’eux, l’Américain Ray Kurzweil, appelle singularité technologique cet hypothétique moment344.
En 2004, les Américains Ray Siemens et John Unsworth forgent l’expression Digital Humanities345. Les humanités numériques peuvent être définies comme l’application du « savoir-faire des technologies de l’informationaux questions de sciences humaines et sociales »346. Elles se caractérisent par des méthodes et des pratiques liées à l’utilisation et au développement d’outils numériques ainsi que par la volonté de prendre en compte les nouveaux contenus et médias numériques, au même titre que des objets d’étude traditionnels.
En 2001, dans le sillage direct de la pensée de Gilbert Simondon (lire supra), Xavier Guchet se prononce « pour un humanisme technologique », « récusant à la fois les pensées technicistes du social et les doctrines pour lesquelles un humanisme véritable doit commencer par disqualifier les techniques industrielles »347.
En 2011, se basant sur la typologie de Lévi-Strauss, Milad Doueihi, historien des religions français, prône un « humanisme numérique »348,349. Selon lui, l’humanisme numérique vise à repérer ce qui peut être conservé de l’humanisme classique350.
Par delà les prises de position philosophiques, le début du siècle est concrètement marqué par le brouillage des frontières entre l’humain et ses artefacts :
les robots eux-mêmes échangent des informations entre eux (objets connectés) ;
les humains peuvent sinon de changer de sexe, au moins de genre (transidentité) ;
ils peuvent évoluer dans des environnements artificiels se substituant aux environnements naturels (réalité virtuelle) ;
par le biais des réseaux sociauxet de la blogosphère, ils peuvent se faire entendre bien au-delà de leur périmètre naturel et énoncer toutes sortes de propos, vérifiés et argumentés ou non, effaçant ainsi les limites entre fantasmes et vérité (ère post-vérité).
Dans ce contexte de porosité extrême entre la nature et l’artifice, les débats portent moins sur l’humanisme que sur le principe d’humanité, pour reprendre l’expression de Jean-Claude Guillebaud351 :
« Voilà que la classique querelle de l’humanisme qui tournait autour de Heidegger et de l’héritage des Lumières, change brutalement de nature et de signification. Pourquoi ? Parce que cette fois, le point d’aboutissement de la rationalité humaniste n’est autre que le génie génétique, les biotechnologies, le cognitivisme, etc. Autrement dit, l’humanisme des Lumières débouche in fine sur une folle victoire contre… lui-même. Ce n’est plus la nature qu’il est en mesure d’asservir en la désenchantant, c’est le sujet lui-même. L’héritier de l’humanisme n’est donc plus cet homme rationnel, ce conquérant pressé de soumettre le monde à l’empire de sa raison. Le voilà réduit à une petite chose aléatoire qui n’est plus au centre du monde , à une « fiction » fragile que sa propre science est désormais capable de déconstruire352. »
Notes et références
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The Oldowan (or Mode I) is the earliest widespread stone toolarchaeological industry (style) in prehistory. These early tools were simple, usually made with one or a few flakes chipped off with another stone. Oldowan tools were used during the Lower Paleolithicperiod, 2.6 million years ago up until 1.7 million years ago, by ancient hominids (early humans) across much of Africa, South Asia, the Middle Eastand Europe. This technological industry was followed by the more sophisticated Acheuleanindustry.
