Giacobbe Giusti, Carré Sator
Giacobbe Giusti, Carré Sator
Quadrato del SATOR sul fianco nord del Duomo di Siena
Giacobbe Giusti, Carré Sator
A Sator Square on a brick wall in St. Peter ad Oratorium
Giacobbe Giusti, Carré Sator
La phrase à Campiglia Marittima.
Giacobbe Giusti, Carré Sator
Giacobbe Giusti, Carré Sator
Le carré Sator est un carré magique contenant le palindromelatin SATOR AREPO TENET OPERA ROTAS.
Le carré figure dans plusieurs inscriptions latines, la plus ancienne connue qui a été trouvée à Pompéi ne pouvant être postérieure à l’an 791.6
Disposition
Giacobbe Giusti, Carré Sator
Les lettres de la phrase sont inscrites dans un carré de 5 cases sur 5 de telle façon qu’elle puisse être lue de haut en bas, de bas en haut, de gauche à droite et de droite à gauche :
S A T O R A R E P O T E N E T O P E R A R O T A S
ou en sens inverse :
R O T A S O P E R A T E N E T A R E P O S A T O R
La lecture est rendue possible horizontalement et verticalement parce que chacun des termes de la phrase est un acrostiche, un mésostiche ou un téléstiche de l’ensemble des cinq mots.
Il faut noter que le changement de l’ordre de lecture n’altère en aucun cas le sens de la phrase du point de vue grammatical latin. En d’autres termes, si la place des mots n’est pas la même, la signification est identique.
Le carré peut également être lu en boustrophédon, à nouveau sans altérer la signification du carré.
Traduction
Le carré est composé des cinq mots suivants :
- Sator : laboureur, planteur, semeur ; ou créateur, père, auteur ;
- Arepo : signification inconnue ;
- Tenet : [il/elle] tient (du verbe tenere) ; ou il tient en son pouvoir, voire maintient ;
- Opera : œuvre, travail, soin ;
- Rotas : roues : ou rotation, orbite, révolution.
Le mot Arepo est un hapax : il n’apparaît nulle part ailleurs dans la littérature latine. Il est probable qu’il s’agisse d’un nom propre, éventuellement inventé pour faire fonctionner le palindrome. Sa similitude avec arrepo, venant de ad repo, « je rampe vers », est probablement une coïncidence.
La traduction la plus probable est : « Le laboureur Arepo utilise les roues (c’est-à-dire une charrue) comme forme de travail. » Est également possible : « Le semeur tient avec soin les roues (de sa charrue). » Une autre cependant, plus proche de la mystique du carré magique, surtout si on la rapproche des premiers chrétiens, pourrait être, si l’on tient compte de la similitude entre arepo et arrepo— qui signifie également et entre autres « être terre à terre » (selon dictionnaire Gaffiot) — : « le créateur, par son caractère terre à terre, maintient l’œuvre de rotation ». Moult interprétations sont possibles si l’on sort du strict contexte « laboureur » et « roue ». Comme c’est un carré magique, il y a autant d’interprétations que de sens de lecture, ce que la langue latine favorise naturellement.
Si la phrase est lue en boustrophédon, la place des mots change mais la traduction reste la même, car l’ordre des mots dans la phrase est très libre en latin. Néanmoins, la place des mots indique les accents mis sur l’importance de tel ou tel mot. Sator étant le premier mot, cela indique que celui-ci est essentiel ; de même que tenet, vu la place centrale, et que rotas, puisque c’est le dernier mot qui reste en mémoire.
