Leurs origines remonte à Charlemagne, conquérant d’un puissant empire, consacré par l’autorité papale en 800, qui englobait entre autres la France, l’Allemagne, et l’Italie actuelle, mais la tradition germanique s’ancre à partir du règne d’Otton le Grand.
Après la fin du Saint-Empire en 1806, les regalia sont réinvestis par la couronne autrichienne puis sont l’objet de dispute et servent d’outils propagandistes au moment de la formation du Troisième Reich.
« Reproduction des ornements et regalia impériaux », gravure de la fin du XVIIe siècle représentant l’empereur Sigismond (Bibliothèque princière Waldeck).
Giacobbe Giusti, Regalia du Saint-Empire
« Reproduction du grand Sanctuaire à Nuremberg » avec la Sainte Lance (gravure, fin XVIIe).
Giacobbe Giusti, Regalia du Saint-Empire
Les Regalia reproduits dans une encyclopédie allemande (Leipzig, 1909).
En 800, Charlemagne est sacré empereur à Rome : il n’existe aucune trace certaine de la couronne ou des insignes impériaux du souverain. Après le partage de l’empire, et la disparition d’un pouvoir central, s’enracine alors un mythe qui va prendre deux aspects : le pouvoir royal en France va bâtir ses regalia sur d’hypothétiques couronnes de Charlemagne, tandis que les souverains centraux européens, vont en fonder d’autres, chacun se déclarant détenteur des insignes originaux.
Les noms utilisés pour ses regalia sont, en latin, insignia imperialia, regalia insignia, insignia imperalis capellae quae regalia dicuntur. Le latin est la lingua franca en Europe jusqu’au XVe siècle.
En allemand, ils vont être appelés Reichsinsignien (insignes impériaux), Reichskleinodien (joyaux impériaux) réunis au sein du Reichsschatz (trésor impérial).
Un inventaire du château de Trifelsen 1246 les désigne comme signes impériaux (Keiserliche Zeichen). Les termes employés sont liés à la personne ou a la fonction. De plus, jusqu’à Charles IV, des éléments sont ajoutés, d’autres retirés ou échangés.
Histoire
Plusieurs inventaires médiévaux sont conservés avec cinq ou six objet mentionnés. Dans ses Speculum regum (1183), Godefroi de Viterbe en énumère cinq : Sainte Croix (reliques de la Vraie Croix), Sainte Lance, Sceptre, Orbe et Épée. L’épée ou glaive n’est pas mentionnée dans d’autres listes. Il est ardu d’identifier certains objets dans une source du Haut Moyen Âge ou du Moyen Âge tardif dans la mesure où les mentions encore plus tardive parlent de couronnement in kaiserliche Insignien gekleidet, c’est-à-dire « vêtu d’insignes impériaux » sans plus de précisions. Par contre, l’identification de la Sainte Lance et de la Croix impériale sont évidentes, ces objets étant antérieurs à la période médiévale et abondamment cités. Jusqu’au xve siècle, les regalia n’ont pas de lieu fixe car ils accompagnent l’empereur lors de ses voyages à travers le royaume. La couronne du Saint-Empireremonterait à la fin du Xe siècle, mais sa forme originelle diffère sensiblement de l’actuelle.
Conservés depuis 1424 dans la ville impériale de Nuremberg en Franconie, le Conseil de la ville, à l’approche des troupes françaises menaçantes, les fait transférer à Ratisbonne en 1796. Puis ils sont envoyés en 1800 à Vienne. La menace française s’approchant de la capitale, on les confie à un certain baron von Hügel jusqu’à ce que leur sécurité puisse être assurée. Après la dissolution du Saint Empire en 1806, von Hügel profite du flou juridique pour revendre les Reichskleinodien à l’empereur d’Autriche, qui refuse de les restituer plus tard à la ville de Nuremberg et les conserve dans la Chambre du Trésor(de) (Schatzkammer). Ils restent donc dans le palais du HofburgVienne comme propriété des Habsbourg puis, après la révolution de 1918, de l’État autrichien.
Les chausses et les gants ont été ajoutés au xiiie siècle.
Les insignes impériaux sont classés en deux ensembles selon le lieu où ils ont été conservés, de 1424 à 1796 à Nuremberg, ou jusqu’en 1794 à Aix-la-Chapelle.