Oldowan is pre-dated by Lomekwiantools at a single site dated to 3.3 mya (million years ago).[1] It’s not clear if there’s any connection to Oldowan.[2]
The term Oldowan is taken from the site of Olduvai Gorge in Tanzania, where the first Oldowan lithics were discovered by the archaeologist Louis Leakeyin the 1930s. However, some contemporary archaeologists and palaeoanthropologists prefer to use the term Mode 1 tools to designate pebble tool industries (including Oldowan), with Mode 2designating bifacially worked tools (including Acheulean handaxes), Mode 3 designating prepared-core tools, and so forth.[3]
Classification of Oldowan tools is still somewhat contentious. Mary Leakey was the first to create a system to classify Oldowan assemblages, and built her system based on prescribed use. The system included choppers, scrapers, and pounders.[4][5]However, more recent classifications of Oldowan assemblages have been made that focus primarily on manufacture due to the problematic nature of assuming use from stone artefacts. An example is Isaac et al.’s tri-modal categories of « Flaked Pieces » (cores/choppers), « Detached Pieces » (flakes and fragments), « Pounded Pieces » (cobbles utilized as hammerstones, etc.) and « Unmodified Pieces » (manuports, stones transported to sites).[6] Oldowan tools are sometimes called « pebble tools », so named because the blanks chosen for their production already resemble, in pebble form, the final product.[7]
It is not known for sure which hominin species created and used Oldowan tools. Its emergence is often associated with the species Australopithecus garhi[8] and its flourishing with early species of Homosuch as H. habilis and H. ergaster. Early Homo erectus appears to inherit Oldowan technology and refines it into the Acheulean industry beginning 1.7 million years ago.[9]
Dates and ranges
The oldest known Oldowan tools have been found in Gona, Ethiopia, and are dated to about 2.6 mya.[10]
The use of tools by apes including chimpanzees[11]and orangutans[12] can be used to argue in favour of tool-use as an ancestral feature of the hominin family.[13] Tools made from bone, wood, or other organic materials were therefore in all probability used before the Oldowan.[14] Oldowan stone tools are simply the oldest recognisable tools which have been preserved in the archaeological record.
There is a flourishing of Oldowan tools in eastern Africa, spreading to southern Africa, between 2.4 and 1.7 mya. At 1.7 mya., the first Acheulean tools appear even as Oldowan assemblages continue to be produced. Both technologies are occasionally found in the same areas, dating to the same time periods. This realisation required a rethinking of old cultural sequences in which the more « advanced » Acheulean was supposed to have succeeded the Oldowan. The different traditions may have been used by different species of hominins living in the same area, or multiple techniques may have been used by an individual species in response to different circumstances.
Sometime before 1.8 mya Homo erectus had spread outside of Africa, reaching as far east as Java by 1.8 mya[15] and in Northern China by 1.66 mya.[16] In these newly colonised areas, no Acheulean assemblages have been found. In China, only « Mode 1 » Oldowan assemblages were produced, while in Indonesia stone tools from this age are unknown.
By 1.8 mya early Homo was present in Europe, as shown by the discovery of fossil remains and Oldowan tools in Dmanisi, Georgia.[17] Remains of their activities have also been excavated in Spain at sites in the Guadix-Baza basin[18] and near Atapuerca.[19] Most early European sites yield « Mode 1 » or Oldowan assemblages. The earliest Acheulean sites in Europe only appear around 0.5 mya. In addition, the Acheulean tradition does not seem to spread to Eastern Asia.[20] It is unclear from the archaeological record when the production of Oldowon technologies ended. Other tool-making traditions seem to have supplanted Oldowon technologies by 0.25 mya.
Manufacture
To obtain an Oldowan tool, a roughly spherical hammerstone is struck on the edge, or striking platform, of a suitable core rock to produce a conchoidal fracture with sharp edges useful for various purposes. The process is often called lithic reduction. The chip removed by the blow is the flake. Below the point of impact on the core is a characteristic bulb with fine fissures on the fracture surface. The flake evidences ripple marks.
The materials of the tools were for the most part quartz, quartzite, basalt, or obsidian, and later flintand chert. Any rock that can hold an edge will do. The main source of these rocks is river cobbles, which provide both hammer stones and striking platforms. The earliest tools were simply split cobbles. It is not always clear which is the flake. Later tool-makers clearly identified and reworked flakes. Complaints that artifacts could not be distinguished from naturally fractured stone have helped spark careful studies of Oldowon techniques. These techniques have now been duplicated many times by archaeologists and other knappers, making misidentification of archaeological finds less likely.
Use of bone tools by hominins also producing Oldowan tools is known from Swartkrans, where a bone shaft with a polished point was discovered in Member (layer) I, dated 1.8–1.5 mya. The Osteodontokeratic industry, the « bone-tooth-horn » industry hypothesized by Raymond Dart, is less certain.
Shapes and uses
Giacobbe Giusti, Oldowan
Oldowan-tradition stone chopper.