Exemples
Giacobbe Giusti, Carré Sator
Le plus ancien carré connu se trouve dans les ruines de Pompéi où il fut enfoui en 79. D’autres ont été trouvés dans des excavations à Corinium (actuelle Cirencester en Angleterre2 ; le texte est ROTAS OPERA TENET AREPO SATOR), Doura Europos (actuelle Syrie)3ou au musée de Conimbriga au Portugal4. Le carré existe également sur un mur d’Oppède le Vieux en France, à Manchesteren Angleterre5, sur le mur de la cathédrale de Sienne ou dans une inscription en marbre à l’abbaye de San Pietro ad Oratorium près de Capestrano en Italie, entre autres. Dans un cas découvert à l’abbaye de Valvisciolo, également en Italie, les lettres forment cinq anneaux concentriques, chacun divisé en cinq secteurs. Il en existe un exemplaire sur le mur d’une maison de Valbonnais dans l’Isère, ainsi que sur une porte fort ancienne de la rue Jean-Jacques Rousseau à Grenoble, et au Château de Bonaguil à Saint-Front-sur-Lémance en Lot-et-Garonne.
Interprétation
Jérôme Carcopino publia dans Le christianisme secret du carré magique — repris dans Études d’Histoire Chrétienne (Albin Michel 1953) — une étude critique du carré et des interprétations connues jusque là.
F. Grosser interpréta le carré comme un signe de reconnaissance utilisé par les premiers chrétiens afin de se reconnaître entre eux sans pour autant se montrer à la vue de tous par crainte de la répression. Grosser faisait la lecture suivante : les lettres de ce carré constituent une anagramme, qui, disposé en croix, donne deux fois : Pater noster, auquel on ajoute deux fois les lettres « A » et « O ». Ces dernières pouvant représenter « l’Alpha et l’Oméga » cité dans l’apocalypse de saint Jean : « Je suis l’Alpha et l’Oméga, le commencement et la fin. » Par ailleurs, TENET forme une image de croix, ce que suggère en plus la forme du T. L’archéologue Amedeo Maiuri en déduisit la présence d’une communauté chrétienne à Pompéi. Des anachronismes présumés sont mis en avant pour s’opposer à cette théorie : les chrétiens du ier siècle prieraient en grec et les symboles du Tau, de l’alpha et de l’oméga seraient postérieurs à la destruction de Pompéi en 796.
L’épigraphiste italienne Marguerite Guarducci a montré elle aussi dans ses travaux l’importance en épigraphie paléochrétienne de la lettre T (ou tau) d’une part, et d’autre part des lettres A O et O A (alpha oméga/ oméga alpha). Selon elle, la lettre T, en plus de sa valeur littérale, est souvent utilisée en symbole graphique représentant la croix. En plus, dans le cas du carré Sator, cette lettre T représentant la croix est utilisé quatre fois, aux quatre extrémités d’une croix formée par les mots TENET se croisant. Les 4 croix forment ainsi une grande croix. D’autre part, Marguerite Guarducci a montré qu’à cette époque de coexistence des alphabets latin et grec, les lettres A et O sont souvent utilisées juxtaposées, pour signifier Alpha et Omega, le Commencement et la fin, suggérant le Seigneur, partageant l’avis de plusieurs de ses confrères. Dans le carré Sator, de part et d’autre de chaque T de la croix, se trouvent tantôt A et O, tantôt O et A ; Marguerite Guarducci formule l’hypothèse que si A O signifie Commencement / Fin, alors les occurrences O A pourraient signifier Fin / Commencement, ce qui selon elle symboliserait la résurrection.
Giacobbe Giusti, Carré Sator
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Le carré à Cirencester.
- Giacobbe Giusti, Carré Sator
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La phrase à Campiglia Marittima.
Giacobbe Giusti, Carré Sator
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Le carré à Grenoble.
Notes et références
- The Magic Square [archive]
- Référence épigraphique RIB-02-04, 02447,20
- AE 1934, 00274 [archive]
- AE 1975, 00493 [archive]
- AE 1979, 00387 [archive]
- Robert Etienne, La vie quotidienne à Pompéi, Hachette, 1989, (ISBN 2010153375), p. 233
Annexes
Bibliographie
- Henri Polge, « La fausse énigme du carré magique », Revue de l’histoire des religions, vol. 175, no 2, , p. 155-163 (lire en ligne [archive]).
- Nicolas Vinel, Le judaïsme caché du carré Sator de Pompéi [archive], 2006, Revue de l’Histoire des Religions