Reliquaire avec un fragment de la nappe de la Cène
Daté de 1518, Nuremberg, par Hans Krug.
Collection présente à Vienne
Un exemple d’une Flügellanze à gauche, de facture carolingienne, similaire à la Heilige Lanze : des pièces latérales sont présentes à la base du fer.
Sainte Lance : une petite tige de fer a été insérée dans le fer de lance et maintenue par des fils d’argent et était considéré selon la tradition comme un des clous de la crucifixion de JésusNote 1
Des pièces conservées au Hofburg, la plus ancienne est probablement la Sainte Lance, qui remonte à Henri Ier de Germanie. C’est une Flügellanze, une lance comportant deux pièces latérales et opposées à la base du fer, d’époque carolingienne.
La couronne impériale est mentionnée par la poésie médiévale autour de 1200, en particulier par son joyau L’Orphelin, un diamant de grande taille.
Voyages
Giacobbe Giusti, Regalia du Saint-Empire
Ruines du cloître de Limburg, près de Bad Dürkheim, un des lieux de conservation identifiés.
Jusqu’au xve siècle, les insignes impériaux ne sont pas conservés dans un endroit fixe : ils accompagnent souvent le souverain dans ses voyages à travers l’Empire et leur possession est primordiale dans le cas de contestations de sa légitimité. Plusieurs places-fortes et lieux sûrs ont néanmoins été identifiés durant cette période :
le cloître de Limburg, dont il subsiste des ruines à Bad Dürkheim
le Harzburg, forteresse impériale près de Bad Harzburg
↑En 2003, pour la réalisation d’un documentaire, une expertise a été réalisée, par le Docteur Robert Feather, ingénieur métallurgiste britannique, qui a reçu du Musée de la Hofburg, l’autorisation d’examiner, non seulement la lance dans un environnement de laboratoire, mais à retirer les délicates bandes d’or de l’étui et les fils d’argent qui recouvrent la lance. L’expertise a été réalisée au moyen de la technique de la spectrométrie de fluorescence X. La date la plus probable de la fabrication du fer de lance se situerait autour du viie siècle apr. J.-C., (un siècle plus tôt que l’estimation précédente). Le Dr Feather a déclaré que la tige de fer de sept pouces de longueur (prétendue être un clou de la crucifixion), martelée dans la lame, et mise en valeur par de minuscules croix en laiton, contenait pourtant des traces de cobalt mais que ce morceau de fer ne pouvait pas provenir d’un clou romain du ier siècle apr. J.-C.
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Saint Sebastian (died c. AD 288) was an early Christiansaint and martyr. According to traditional belief, he was killed during the Roman emperor Diocletian‘s persecution of Christians. He is commonly depicted in art and literature tied to a post or tree and shot with arrows. Despite this being the most common artistic depiction of Sebastian, he was, according to legend, rescued and healed by Irene of Rome. Shortly afterwards he went to Diocletian to warn him about his sins, and as a result was clubbed to death.[1][2] He is venerated in the Roman Catholic Church and the Orthodox Church.
The details of Saint Sebastian’s martyrdom were first spoken of by 4th-century bishop Ambrose of Milan (Saint Ambrose), in his sermon (number 22) on Psalm 118. Ambrose stated that Sebastian came from Milan and that he was already venerated there at that time. Saint Sebastian is a popular male saint, especially among athletes.[3][4][5]
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Ce dessin de moyenne dimension est un portraiten buste d’une jeune femme anonyme. Il est établi qu’il constitue l’étude préparatoire à la tête de l’ange Uriel présent sur la version de La Vierge aux rochers, conservé au musée du Louvre, dont le commanditaire est la Confrérie de l’Immaculée Conception. Donc vraisemblablement réalisé entre 1483 et 1485, il appartient probablement aux trois dernières études conservées se rapportant à ce tableau.
Cette étude marque une étape importante de la vie artistique du peintre puisqu’elle constitue à la fois une synthèse de son apprentissage chez Verrocchio et la mise en place de ses codifications futures concernant le portrait. C’est ainsi qu’on en retrouve l’influence dans nombre de compositions futures du peintre lui-même mais aussi, indirectement, chez Titien, Raphaël ou Vermeer.