Mary Leakey classified the Oldowan tools as Heavy Duty, Light Duty, Utilized Pieces and Debitage, or waste.[21] Heavy-duty tools are mainly cores. A chopper has an edge on one side. It is unifacial if the edge was created by flaking on one face of the core, or bifacial if on two. Discoid tools are roughly circular with a peripheral edge. Polyhedral tools are edged in the shape of a polyhedron. In addition there are spheroidal hammer stones.
Light-duty tools are mainly flakes. There are scrapers, awls (with points for boring) and burins(with points for engraving). Some of these functions belong also to heavy-duty tools. For example, there are heavy-duty scrapers.
Utilized pieces are tools that began with one purpose in mind but were utilized opportunistically.
Oldowan tools were probably used for many purposes, which have been discovered from observation of modern apes and hunter-gatherers. Nuts and bones are cracked by hitting them with hammer stones on a stone used as an anvil. Battered and pitted stones testify to this possible use.
Heavy-duty tools could be used as axes for woodworking. Both choppers and large flakes were probably used for this purpose. Once a branch was separated, it could be scraped clean with a scraper, or hollowed with pointed tools. Such uses are attested by characteristic microscopic alterations of edges used to scrape wood. Oldowan tools could also have been used for preparing hides. Hides must be cut by slicing, piercing and scraping it clean of residues. Flakes are most suitable for this purpose.
Lawrence Keeley, following in the footsteps of Sergei Semenov, conducted microscopic studies (with a high-powered optical microscope) on the edges of tools manufactured de novo and used for the originally speculative purposes described above. He found that the marks were characteristic of the use and matched marks on prehistoric tools. Studies of the cut marks on bones using an electron microscope produce a similar result.
Abbevillian
Abbevillian is a currently obsolescent name for a tool tradition that is increasingly coming to be called Oldowan. The label Abbevillian prevailed until the Leakey family discovered older (yet similar) artifacts at Olduvai Gorge (a.k.a. Oldupai Gorge) and promoted the African origin of man. Oldowan soon replaced Abbevillian in describing African and Asian lithics. The term Abbevillian is still used but is now restricted to Europe. The label, however, continues to lose popularity as a scientific designation.
In the late 20th century, discovery of the discrepancies in date caused a crisis of definition. If Abbevillian did not necessarily precede Acheulean and both traditions had flakes and bifaces, how was the difference to be defined? It was in this spirit that many artifacts formerly considered Abbevillian were labeled Acheulean. In consideration of the difficulty, some preferred to name both phases Acheulean. When the topic of Abbevillian came up, it was simply put down as a phase of Acheulean. Whatever was from Africa was Oldowan, and whatever from Europe, Acheulean.
The solution to the definition problem is stated in the article on Acheulean. The difference is to be defined in terms of complexity. Simply struck tools are Oldowan. Retouched, or reworked tools are Acheulean. Retouching is a second working of the artifact. The manufacturer first creates an Oldowan tool. Then he reworks or retouches the edges by removing very small chips so as to straighten and sharpen the edge. Typically but not necessarily the reworking is accomplished by pressure flaking.
The pictures in the introduction to this article are mainly labeled Acheulean, but this is the now false Acheulean, which also includes Abbevillian. The artifacts shown are clearly in the Oldowan tradition. One or two of the more complex bifaces may have edges made straighter by a large percussion or two, but there is no sign of pressure flaking as depicted. The pictures included with this subsection show the difference.