Reconnue pour ses qualités techniques, esthétiques et psychologiques, l’œuvre fait l’objet d’un intérêt soutenu, allant jusqu’à l’admiration, de la part des historiens de l’art qui le tiennent pour l’« un des plus beaux dessins du monde ».
Description
Le dessin de la Tête de jeune femme a pour support une feuille de papier préparée avec de l’ocre clair ; celle-ci est rectangulaire et de dimensions 18,1 × 15,9 cm. Il est réalisé à la pointe d’argent et comporte de légères touches de blanc de céruse1,2. Au dos de la feuille se trouve un petit croquis de la même main qui pourrait constituer l’ornement pour la couverture d’un projet d’ouvrage2,3.
Il présente le portrait d’une jeune femme en busteP 1. Seuls les traits de son visage sont clairement tracés, celui-ci présentant une expression faite à la fois d’intensité et de grâceN 1,P 1. Le haut de son buste et sa chevelure sont seulement esquissés : ses cheveux semblent couverts d’un chapeau et sa poitrine, son épaule gauche et l’arrière de son bras droit se laissent deviner par quelques lignes succinctement tracées2,P 3. Les épaules tournées vers la gauche du cadre, la jeune femme est montrée de trois quarts dos : sa tête effectue une rotation vers la gauche, ce qui découvre son visage de trois quarts face. Son regard est légèrement incliné vers le bas2 et elle amorce un début de sourire5.
L’artiste utilise la technique de la hachure pour marquer les ombres et modeler les volumes. Seul le visage, notamment la mâchoire et la joue, comporte les hachures les plus précisément tracées et est porteur de blanc de céruse. De la même manière que leurs contours ne sont qu’esquissés, les autres parties du corps portent des hachures plus rapidement marquéesN 2,3.
Attribution
L’attribution du dessin à Léonard de Vinci fait l’objet d’un large consensus parmi la communauté scientifique depuis le xixe siècle, et plus particulièrement à partir de sa première attribution par Giovanni Rosini en 1843 dans son ouvrage Storia della pittura italiana esposta coi monumentiP 4 puis de l’établissement de son lien avec La Vierge aux rochers par l’historien de l’artallemand Jean-Paul Richter en 18837,P 5. Cette attribution s’affermit sans guère de résistance au siècle suivant grâce, notamment, aux expertises de deux des plus éminents spécialistes de l’œuvre du peintre florentin, Bernard Berenson et Carlo PedrettiP 6.
La première indication de l’aspect autographe du dessin tient au caractère tout à fait léonardesque du visage, avec « [l’]accentuation des globes oculaires, entre l’ovale et le triangle renversé, [le] long nez, [les] lèvres charnues et légèrement souriantes, [le] menton arrondi et proéminent », typiques des visages féminins du peintreN 2. Par ailleurs, l’artiste use d’un sfumato qui lui est caractéristiqueN 2,N 3. De plus, les pérégrinations de l’œuvre, bien qu’elles soient documentées de façon lacunaire, tendent à remonter à LéonardP 4. Enfin, l’identification du dessin comme étude préparatoire du visage de l’ange dans la version de La Vierge aux rochers conservée au musée du Louvre constitue un indicateur décisif7,N 4.
Contexte dans la vie de Léonard de Vinci et datation
Même si la date de création du dessin varie selon les auteurs entre le début ou la fin de la décennie 1480, il est établi qu’il est postérieur à l’installation de Léonard de Vinci à Milan en 1482. Celui-ci a environ trente ans. Il est alors un artiste reconnu : il reçoit d’importantes commandes, établit son atelier10 et bénéficie de l’appui de Laurent le Magnifique11. Sachant que quelques années plus tôt, en 1478, il quitte l’atelier florentin de Verrocchio dont il est l’élève depuis 146912. L’historien de l’art et biographe Giorgio Vasarinote que le maître s’emble s’arrêter de peindre, considérant que son élève le surpasse dans le domaineN 5. Créé à l’issue de cette période florentine et au début de sa première période milanaise, le dessin de la Tête de jeune femmeconstitue ainsi la synthèse de l’ensemble des expériences techniques et stylistiques issues de la formation du peintre chez Verrocchio2,P 8.
La quasi totalité des chercheurs contemporains voient dans le dessin une étude préparatoire à la tête de l’ange dans La Vierge aux rochers. Ils situent donc sa création à « environ 1483 », date de signature du contrat de commande entre Léonard et la Confrérie de l’Immaculée Conception14,15,16,N 6. Certains comme Carlo Pedretti estiment cette création « entre 1483 et 1485 », soit selon une limite finale d’un an avant la date d’achèvement présumée du tableauP 9. Une théorie ancienne et désormais rarement soutenue avance que le dessin constitue une étude pour le portrait de Cecilia Gallerani dans La Dame à l’hermine peint entre 1489 et 1490. Ceci date donc le dessin de ces mêmes années18,16. Mais cette hypothèse demeure largement minoritaire parmi les membres de la communauté scientifique qui considèrent que La Dame à l’hermine est plutôt un réemploi par Léonard de ses procédés développés des années plus tôt, notamment dans le dessin de la Tête de jeune femme19.
Pérégrinations de l’œuvre
L’œuvre semble avoir subi les mêmes pérégrinations que l’Autoportrait de Léonard : à la mort de ce dernier, le 2 mai 1519, son élève Francesco Melzi en hérite, au même titre que la quasi-totalité de ses manuscrits et dessins20. À la mort de Melzi en 1570, l’ensemble est dispersé par son fils Orazio21. En 1707, le collectionneur de dessins et moine Sebastiano Resta indique avoir en sa possession ce qui semble être le dessin de la Tête de jeune femmeN 7. Dans la seconde moitié du xviiie siècle, le graveur, antiquaire et collectionneur Giovanni Volpato(1735 – 1803) redécouvre puis réunit un ensemble de treize dessins de Léonard, dont fait partie la Tête de jeune femme1. En 1839, Charles-Albert de Sardaigne se porte acquéreur de la collection de Volpato en vue d’enrichir sa bibliothèque royale23. Depuis, le dessin est conservé à la bibliothèque royale de Turin sous le numéro d’inventaire 15572 D.C.; Dis. It. 1/191.
Création : une étude pour La Vierge aux rochers
Les études subsistantes de la création de la version de La Vierge aux rochers.
Si ce lien est fait entre le dessin et le tableau depuis 1883 et les travaux de l’historien de l’art allemand Jean-Paul Richter7, il demeure ténu et sujet à débats. Léonard de Vinci réutilise en effet volontiers ses trouvailles techniques et esthétiques d’un dessin sur l’autre ; ce que confirme Frank Zöllner, pour qui, chez le peintre, « des études de figures individuelles […] sont infiniment plus difficiles à rapprocher d’une peinture particulière que les dessins à plusieurs figures, qui souvent représentent des actions complètes19 ». Permettant de dépasser cette difficulté, les points de correspondance entre dessin et peinture sont néanmoins suffisamment nombreux et précis pour asseoir la conviction : même pose « par-dessus l’épaule »P 11, visages quasiment identiques19 — ce sont en particulier son sourire et la rotation de sa tête qui servent de modèle au peintre5 — et mêmes regards dirigés vers le spectateur29.
Les chercheurs considèrent que les deux œuvres — dessin et portrait peint — forment l’exemple de la « coloration florentine dans la finesse des traits du visage, le mouvement de la tête et dans la longue chevelure bouclée » telle que Léonard l’a apprise auprès de Verrocchio et telle que l’attendent les commanditaires de La Vierge aux rochers30,P 12. De fait, le tableau constitue une mise en œuvre fidèle de l’étude malgré les tâtonnements du peintre dans les autres parties de l’œuvre29. En outre, cette fidélité trahit un choix précoce de contrevenir dans la forme et dans l’esprit aux demandes des commanditaires de l’œuvreN 8. La décision de Léonard d’abandonner le regard direct de son étude dans la version plus tardive de Londres (datée entre 1507 et 1508) est à ce titre éloquente3.