Tool users
Current anthropological thinking is that Oldowan tools were made by late Australopithecus and early Homo. Homo habilis was named « skillful » because it was considered the earliest tool-using human ancestor. Indeed, the genus Homo was in origin intended to separate tool-using species from their tool-less predecessors, hence the name of Australopithecus garhi, garhi meaning « surprise », a tool-using Australopithecine discovered in 1996 and described as the « missing link » between the Australopithecus and Homo genera. There is also evidence that some species of Paranthropus utilized stone tools.[22]
Giacobbe Giusti, Oldowan
Artistic interpretation of a female member of the Australopithecus genus. The emergence of Oldowan tools is often associated with the species Australopithecus garhi.[8]
There is presently no evidence to show that Oldowan tools were the sole creation of members of the Homo line or that the ability to produce them was a special characteristic of only our ancestors. Research on tool use by modern wild chimpanzees in West Africa shows there is an operational sequence when chimpanzees use lithic implements to crack nuts. In the course of nut cracking, sometimes they will create unintentional flakes. Although the morphology of chimpanzees’ hammer is different from Oldowan hammer, chimpanzees’ ability to use stone tools indicates that the earliest lithic industries were probably not produced by only one kind of hominin species.[23]
The makers of Oldowan tools were mainly right-handed.[24] « Handedness » (lateralization) had thus already evolved, though it is not clear how related to modern lateralization it was, since other animals show handedness as well.
In the mid-1970s, Glynn Isaac touched off a debate by proposing that human ancestors of this period had a « place of origin » and that they foraged outward from this home base, returning with high-quality food to share and to be processed. Over the course of the last 30 years, a variety of competing theories about how foraging occurred have been proposed, each one implying certain kinds of social strategy. The available evidence from the distribution of tools and remains is not enough to decide which theories are the most probable. However, three main groups of theories predominate.
Glynn Isaac’s model became the Central Forage Point, as he responded to critics that accused him of attributing too much « modern » behavior to early hominins with relatively free-form searches outward.
A second group of models took modern chimpanzee behavior as a starting point, having the hominids use relatively fixed routes of foraging, and leaving tools where it was best to do so on a constant track.
A third group of theories had relatively loose bands scouring the range, taking care to move carcasses from dangerous death sites and leaving tools more or less at random.
Each group of models implies different grouping and social strategies, from the relative altruism of central base models to the relatively disjointed search models. (See also central foraging theory, scavenging station model, Lewis Binford)
Most models rely on social and communication networks to hold the band together. These social networks range from requiring no more communication than modern primates, to requiring more sophisticated sharing and teaching. At present, no evidence has been found that sharply divides these theories.
Hominins probably lived in social groups that had contact with others. This conclusion is supported by the large number of bones at many sites, too large to be the work of one individual, and all of the scatter patterns implying many different individuals. Since modern primates in Africa have fluid boundaries between groups, as individuals enter, become the focus of bands, and others leave, it is also probable that the tools we find are the result of many overlapping groups working the same territories, and perhaps competing over them. Because of the huge expanse of time and the multiplicity of species associated with possible Oldowan tools, it is difficult to be more precise than this, since it is almost certain that different social groupings were used at different times and in different places.
There is also the question of what mix of hunting, gathering and scavenging the tool users employed. Early models focused on the tool users as hunters. The animals butchered by the tools include waterbuck, hartebeest, springbok, pig and zebra. However, the disposition of the bones allows some question about hominin methods of obtaining meat. That they were omnivores is unquestioned, as the digging implement and the probable use of hammer stones to smash nuts indicate. Lewis Binford first noticed that the bones at Olduvai contained a disproportionately high incidence of extremities, which are low in food substance. He concluded other predators had taken the best meat, and the hominins had only scavenged. The counter view is that while hunting many large animals would be beyond the reach of an individual human, groups could bring down larger game, as pack hunting animals are capable of doing. Moreover, since many animals both hunt and scavenge, it is possible that hominins hunted smaller animals, but were not above driving carnivores from larger kills, as they probably were driven from kills themselves from time to time.
Sites and archaeologists
A complete catalog of Oldowan sites would be too extensive for listing here. Some of the better-known sites include the following:
Sites in the Gona river system in the Hadar region of the Afar triangle, excavated by Helene Roche, J. W. Harris and Sileshi Semaw, yielded some of the oldest known Oldowan assemblages, dating to about 2.6 million years ago. Raw material analysis done by Semaw showed that some assemblages in this region are biased towards a certain material (e.g.: 70% of the artifacts at sites EG10 and EG12 were composed of trachyte) indicating a selectivity in the quality of stone used.[25]Recent excavations have yielded tools in association with cut-marked bones, indicating that Oldowan were used in meat-processing or -acquiring activities.
Omo River basin
The second oldest known Oldowan tool site comes from the Shungura formation of the Omo Riverbasin. This formation documents the sediments of the Plio-Pleistocene and provides a record of the hominins that lived there. Lithic assemblages have been classified as Oldowan in members E and F in the lower Omo basin. Although there have been lithic assemblages found in multiple sites in these areas, only the Omo sites 57 and 123 in member F are accepted as hominin lithic remains. The assemblages at Omo sites 71 and 84 in member E do not show evidence of hominin modification and are therefore classified as natural assemblages.[26]
The tools are never found in direct association with the hominins, but archaeologists believe that they would be the strongest candidates for tool manufacture. There are no hominins in those layers, but the same layers elsewhere in the Omo valley contain Paranthropus and early Homo fossils. Paranthropus occurs in the preceding layers. In the last layer at 1.4 million years ago is only Homo erectus.
Egypt
Along the Nile River, within the 100 foot terrace, evidence of Chellean or Oldowan cultures has been found.[27]
Kenya
Kanjera South, part of the Kanjera site complex, is located on the Homa Peninsula.[28] The site is estimated around 2 million years old.[29] One of the significant excavations, in the area, is Leakey’s expedition in 1932-35.[28] In 1995, Oldowan and Plio-Pleistocene faunal remains surfaced from the site.[28] There has been fieldwork to understand the geochronology of Kanjera.[28]
The numerous Koobi Fora sites on the east side of Lake Turkana are now part of Sibiloi National Park. Sites were initially excavated by Richard Leakey, Meave Leakey, Jack Harris, Glynn Isaac and others. Currently the artifacts found are classified as Oldowan or KBS Oldowan dated from 1.9–1.7 mya, Karari (or « advanced Oldowan ») dated to 1.6–1.4 mya, and some early Acheulean at the end of the Karari. Over 200 hominins have been found, including Australopithecus and Homo.
Tanzania
Olduvai Gorge
Giacobbe Giusti, Oldowan
Chopper from Olduvai Gorge, some 1.8 million years old
The Oldowan industry is named after discoveries made in the Olduvai Gorge of Tanzania in east Africa by the Leakey family, primarily Mary Leakey, but also her husband Louis and their son, Richard. Mary Leakey organized a typology of Early Pleistocene stone tools, which developed Oldowan tools into three chronological variants, A, B and C.[30] Developed Oldowan B is of particular interest due to changes in morphology that appear to have been driven mostly by the short term availability of a chert resource from 1.65 mya to 1.53 mya. The flaking properties of this new resource resulted in considerably more core reduction and a higher prevalence of flake retouch.[31] Similar tools had already been found in various locations in Europe and Asia for some time, where they were called Chellean and Abbevillian.
The oldest tool sites are in the East African Riftsystem, on the sediments of ancient streams and lakes. This is consistent with what we surmise of the evolution of man. Genetic studies tell us that the human line (the hominins) possibly diverged from the chimpanzee line (the hominids), and the native territory of the latter is the forests of Central Africanearby. Fossil chimpanzees have been found in Kenya.
The forests of central and western Africa are a stable environment containing food in abundance for animals such as chimpanzees, and any species living in such an environment would have been under little pressure to evolve further. Eastern Africa is a land of often harsh and unstable environments, and resources are correspondingly scarcer and more difficult to get. Species living in the latter environment would be under greater pressure to evolve and change as needed to survive. A facility for tool-using would contribute to the species’ chances of survival.
Even though Olduvai Gorge is the type site, Oldowan tools from here are not the oldest known examples. They occur in Beds I–IV. Bed I, dated 1.85 mya to 1.7 mya, contains Oldowan and fossils of Paranthropus boisei as well as Homo habilis, as does Bed II, 1.7–1.2 mya. H. habilis gives way to Homo erectus at about 1.6 mya but P. boisei goes on. Oldowan continues to Bed IV at 800,000 to 600,000 before present (BP).