Néanmoins, Léonard de Vinci introduit entre le dessin et le tableau des différences de détails qui apportent une dimension nouvelle à l’œuvre finale. Ainsi, si le visage sur le dessin est identifié par tous les observateurs avec celui d’une femme, celui du tableau devient clairement androgyne32. Constitutive de l’œuvre du peintre, cette ambiguïté est identifiée par de nombreux observateurs comme le reflet de sa propre sexualité, et notamment d’une homosexualité cachée33. D’autre part, l’historienne et théoricienne des arts Frédérique Villemurconstate que l’androgynie est « porteuse d’une virtualité figurative et que son efficacité tient chez Léonard de Vinci à la puissance de l’indistinct, à une fusion des genres jusque dans le neutre34 »N 9. Autre élément du devenir du dessin dans l’œuvre peinte, le regard du personnage qui est également un point commun fascinant : si l’intensité de ce regard vers le spectateur invite efficacement ce dernier à pénétrer dans l’œuvre, son « expression [devient] quelque peu cruelle »dans le tableau, ce qui induit un double mouvement d’attirance-répulsion absent auparavantP 3.
Analyse
Léonard de Vinci, étude de dix-huit positions du buste d’une femme (vers 1478-1480, Château de Windsor, Royal Collection, inv. RCIN 912513).
L’historien de l’art spécialiste de l’œuvre de Léonard de Vinci Carlo Pedrettirecommande, pour analyser le dessin, de le considérer dans le cadre technique et temporel d’une étude pour l’ange de La Vierge aux rochersP 5.
La Tête de jeune femme est volontiers décrit comme une synthèse de l’apprentissage de Léonard de Vinci chez Verrocchio ainsi que de ses expérimentations techniques et artistiques16,P 13. Ainsi, en premier lieu, il présente une capacité du peintre à tourner autour de son modèle, tel un sculpteur. En cela, l’œuvre évoque un autre dessin, l’étude de dix-huit positions du buste d’une femme daté de la même période (1478-1480) et présentant le buste et la tête d’un même modèle sous une grande variété de points de vueP 12. Par ailleurs, le dessin atteste de l’aptitude du jeune Léonard à saisir le mouvement ; celui-ci est induit par la posture dynamique de son modèle, dite « par-dessus l’épaule », dans laquelle le spectateur voit le personnage de trois quarts dos et, à la suite d’une rotation, son visage de trois quarts faceP 7. Ces éléments confirment un apprentissage chez un maître, Verrocchio, certes connu pour son travail de peintre mais célébré surtout pour son talent de sculpteur2,16.
Cette capacité à saisir le mouvement explique ainsi la confusion passée de certains observateurs entre le dessin et le portrait de Cecilia Gallerani dit La Dame à l’hermine (portrait daté entre 1488 et 1490) dont il aurait constitué une étude : ce tableau présente en effet une jeune femme en buste qui adopte une pose similaire au modèle de la Tête de jeune femmeN 10. Or il n’est qu’une variation du dessin puisqu’il ne fait que résulter d’un changement de point de vue du peintre autour d’un modèle ayant conservé une pose identique. Mais les chercheurs s’accordent désormais pour voir plutôt dans ce portrait une réutilisation de solutions techniques mises au point notamment avec la Tête d’une jeune femme19,P 7.
Ombres et lumières
La Tête de jeune femme convoque tout un jeu sur les ombres et la lumière sur lequel il s’interroge et qui fait l’objet de questionnements de la part des artistes d’alors. Ainsi, l’œuvre est le lieu où s’appliquent les préceptes qu’énonce le théoricien des artsLeon Battista Alberti dans son De pictura(1435) concernant la transition « insensible » que doit exposer le peintre entre zone éclairée et zone ombragée16 :
« Mais de telle figure qui aura ses superficies attachées de façon que de douces lumières s’y convertissent insensiblement en ombres suaves, qui n’aura aucune aspérité anguleuse, nous dirons avec raison qu’elle est belle et pleine de charme36. »
De même, la Tête d’une jeune femme applique les préceptes que Léonard définit lui-même dans son Traité de la peinture concernant l’opposition forte de luminosité qu’il convient de donner entre les zones du visage16,N 11 :
« La force des ombres et des lumières contribue beaucoup à la grâce des visages des personnes qui sont assises aux portes des maisons obscures, parce que celui qui les regarde voit que le côté du visage qui est ombré se trouve encore obscurci de l’ombre du lieu, et l’autre côté du même visage qui est éclairé du jour reçoit aussi la clarté qui vient de la lumière de l’air, par lequel accroissement d’ombre et de lumière le visage prend un grand relief, et vers le côté du jour les ombres y sont presque insensibles, tellement que par cette représentation et accroissement d’ombre et de lumière le visage acquiert une grâce et une beauté particulière37. »
Afin de restituer les effets de demi-teintes, Léonard de Vinci utilise la technique de la hachure, un ensemble de lignes parallèles dont l’espacement varie en fonction de la tonalité désirée : il est considéré avec Domenico Ghirlandaio comme un des artistes maîtrisant le mieux le procédé3. Néanmoins, la technique ne permet pas de rendre parfaitement toutes les nuances que le dessin porte — question qui ne se pose évidemment pas sur la figure du tableau achevé dont les dégradés de tons sont obtenus par glacis. Bien qu’il la résolve en partie par l’ajout de blanc de céruse, la solution n’est que partielle. Or, même à l’époque de la conception de la version de Londres de La Vierge aux rochers(1507 – 1508), il ne parvient pas à trouver de solution pleinement satisfaisante38.
La technique au service de l’expression artistique
Le sourire comme élément d’ambiguïté psychologique
dans les œuvres de Léonard de Vinci.
Le dessin Tête de jeune femme s’impose comme une œuvre à part entière malgré son caractère d’étude préparatoire à un tableau. En effet, au moyen d’une parfaite connaissance des faits physiques et d’une grande maîtrise technique, Léonard de Vinci offre au spectateur « un être plein de grâce et de vie N 1 » et compose ainsi une œuvre poétique16.
Or une grande part de cette expérience poétique tient à la capacité du peintre à faire émerger la vérité psychologique de son sujet où se mêlent grâce, maliceN 1 et « noblesse »P 13. Les chercheurs ajoutent à cette description un élément de complexité : la douceur du visage est rendue ambigüe par la présence d’un sourire qui deviendra par la suite propre aux portraits du peintreN 12.
La mise en place de codifications futures
Pour nombre d’observateurs, le dessin de la Tête d’une jeune femme constitue une transition dans l’œuvre du peintre, entre un style et une technique issues d’une expérience passée dans l’atelier d’un peintre renommé, Verrocchio, et l’établissement d’une codification16. L’œuvre inaugure donc un point de départ pour le peintre en ce qu’il est possible d’en retrouver les codifications dans des œuvres plus tardives comme dans le tableau de La Madone aux fuseaux (dont il ne subsiste que des copies, dont une, conservée à New York, est datée vers 1501)P 12. C’est ce qui conduit ainsi les historiens de l’art Frank Zöllner et Johannes Nathan à qualifier le dessin de « prototype »19.
La création du portrait « par-dessus l’épaule »
Le dessin présente une vue « par-dessus l’épaule » c’est-à-dire une pose obtenue par la « torsion du buste observée depuis l’arrière et accompagnée d’un mouvement de la tête tournée vers le spectateur »P 7. Cette pose est caractéristique du lien fait par Léonard entre son apprentissage chez Verrocchio et les créations qu’il peut en tirer : c’est parce que Verrocchio lui enseigne la représentation du mouvement et du corps selon différents points de vue qu’il peut concevoir cette vue1,2,19. Léonard propose ainsi dès 1475 les prémisses d’un tel procédé dans le Baptême du Christ, un tableau de Verrocchio (dont il est encore élève) sur lequel il conçoit et peint la pose de l’ange le plus à gauche : le personnage est figuré selon une vue de dos et une rotation de la tête ; cette rotation demeure néanmoins partielle car la tête est encore orientée vers le centre de la scène40,41. Dans le dessin de la Tête de jeune femme, la rotation est complète et la vue « par-dessus l’épaule » est désormais techniquement installée. Cette création dans le dessin donne lieu à des expérimentations que Léonard conduit dans le reste de sa carrière, et notamment lors de sa première période milanaise. C’est ainsi qu’on peut la retrouver dans un autre dessin plus tardif et intitulé Tête du Christ portant sa Croix (1495-1497, Venise, Gallerie dell’Accademia)16.
Andrea del Verrocchio, le Baptême du Christ, 1475, Florence, musée des Offices. L’ange de gauche est de la main de Léonard de Vinci et porte les prémisses de la création de la vue « par-dessus l’épaule ».