South Africa
Abbé Breuil was the first recognized archaeologist to go on record to assert the existence of Oldowan tools. While his description was for « Chello-Abbevillean » tools, and post-dated Leakey’s finds at Olduvai Gorge by at least ten years, his descriptions nonetheless represented the scholarly acceptance of this technology as legitimate. These findings were cited as being from the location of the Vaal River, at Vereeniging, and Breuil noted the distinct absence of a significant number of cores, suggesting a « portable culture ». At the time, this was considered very significant, as portability supported the conclusion that the Oldowan tool-makers were capable of planning for future needs, by creating the tools in a location which was distant from their use.[32]
Swartkrans
The Swartkrans site is a cave filled with layered fossil-bearing limestone deposits. Oldowan is found in Members (layers) I–III, 1.8–.5 mya, in association with Paranthropus robustus and Homo habilis. The Member I assemblage also includes a shaft of pointed bone polished at the pointed end.
Member I contained a high percentage of primateremains compared to other animal remains, which did not fit the hypothesis that H. habilis or P. robustuslived in the cave. C. K. Brain conducted a more detailed study and discovered the cave had been the abode of leopards, who preyed on the hominins.[33]
Sterkfontein
Another site of limestone caves is Sterkfontein, found in South Africa. This site contains a large number of not only Oldowan tools, but also early Acheulean technology. [34]
Europe
Georgia
Giacobbe Giusti, Oldowan
Stone tool (Oldowan style) from Dmanisipaleontological site (right, 1.8 mya, replica), to be compared with the more « modern » Acheulean style (left)
In 1999 and 2002, two Homo erectus skulls (H. georgicus) were discovered at Dmanisi in southern Georgia. The archaeological layer in which the human remains, hundreds of Oldowan stone tools, and numerous animal bones were unearthed is dated approximately 1.6-1.8 million years ago. The site yields the earliest unequivocal evidence for presence of early humans outside the African continent.[35]
Bulgaria
At Kozarnika, in the ground layers, dated to 1.4-1.6 Ma, archaeologists have discovered a human molar tooth, lower palaeolithic assemblages that belong to a core-and-flake non-Acheulian industry and incised bones that may be the earliest example of human symbolic behaviour.[citation needed]
Russia
Ainikab-1 and Muhkay-2 (North Caucasus, Daghestan) are the extraordinary sites in relation to date and the culture. Geological and geomorphological data, palynological studies and paleomagnetic testing unequivocally point to Early Pleistocene (Eopleistocene), indicating the age of the sites as being within the range of 1.8 – 1.2 Ma.[36][37]
Spain
Giacobbe Giusti, Oldowan
Extremely archaic handaxe from the Quaternary fluvial terraces of Duero river(Valladolid, Spain) dated to Oldowan/Abbevillian period (Lower Paleolithic).
Typical Acheulean handaxe with tear form, from a superficial site in the Zamora province (Spain), in the Duero river.
Oldowan tools have been found at the following sites: Fuente Nueva 3, Barranco del Leon, Sima del Elefante, Atapuerca TD 6.
France
Oldowan tools have been found at: Lézignan-la-Cèbe, 1.5 mya; Abbeville, 1–.5 mya; Vallonnet cave, French Riviera; Soleihac, open-air site in Massif Central. Oldowan tools have also been found at Tautavel in the foothills of the Pyrenees. These were discovered by Henry de Lumbley alongside human remains (cranium). The tools are of limestone and quartz.
Elsewhere
Oldowan tools have been found in Italy at the Monte Poggiolo open air site dated to approximately 850 kya, making them the oldest evidence of human habitation in Italy. In Germany tools have been found in river gravels at Kärlich dating from 300 kya. In the Czech Republic tools have been found in ancient lake deposits at Przeletice and a cave site at Stranska Skala, dated no later than 500 kya. In Hungary tools have been found at a spring site at Vértesszőlős dating from 500 kya.
Asia
Oldowan tools have been found at sites in South Asia and Southwest Asia. In November 2008 tens of sites of Oldowan tools industry were found on the island of Socotra (Yemen).[38][39][40]
In Pakistan tools have been found dating from 1.9 mya at Riwat. In Iran tools have been found dating from the Late Pliocene[citation needed] or Early Pleistocene at Kashafrud. In Israel tools have been found dating from 1.4 mya at el ‘Ubeidiya.
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