Un exemple plus tardif d’expérimentation de « portrait par-dessus l’épaule » par le peintre (Tête du Christ portant sa Croix, 1495-1497, Venise, Gallerie dell’Accademia).
Le succès de l’œuvre tient en premier lieu à la beauté intrinsèque du modèle représenté, avant toute considération technique, qu’elle concerne la composition de l’œuvre ou la technique purement graphique par exempleP 14. De fait, Léonard de Vinci établit avec ce dessin un canon d’une beauté féminine idéalisée même s’il est fait ici d’après nature19.
Le portrait se construit donc selon un agencement des parties du visage tout à fait codifié : « un front presque aussi haut que le sommet de la têteP 13 », de longs cheveux ondulés, hérités des représentations de Verrocchio30, de grands yeux « emplis de maliceN 1 », « [un] long nez, [des] lèvres charnues et légèrement souriantes, [un] menton arrondi et proéminentN 2 ».
C’est pourquoi il n’est guère étonnant de retrouver ces caractéristiques des années plus tard dans des œuvres comme La dame à l’hermine (1489-1490) : la rencontre entre Léonard de Vinci et Cecilia Gallerani constitue de fait la rencontre entre un artiste, un type de visage dont il a construit les caractéristiques et un modèle qui rassemble ces dernières et auquel le peintre ne peut donc qu’être sensible19.
Exemples d’études plus tardives de têtes féminines.
L’œuvre constitue une source d’influence certaine pour Léonard de Vinci lui-même qui n’a de cesse que de s’en inspirer dans nombre de ses portraits futurs19. S’il n’est pas avéré que les prédécesseurs de Léonard aient vu le dessin, il est établi que les découvertes qu’il a induites les ont influencés : ainsi, la vue dite « par-dessus l’épaule » est volontiers reprise par Giorgione et, à sa suite, par Titien comme dans son Portrait d’homme (vers 1512)P 12 puis, certainement parRaphaël comme dans son Portrait de Bindo Altoviti (vers 1515). Puis il est possible de poursuivre ce cheminement par Johannes Vermeer qui l’emprunte à ces deux derniers dans son tableau La Jeune Fille à la perle (vers 1665)42,43.
Une filiation technique de la Tête de jeune femme de Léonard
jusqu’à La jeune fille à la perle de Vermeer
Le dessin fait l’objet de l’admiration de la part de spécialistes de Léonard de Vinci, à tel point que l’historien de l’art Carlo Pedretti s’en émeut et reproche à nombre d’entre-eux de finir par ignorer toute méthodologie scientifique pour ne se consacrer qu’à une étude située à un niveau esthétiqueP 9. Cette réflexion est ainsi l’occasion pour lui d’affirmer que c’est au contraire l’observation scientifique qui permet d’analyser et de comprendre la beauté d’une œuvreP 13.
Dès le xixe siècle, les chercheurs expriment leur admiration. Ainsi, l’historien de l’art français Eugène Müntz dans son ouvrage consacré au peintre considère cette étude « plus belle que la partie correspondante du tableau du Louvre29 ». De son côté, Adolfo Venturi affirme dans son ouvrage Leonardo e la sua scuola paru en 1942 que « la tête, modelée en traits rapides et vibrants, tient son caractère ensorcelant de la pâle phosphorescence des yeux, de la lueur perlée qui, dans la pénombre de leur orbite, irradie de leurs iris44. » En 1952, Giulia Brunetti le juge, dans le catalogue de l’exposition consacrée à Michel-Ange et organisée dans la Biblioteca Medicea Laurenziana, « comme l’une des créations les plus réussies de Leonard45 ».
De façon significative, en 1952, à l’occasion des cinq cents ans de la naissance du peintre, l’historien de l’artaméricain, spécialiste de la Renaissance italienne, Bernard Berenson, est réputé avoir affirmé lors d’une conférence que la Tête de jeune femme est « le plus beau dessin du monde »1,15,46,2. Mais Carlo Pedretti y voit une attribution erronée par un journaliste trop enthousiasteP 9. Bernard Berenson affirme néanmoins que la Tête de jeune femme est « un des fruits les plus remarquables de l’art du dessinN 13 ».
Au final, la Tête de jeune femme est le plus célèbre des dessins de Léonard possédés par la bibliothèque royale de Turin — conjointement avec son Autoportrait — à tel point que le musée en a fait son logo officiel2.
Expositions
La Tête de jeune Femme fait partie des collections permanentes de la bibliothèque où elle est exposée aux côtés de l’ Autoportrait de Léonard de Vinci. Dans la bibliothèque même est organisée, entre le et le , l’exposition intitulée Léonard et le trésor du roi (en italien : Leonardo e i tesori del re) 47,48. À cette occasion, un catalogue paraît, Leonardo e i tesori del re, sous la direction d’Angela Griseri49.
C’est à partir du milieu du xxe siècle que l’œuvre fait aussi l’objet d’expositions en-dehors de Turin. Parmi les plus récentes, l’exposition intitulée Léonard de Vinci : dessins de la bibliothèque royale de Turin (en anglais : Leonardo da Vinci : drawings from the Biblioteca Reale in Turin) est l’occasion de la présenter parmi un groupe de onze dessins et le Codex sur le vol des oiseauxdans plusieurs villes aux États-Unis : elle s’ouvre le au Birmingham Museum and Art Gallery en Alabama, passe par le musée d’Art du Nevada à Reno, puis se termine à San Francisco, au Legion of Honor, où elle demeure du au 50,51. Elle fait ensuite partie de l’exposition itinérante intitulée Léonard de Vinci et l’idée de la beauté(en italien : Leonardo da Vinci : E L’idea Della Bellezza) qui se déroule de mars à au musée du Bunkamura à Tokyo52 puis au Musée des beaux-arts de Boston aux États-Unis du au . À cette occasion, un catalogue est édité sous la direction de l’historien d’art spécialiste de la Renaissance italienne John T. Spike53,54. Entre-temps, l’œuvre est présentée du au à New Yorkdans le Morgan Library and Museum lors d’une exposition intitulée Léonard de Vinci : les trésors de la bibliothèque royale de Turin (en anglais : Leonardo da Vinci : Treasures from the Biblioteca Reale, Turin)55.
↑ a, b, c et dÉcrits rapportésP 2 d’Osvald Sirén4.
↑ a, b, c et dÉcrits rapportésP 2 de Marco Rosci6.
↑Le sfumato, appelé aussi « fumée de Léonard », est une technique picturale que Léonard de Vinci théorise ainsi dans ses écrits : « Veille à ce que tes ombres et lumières se fondent sans traits ni lignes, comme une fumée8. »
Bien que convaincus du caractère autographe de l’œuvre, certains chercheurs invitent toutefois à la prudence car le dessin peut ne pas être entièrement de la main du maître : entamé par Léonard, il peut être achevé par un de ses élèves sous sa supervision, à l’exemple du dessin Tête et buste de jeune femme (ca. 1485-1490, Windsor, Royal Collection, RCIN 912512)9,P 7.
↑« Ainsi [ Andrea del Verrocchio ] peignit […] un Baptême du Christ. Son élève, Léonard de Vinci, alors très jeune, y fit un ange tellement supérieur à toutes les autres figures, qu’Andrea, honteux d’être surpassé par un enfant, ne voulut plus jamais toucher à ses pinceaux13. »
↑Le contrat est signé devant le notaire Antonio di Captini le 17.
↑« The Leonardo drawings he [Sebastiano Resta] mentions in his possession include […] a finished study for the angel head of the angel that Vasari records as having been added by leonardo to that painting22. »
↑Le contrat de commande signé devant notaire stipulait la représentation d’une vierge à l’enfant, entourée de deux anges et deux prophètes mais sans saint Jean Baptiste30,31.
↑Le modèle n’y est en effet plus présenté selon une pose de trois-quarts dos (dite « par-dessus l’épaule ») et avec visage de face, mais de trois-quarts face avec le visage tourné selon un même angle par rapport au buste.
↑Le Traité de la peinture consiste dans la compilation d’écrits de Léonard de Vinci sur la peinture réunis et organisés par son ami Francesco Melzi. Il n’a donc d’existence réelle qu’après la mort du peintre.
↑Écrits rapportésP 14 de Bernard Berenson in(it)Bernard Berenson, Nicky Mariano et Luisa Vertova Nicolson, I designi dei pittori fiorentini [« Le dessin des peintres florentins »], vol. 1, Milan, Electa, , p. 252.
Références
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